Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/302

Cette page n’a pas encore été corrigée

2013

    1. JUSTICE (VERTU DE)##


JUSTICE (VERTU DE), DIVISIONS

2014

d’une chose, qui, appelant une autre chose, en détermine la quotité ou la nature. L’égalité se fait donc de chose à chose, non de chose à personne. Il en résulte que cette égalité sera arithmétique, non géométrique comme tout à l’heure. Si j’ai reçu dix, je rends, en équivalent, dix. Alors je suis en règle avec la justice. Sed in rommulalionibus redditur aliquid aliui singulari personæ propler rem ejus quæ accepta est, ut maxime patel in emplione et venditione quibus primo invenitur ratio commutalionis. Et ideo oportet ad ! quare rem rei, ut quanlo iste plus habet quam suum sit, de eo quod est allerius, lantumdem restituai ei cujus est. Et sic fit œqualitas secundum arilhmeticam medielalem, quæ ullenditur secundum parem quantitatis excessum. Ibid.

La différence entre la justice des échanges individuels et Injustice des répartitions sociales ne gît donc pas en ce que ces dernières n’ont égard qu’aux personnes et les autres qu’aux choses. Personnes et choses interviennent dans les deux. Mais en justice de répartition, lis personnes interviennent à titre div. et ; les choses uniquement en tant que signe, effet ou concomitance de la qualité sociale des personnes. Au contraire, en justice d’échange, ce qui intervient à titre direct, ce sont des choses, c’est-à-dire des réalités matérielles ou des actes, et les personnes ne sont engagées que comme élément déterminateur de ces choses. In actionibus et passionibus, condilio personæ facit ad quantitalem rei : major enim £st injuria si perculiatur princeps quam si percutiatur privata persona. Et ita conditio personæ in distributiva justitia atlenditur secundum se : in commutaliva autem secundum quod per hoc diversifïcatur res, a. 2, ad 3um. 2° Objet de l’une et de l’autre justice.

Que faut-il

maintenant penser de l’objet, ou, comme dit saint Thomas, de la matière de ces deux variétés de justice : est-elle la même, ou bien est-elle diverse ? Entendons que la matière est ce sur quoi porte précisément la vertu.

La justice porte sur des opérations extérieures, q l’il s’agit de distribuer ou d’échanger. Mais quoi ? Ce peuvent être des choses matérielles, des réalités touchant aux personnes, enfin du travail. Des choses matérielles : on enlève ou restitue à autrui ce qui lui appartient ; des réalités tenant à la personne : des honneurs par exemple ou. leur contraire, les injures ; du /rotwï en fin dans le sens le plus la~ge du mot, comme lorsqu’on fait à un autre ou qu’on exige de lui un ouvrage quelconque.

Pour répondre à la question posée, il faut distinguer entre la matière éloignée et la matière prochaine. Si l’on considère la matière éloignée de l’une et de l’autre justice, c’est-à-dire les choses, res, qu’on échange ou distribue, la matière est la même pour la justice dislributive et pour la justice commutative ; car les biens peuvent être distribués du commun aux particuliers, ou être échangés de l’un à l’autre : et de même aussi » il est une certaine distribution et une certaine compensation réciproque des travaux onéreux. Si accipiamus ut materiam ulriusque justitiæ ea quorum operationes sunt usus, eadem est materia distribulii>æ cl commutalivæ justitiæ ; nam et res dislribui possunt a i-ommuni in singulos, et commutari de uno in alium ; et etiam est qundam dislribulio laboriosorum operum et recompensatio, a. 3.

Mais si, considérant ce qu’on peut appeler la matière prochaine, nous envisageons, non plus les choses matérielles, les réalités personnelles, le travail, mais la manière dont tout cela est mis en œuvre, nous trouvons de part et d’autre une matière diverse. La justice distributive, en effet, dirige dans la distribution ; tandis que la justice commutative dirige dans les échanges qui peuvent être envisagés entre deux personnes. Si autem accipiamus ut materiam ulriusque justitiæ actiones ipsas principales, quibus utimur personis, reèus et operibus, sic invenitur utrobique alia materia ; nam distributiva justitia est directiua distributionum, commutaliva vero justitia est directiva commutationum, quæ attend i possunt inter duas personas. Ibid.

Justice et compensation.

La dernière question posée par saint Thomas au sujet de la justice prise en général est relative à ce que l’on peut appeler d’une manière assez impropre la compensation. Et le problème est celui-ci : quelqu’un subit cela même qu’il a fait subir à d’autres ; la justice est-elle alors satisfaite, ne l’est-elle qu’ainsi, l’est-elle toujours ainsi ? Tel est le sens de la question un peu obscure : Utrum justum sit simpliciter idem quod conlrapassum ? Pour le bien entendre il convient de remarquer que les mots subir, pâlir doivent être pris ici dans le sens très général et philosophique du latin pati, et par exemple pâli c’est d’ahord endurer une peine, mais c’est aussi simplement payer sa dette.

Ceci posé, saint Thomas fait remarquer qu’à prendre les choses en rigueur de terme, la compensation, conlrapassum, implique l’égalité absolue, entre action accomplie et passion subie. Ici seulement il y a stricte, compensation. Le cas le plus clair est celui du talion : à s’en tenir au texte de la loi mosaïque (comme d’ailleurs à celui d’autres lois anciennes) il y a égalité entre les actions injurieuses par lesquelles a été lésée la personne du prochain et ce qu’on fait souffrir ou endurer à celui qui les a commises : « Tu donneras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure. » Ex., xxt, 23-2L

Mais il y a encore, dit saint Thomas, contrapassum, dans un sens secondaire quand il s’agit non plus dé dommag s personnels, mais de dommag ; s réels. : quelqu’un a porté atteinte au bien d’autrui, on portera atteinte à son bien. Il est possible enfin de pousser plus loin l’extension du mot conlrap mum.etde l’appliquer aux échanges volontaires, où chaque partie est à la fois active et passive. Qui cède à autrui une pièce de drap contre un bœuf est à la fois agent et patient : patient, puisqu’il subit un dommage en perdant son drap, agent en ce qu’il acquiert quelque chose qu’il n’avait pas. Saint Thomas fait d’ailleurs remarquer, avec beaucoup de justesse, qu’ici le mot passion est pris dans un sens assez impropre : volunlarium enim diminua de ratione passionis.

Tels sont les différents cas où l’on peut voir compensation ; or on va prouver que si, en loules circonstances, on égalisait absolument passion subie et action faite la justice commutative. pourrait en être lésée., en d’autres termes que le justum et le conlrapassum ne sont pas toujours équivalents.

Des exemples vont le montrer : Quelqu’un fait injure à une personne plus élevée que lui-même en dignité : l’action dans ce cas est plus grave que ne le serait la passion de même espèce qu’il subirait lui-même. Qui frappe un prince n’est pas seulement frappé en retour, mais puni de manière beaucoup plus grave.

De même, si quelqu’un a causé du dommage à autrui dans ses biens, contre la volonté de celui-ci, il n’y aurait pas de rapport exact entre l’action accomplie et la passion subie, si l’on se contentait d’enlever à l’auteur du dommage exactement ce qu’il s’est approprié. De la sorte en effet le. coupable ne subirait lui-même aucun dommage, ainsi la simple restitution ne saurait satisfaire la justice lésé-. Le coupable en effet n’a pas seulement porté oréjudice à une personne privée, mais encore à la société, dont, par son acte, il