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JUSTICE ^VERTU DE), DIVISION 2012

gouffre quelque chose d’injuste s’il subit une injustice contre son gré ; et cependant celui qui se rend coupable de cette injustice sans le savoir ne commettra point d’injustice au sens formel, mais seulement d’une façon matérielle, a., ’J. ad 3um.

Saint Thomas termine cette question en disant que tout péché d’injustice qui implique une lésion du droit d’autrui, ou un empiétement sur ce que sa volonté raisonnable doit naturellement vouloir, de telle sorte qu’il en résulte naturellement pour lui une opposition qui l’irrite et l’alllige, est, de soi, ou par son objet et de son espèce, un péché mortel.

En effet, le péché mortel est celui qui est contraire à la charité, d’où vient la vie de l’âme. Or, tout dommage causé à autrui répugne, de soi, à la charité, qui incite à vouloir le bien des autres. Puis donc que l’injustice consiste toujours dans un dommage eausé à autrui, il est manifeste que commettre l’injustice est, en soi, un péché mortel. Ce péché ne deviendra véniel qu’en raison de l’insullisance de la matière :, ou pour tout autre motif extrinsèque ; mais, par sa nature, il est essentiellement un péché mortel. Cum juslilia semper consistul in nocumento alterius, maaifestum est quod facere injuslum, ex génère suo est peccatum morlale, a. 4.

III. Divisions de la justice.

Nous avons déjà distingué deux espèces de justice : la justice particulière et la justice générale ou légale, c’est-à-dire la justice qui s’exerce à l’égard des particuliers et la justice qui s’exerce à l’égard du groupe. C’est, en effet, du côté de l’objet qu’on regarde pour qualifier une vertu, comme c’est du terme qu’on fait état pour spécifier un mouvement. Sum. theol., H » II » e, q. lxi, a. 1, ad 4um.

Justice commutative et justice distributive. Leur distinction.

La justice particulière se partage, à son tour, en deux espèces En effet, l’individu, dont la justice particulière a souci, peut être en relation soit avec un autre individu qui le traite ou refuse de le traiter selon son droit ; soit avec le groupe ou les représentants du groupe, qui le traitent ou refusent de le traiter selon ce qui convient à sa place dans ce groupe. Le premier rapport donne lieu à la justice des échanges ou justice commutative ; le second à la justice des répartitions, ou justice distribulive. La première est exercée par les particuliers ou par les chefs en tant cpie particuliers : la seconde est exercée par les chefs, ou par les particuliers en tant qu’ils acceptent l’action de chefs ou jouent eux-mêmes, à l’égard d’un groupe enclavé dans le premier, le rôle de chefs.

Toute justice s’occupe des rapports des hommes entre eux, soit à titre de partie à partie, soit à titre de partie au tout, soit au litre du tout aux parties. Les rapports des parties au tout forment l’objet de la justice générale ou légale. Les deux autres sortes de rapports constituent le domaine de la justice particulière, qui prendra le nom de justice commutative. quand elle règle les rapports des parties aux parties. et le nom de justice distributive. quand elle règle les rapports du tout aux parties ; En d’autres termes, la justice commutative règle I s rapports entre les personnes privées ; la justice distributive. entre la société et chacun de ses membres. Cf. Sam. theolog., II » liai, q. i.xi, a. 1.

La justice distributive consiste à maintenir le droit de chacun, à donner à chacun la position légale qui lui appartient dans L’ensemble social. Si la société est un organisme, chaque membre a droit à sa place, a la sphère d’action qui lui est marquée par la nature mime de l’ensemble, et il est aussi important pour le tout d’assurer à chacun Cette place spéciale que de sormellrc chacun a la loi et à ses décisions. H n’y a pus fie système ocial vigoureux, ivanl et durable.

là où chaque membre n’a pas sa part d’activité propre, sa liberté personnelle, là où l’ensemble ne cède pas à la partie ce dont celle-ci a besoin pour s’intéresser à son tour à l’ensemble, tout comme la liberté et le droit de chacun dépendent du respect que celui-ci observe envers la Loi et qui exclut tout caprice individuel ! La justice commutative embrasse les rapports des membres fie la société entre eux, leur commerce réciproque et les contrats qui en résultent.

Celte division doit être considérée comme nettement spécifique. Ce qu’on doit aux individus, comme individus, et ce qu’on doit aux individus comme membres fin groupe doit se distinguer comme se distinguent Us individus et le groupe. Or, pour saint Thomas, l’individu et le groupe ne se distinguent pas uniquement comme l’un et le multiple ; le groupe, comme tel, est quelque chose de nouveau, de spécifique ; donc aussi ce qui lui est dû ; donc aussi ce qui est dû à ses membres en tant qu’ils sont ses membres. Ce qu’on doit à un particulier, c’est à lui, simplement, qu’on le doit. Ce qu’on doit à un citoyen comme tel, c’est à la cité en lui que cela est dû. Dans le premier cas, on argue du bien propre ; dans le second, du bien commun. Le titre est différent, donc aussi le devoir, et, ultérieurement, la vertu qui le commande. Juslilia distributiva et commutativa non solum dislinguunliir secumtum uiuun et multa sed secundum diversam debiti rationem. Alio enim modo debetur alicui id quod est commune, et alio modo id quod est proprium, a. 1, ad 51u « .

Il s’ensuit que, dans l’un et l’autre cas, la juste mesure s’établira d’une façon spécifiquement différente : flans la justice distributive, dit saint Thomas après Aristote, il s’établit selon la proportionalité géométrique ; dans la justice commutative, selon la proportionalité arithmétique. En d’autres termes dans la justice distributive, la juste mesure ne se prend pas selon l’égalité de la chose à la chos-, mais selon la proportion des choses aux personnes : de telle sorte cpie comme une personne est au-dessus d’une autre personne, fie même aussi la chose qu’on donne à l’une dépasse celle qu’on donne à l’autre. In juslilia distributiva non accipitur médium secundum œqualitatem tei ad rem, sed secundum proporiioncm rerum ad personas, ut scilicet sicut una persona excedit aliarn, ila etiam res quie datur uni personx, excédât rem qwee datur alii, a. 2. La considération de la personne est. donc ici au premier rang ; c’est elle qui détermine, et cela à titre direct, la quotité de la dette. L’égalité de la justice, l’équité s’établit non de chose à chose, comme dans une vente, mais de chose à personne, chaque membre du corps social recevant en honneurs ou en bénéfices, comme d’ailleurs en devoirs, ce qui correspond à sa situation dans l’ensemble. C’est ce qu’Aristote a appelé une équité selon le mode géométrique, non (irilhmélique. C’est-à-dire que l’égalité requise est une égalité fie proportions, non de quantités directement comparées. Deux Citoyens inégaux eu valeur sociale reçoivent inégalement ; mais ils n’en sont pas moins traités également ; car ce que reçoit chacun est à chacun ce que la chose reçue par l’autre est à l’autre. Telle doil être L’égalité devant la loi. C’est, suivant l’exemple de saint Thomas, comme quand nous disons que trois sont à deux ce que six sont à (/autre. De part cl d’autre, en effet, se Irouve la proportion sesquial1ère, dans Laquelle la partie plus grande contient la partie moindre plus une moitié : mais il n’y a pas égalité en ce qui dépasse, car six dépassent quatre de deux unités, tandis que frais m ; dépassent deux que d’une Saint Thomas, ibid. Au contraire, dans les échanges, dont les achats et les veilles son t le cas type, la personne n’intervient qu’au second plan V proprement parler, ce qui est dû ici, est dû à cauw