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JOB (LIVRE DE). THÉOLOGIE, DIEU ET LE MONDE


teclural arrête par Dieu, xxxviii, 4-6. Dans le psaume, f 5-6, et dans Gen., i, 2 et 9, elle est sous les eaux de l’abîme primordial (lehôm), encore informe, et vide d’habitants. La suite dira ce qu’elle recouvre.

La mer ensuite vient au monde, pareille à une enfant géante dont Dieu va prendre soin, mais dont il doit déjà refouler et borner les empiétements. xxxviii, 8-11. C’est une sorte de monstre furieux, iiv 12, qu’il lui faut apaiser, xxvi, 12a, un être nommé Râhab, qu’il « met en pièces » pour le vaincre, xxvi, 12^ en même temps qu’il se soumet les « auxiliaires » de cette révoltée, ix, 13. Ici, nous avons, sans conteste, un trait mythique fort prononcé, qu’on ne doit point s’étonner de rencontrer dans un poème : on pense à Marduk terrassant et découpant Tiamat, la mer en turie (tiûmatu, tâmtn = l’hébreu iehôm = râhab), subjuguant et enchaînant son armée de démons avant la création du monde. Cf. Poème babylonien de la création, Enuma élis, tab. iv, 1. 101-118.

Comp. Is., li, 9 ; Ps., lxxxix, 10— 1 1. Le psaume civ, 7 9, et Gen., i, 9-10, expriment de façon plus terne la même idée de la mer enfermée dans ses « limites » après avoir

« gagné son lieu ; » sauf que le psaume a gardé le souvenir

d’une résistance des eaux, puisqu’elles se retirent à la « menace » de Jahvé. Dans ces passages la création de la « mer » est transposée après celle de la lumière, qui, dans Job, arrive maintenant, et qui englobe, ou mieux, éclaire une description des grandes régions du monde, xxxviii, 12-21 : océan, enfers, terre.

La lumière, chose objective et assurément indépendante de tout astre, de toute source lumineuse, a aussitôt son lieu et place, comme la mer, comme les ténèbres elles-mêmes, ꝟ. 19, et son parcours pour faire jour et nuit :

« As-tu, de ta vie, commandé au matin,

Assigné sa place à l’aurore ?…ꝟ. 12

Par où se rendre au séjour de la lumière,

Et là où les ténèbres ont leur demeure,

Pour les amener en leur domaine,

Et les remonter à leur pays natal ?

Sans doute le sais-tu, toi né d’alors, (ironique)

Et dont innombrables sont les jours ! … » ꝟ. 19-21,

Ailleurs, xxvi, 10, se trouve déterminé avec plus de précision l’habitat de ces deux entités, lumière et ténèbres. C’est la base de la voûte céleste, assise sur les eaux, notre « horizon », qui les sépare : alternativement elles passent et repassent derrière elle pour emplir notre monde, à tour de rôle, de leur éclat ou de leur obscurité. C’est bien aussi l’idée de Gen., i, 4-5, « Dieu sépara la lumière d’avec les ténèbres. » Le psaume, qui a mentionné la lumière lors de la théophanie préliminaire à la création, ꝟ. 1 et 2, amène les ténèbres beaucoup plus loin, ꝟ. 20, après les astres :

« Tu mets ténèbres, et c’est la nuit. » 

Chose tout à fait remarquable, la lumière, cette belle création de Dieu, a dans Job une fonction morale : elle est l’ennemie du mal, alors que la nuit est le jour du malfaiteur :

« Elle saisit les coins de la terre

Pour en secouer les méchants,

La modèle comme d’un sceau,

La bariole comme un vêtement.

Refusant sa lueur au scélérat

Dont se brise le bras levé… » ꝟ. 13-15.

Et cela est dit longuement aussi xxiv, 12-17a. Job :

« Tous (les méchants) ignorent la lumière,

Les ténèbres sont leur matin… » ꝟ. 16-17a.

Plus avant que la lumière pénètre le regard de Dieu : il va jusqu’au monde souterrain, xxxviii, 16-18 :

« Es-tu allé jusqu’aux sources de la Mer,

As-tu marché sur le fond du Tehôm (abîme),

Pour toi les portes de la, )/or( se sont-elles ouvertes, As-tu vu les portes de l’Omfcre ? As-tu mesuré de l’œil la largeur de la Terre, Dis-le, si tu la connais toute ? »

C’est une vue du monde inférieur qui va de la base à la surface : sources de la mer, royaume des morts, disque terrestre. Voisin du fond de l’océan primordial se creuse le schéol, le séjour des ombres humaines, qui n’a point de secrets pour Dieu, xxvi, 6. Job :

« LeScftéoZestànudevant lui,

Le Gouffre n’a plus de voile… »

Cf. xxvi, 5 ; xxviii, 22, et comp. Is., xiv, 9 ; Prov., ix, 18 ; xxi, 16. C’est comme un vaste palais fermé de

« portes » puissantes qui laissent sans doute entrer

les morts, mais qui ne s’ouvrent d’elles-mêmes pour aucun vivant sinon pour Dieu. Cf. Is., xxxviii, 10. Espace ténébreux et chaotique, Job., x, 216-22, où l’on « descend » après la vie, vii, 9 ; xxi, 13, et d’où l’on ne « remonte » jamais, xvii, 16 ; vii, 9-10. L’on y entre « nu », tel qu’on était en naissant, i, 21. Job :

« Nu je suis sorti du sein de ma mère,

C’est nu qu’au Schéol je dois retourner. »

Le schéol, nom lugubre que l’on redoute parfois de prononcer (on dit alors par euphémisme : « là-bas, » i, 21 ; iii, 17-19), est donc la « demeure, rendez-vous de tous les vivants, » xxx, 23, qui s’y trouvent à l’état d’ « ombres » (refàîm, xxvi, 5), d’êtres languissants et comme ensommeillés. Cf. Is., xiv, 9 ; xxvi, 14, 19 ; Ps., lxxxviii, 11 ; Prov., ii, 18 ; ix, 18 ; xxi, 16. Job les définit, iii, 16 :

« Avortons hâtivement enfouis.

Enfants qui n’ont point vu la lumière, »

eussent-ils été rois, princes, bâtisseurs de pyramides, regorgeant d’argent et d’or, iii, 14-15, Là, tous

« reposent, » quels qu’ils aient été durant la vie :

oppresseurs ou opprimés, exacteurs ou captifs, grands ou petits, maîtres ou esclaves, iii, 17-19… Ils y reposent, dit Job, toutefois :

« Si en terre il est vraiment repos… » xvii, 16.

Car une vie obscure, indéfinissable, sourdement douloureuse et triste les y anime encore : c’est même là un des reproches que Job le désespéré fait à Dieu créateur et juge de toutes choses, xiv, 19-22 :

« Et voilà, tu anéantis l’espoir de l’homme ;

Tu l’abats, il lui faut partir,

Tu le défigures et tu le répudies.

Si ses enfants prospèrent, il n’en sait rien ;

S’ils s’amoindrissent, il n’en sait davantage.

Seule sa propre chair lui fait mal.

Et son âme s’enveloppe de deuil. »

Quant aux deux, ils sont eux aussi la créature de Dieu.

« Il étend les cieiia— à lui seul,

Il marche sur la mer supérieure.

ix, S.

Il s’agit du firmament solide qui soutient, comme dans le Psaume civ, 2-3 et dans Genèse, i, 6-8, les eaux supérieures : haute moitié de la mer originelle dont Dieu fit d’après Job, xxxviii, 22-30 ; xxxvi, 27-33 ; xxxvii, 3-18, et en grand mystère, eomme autant de merveilles, l’ensemble des météores : neige, grêle, vents, feux du tonnerre, pluies et rosées, glace et givre, qui par des « écluses ou conduits ménagés dans la voûte céleste se répandent sur la terre. Cf. Gen., vii, 11 ; viii, 2.

Ces météores sont pour une part des armes divines mises en réserve pour les jours de combat, Job, xxxviii, 23, contre les ennemis de Dieu et d’Israël. Cf. Jos., x, 11 ; Is., xxviii, 17 ; xxx, 30… L’autre part a pour spéciale destination de fertiliser la terre. Comp. Ps. civ. 13-16. Dans Gen., i, 11-13, la poussée hors du