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    1. JUSTICE (VERTU DE)##


JUSTICE (VERTU DE), NOTION ET NATURE

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ne sommes pas appelés justes par le fait que nous conj naissons exactement quelque chose. Il s’ensuit que le ; sujet de la justic-’n’est point la raison ou l’intelligence, | qui est une faculté de connaître. Mais parce que nous j (sommes qualifiés de justes du fait que nous accomplis-’sons quelque chose avec droiture, et que d’autre part, j le principe de l’opération est une faculté appétitive, puisqu’il ne peut pas être une faculté de connaissance, il faut de toute nécessité que la justice réside dans quelque faculté appétitive comme dans son sujet.

Or il y a un double appétit : l’appétit rationnel ou la volonté et l’appétit sensitif. Le premier, qui suit l’intelligence, aime le bien sous forme absolue, sous forme universelle. Dans le second, au contraire, ce n’est pas la raison commune du bien, la forme universelle du bien, qui attire l’amour ; c’est tel ou tel bien particulier, c’est telle ou telle forme individuelle du bien, qui détermine le mouvement passionnel. Il n’y a, au fond, qu’une première inclination sensible : l’inclination vers le bien, l’amour du bien. Mais cette inclination fondamentale donne naissance à deux appétits : l’un, appelé par saint Thomas, l’appétit de concupiscence ; et l’autre l’appétit d’irascibilité. Le premier tend au bien en tant queie bien est simplement bien. L’appétitd’irascibilité, ïe colère, tend, lui, vers un bien difficile à atteindre, « t précisément parce qu’il est difficile à atteindre ; c’est particulièrement pour cette raison que cet appétit tend vers le bien. Il y a là comme une sorte de surexcitation de l’âme. C’est le caractère propre de l’irascibilité.

Mais rendre à chacun ce qui lui est dû ne peut pas procéder de l’appétit sensitif, soit concupiscible soit irascible, car : 1a perception sensible ne s’étend pas au point qu’elle puisse considérer la proportion « le l’un à f autre ; en d’autres termes, elle ne peut pas s’élever jusqu’à l’universel, et l’idée de proportion est une idée universelle ; c’est là le propre de la raison.

Il en résulte que la justice ne saurait prendre pour sujet l’irascible ou le concupiscible, mais seulement la volonté Juslitia, cum non ad actnni cognoscitiuumdirigendum ordinetur, sed sit operis appetilus intelleclivi direction, ipsa non in intelleclu. ncque in parte aliqua sensus, sed in voluntate est lanquxim in proprio subjecto. Sum. Lheol., ibid., a. 1.

>Et l’article 9 conclut par ces paroles si précises : (’Inde juslilia non potest esse sicut in subjecto in irascibili i et concupiscibili, sed solum in viduntate…

Voilà pourquoi, ainsi que nous l’avons vu plus haut, le terme de volonté entre dans la définition même de la justice.

La justice vertu générale.


Comment devons-nous concevoir cette vertu de justice’.' Est-elle seulement une vertu générale ? Est-elle aussi une vertu particulière ?

La justice, dit saint Thomas, règle l’homme dans ses rapports avec autrui : Acliones (hominis) quæ sunt ad allerum indigent speciali rectificatione… Et ideo circa lias est specialis inrtus, quæ est juslilia. a. 2. ad 4°m.

Or, ceci peut se faire de deux manières. Ou bien elle le règle dans ses rapports avec autrui considéré indiidui llement, ou bien avec autrui pris en général, pour Mitant que celui qui sert une communauté sert tous les membres de cette communauté. Il s’ensuit que la iusti< i-, sous sa raison propice, s’étendra également aux deux cas.

Mais il est manifeste, continue saint Thomas, que t*His ceux qui sont compris dans une communauté quelconque se réfèrent à cette communauté comme les parties se réfèrent au tout. Or la partie, dans ce qw’clle est, appartient au tout ; d’où il résulte que tout oe. qu’il y a de bien dans la partie peut être réglé et dirigé vers le bien du tout. Il suit de là que le bien de Chaque vertu, celle-ci réglant l’homme en mi-même on

dans ses rapports avec quelques autres personnes particulières, peut se référer au bien commun, auquel la justice dispose. A ce titre, les actes de toutes les vertus peuvent appartenir à la justice, selon que celle-ci dispose l’homme au bien com.nun.

Et, pour autant, conclut saint Thomas, la justice est appelée une vertu générale. Et quantum ad hoc justili t dicitur uirlus gêner dis, a. 5. C’estence sens qu’il faut entendre le not juste, dans ce passage d’Ézéchiel : Si juslus se averteril a justifia sui et feceril iniquitilem, omnes juslitiee cjus, quas feceral, non recordabuntur. Ezech., xviii, 24. De même, du premier livre de la sainte Écriture jusqu’au dernier, ceux qui aiment Dieu et sont constants dans sa Loi sont appelés justes : Hie sunt generaliones Noe : Noe inr justus atque perfeetus fuit in generali > libus suis, cum D20umbulwil, Gen., vi. 9 et Qui justus est, jusliftcetur, adhuc ; et sanctus sancti/icetur adhuc. Apoc, xxii, 11.

La grâce sanctifiante étant la racine de toutes les vertus surnaturelles, cette grâce elle-même est appelée justice surnaturelle, ou justice de Dieu, non pas la justice dont il est juste lui-mêmj, mais la justice dont il nous rend justes. Unica formilis causa[justificationis noslrie est juslilia Dei, non qui ipse juslus est, sed qua nos justos jacit. Concil. Trident., sess. vi, c. vu.

En un sens donc la justice comprendra toutes les autres vertus, non pas pour les absorber et, pour ainsi dire, les fondre en elle, mais pour les utiliser et les orienter vers sa fin propre. Car la justice que la partie doit au tout, dans une collectivité, exige., d’une part, la justice à l’égard des autres parties qui intègrent ce tout, et, d’autre part, la bonne disposition de la partie envisagée, telle que la procurent d’autres vertus. Nul n’est bon citoyen en lésant son prochain ; nul ne l’est non plus en faisant de soi-même, un ignorant, un paresseux, un débauché, c’est-à-dire, à l’égard du corps social, une non-valeur ou un être nuisible.

Il y a, conséquemment, une justice qui, gardant la raison propre qui la distingue, c’est-à-dire, de vertu se référant à autrui, embrasse les actes de toutes les vertus, même des vertus qui ont pour objet propre la sanctification du sujet qui agit, et mëritî, à ce titre, d’être appelée une vertu générale.

La justice vertu spéciale.


- Mais cette justice, sous sa raison de vertu générale, est-elle une vertu distincte, constituant une disposition habituelle spéciale ? Oui, répond saint Thomas, pourvu qu’elle envisage le bien commun comme son objet propre et spécial.

Parmi toutes les vertus qui disposent l’homme au bien, soit en lui-même, soit par rapport à d’autres, il en est une d’ordre spécial, qui incline l’homme au bien, en vue de la communauté sociale dont tout homme est appelé à faire partie en raison de sa nature même. Cette vertu, ayant pour objet un bien qui n’est pas le bien individuel du sujet comme tel, mais le bien de l’ensemble et le bien du sujet seulement à titre de partie en vue de cet ensemble, appartient essentiellement à la vertu de justice. Mais comme elle a pour objet le bien du tout et non le bien d’autres particuliers distincts du sujet en qui elle se trouve, elle n’a point la raison de justice particulière ; sa raison de justice est générale. On l’appelle du nom de justice légale, parce que le bien commun qu’elle a pour objet est aussi l’objet que la loi se propose d’obtenir par ses prescriptions. Cette vertu existera principalement dans le chef de la société ; mais (.-Ile doit aussi exister dans tous les membres de la soeitété, bi<-n qn’a un titre moindre : Juslilia legalis, est qascdnm specialis virlus seeundum suum rssentiam. secundnm quod respicit commune bonum ut propriurn objrrtum. Et sic in principe princip diter et quasi arckilecltmicc ; in subdi’lis autem srcundario et quasi udministralive, a 11.