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JURIEU

JUSTICE (VERTU DE), NOTION ET NATURE

2002

L. Crouslé, Bossuet et le protestantisme, Paris, 1901 ; R. Lureau, Les idées politiques de Jurieu, Bordeaux, 1904 ; Frank Puaux, Les défenseurs de la liberté du peuple sous Louis XI V, Paris, 1917 ; Abbé J. Dedieu, Le rôle politique des protestants français, Paris, 1921.

A. Humbert.


JUSTE, évêque cl’Urgel en Espagne, au milieu du vie siècle. — Isidore de Séville le donne comme un des frères de Juslinien évêque de Valence. De viris ill. n. 34. On relève sa signature aux conciles de Tolède, 541, et d’ilerda, 546. Mansi, ConciL, t. viii, col. 787 et 615. Selon Isidore, Juste avait publié un petit livre d’exposition sur le Cantique des cantiques où il exposait avec brièveté et clarté le sens allégorique du livre sacré. Ce commentaire s’est conservé, et on le trouvera imprimé dans P. L., t. lxvii, col. 963-994. Outre les applications ordinaires du Cantique, on y rencontrera un certain nombre d’allusions aux souffrances de l’Église catholique d’Espagne sous la domination des Wisigoths ariens, loc. cit., col. 981 B.

Isidore de Séville, De viris ill., n. 34, P. L., t. lxxxhi, col. 1100 ; Fabricius, Bibliotheea latina médias œtatis, édit. de 1735, t. iv, p. 622-1523 ; Dom Ceillier, Histoire aénérale des auteurs sacrés et ccclés., 2e édit., t. xi, p. 201 ; G. Kriiger, dans M. Schanz, Geschichte der rômischen Litteritur, t. iv, 2- part., § 1255, n. 7.

E. Amann.


JUSTICE (Vertu de).
I. Notion et nature de la justice.
II. De l’injustice (col. 200 » ).
III. Divisions de la justice (col. 20tl).
IV. La justice vertu cardinale (col. 2015)
V. Des vertus annexesàla justice (col. 2018).

I. Notion et nature de la justice.

La justice considérée comme une vertu.

Dans sa quatrième conférence du carême 1906, le P. Janvier, trace de la vertu de justice ce superbe tableau : « Dans le commerce des choses et dans les actes, dit-il, la justice tient scrupuleusement la balance entre ce qui nous appartient et ce qui appartient aux autres. Ni directement, ni indirectement l’honnête homme ne ravit aux personnes ou aux sociétés quelque chose de leur bien. Il achète et vend les objets ce qu’ils valent, il rend ce qu’il a reçu, dix talents pour dix talents, cent pour cent mille pour mille ; il réclame ce qui lui revient, sans exiger un as de plus ; il ne prend ni le bœuf, ni l’âne, ni le champ, ni la femme, ni la santé, ni la liberté, ni la vie de son prochain. Il proportionne sa conduite aux obligations qui l’attachent aux personnes, son attitude est de la bonté vis-à-vis des inférieurs, de la fraternité vis-à-vis des égaux, du respect et de l’obéissance vis-à-vis de ses chefs, de la tendresse vis-à-vis de son épouse et de ses enfants, du dévouement vis-à-vis de ses amis, de la vérité, de la loyauté partout. Les bienfaits le trouvent reconnaissant, l’iniquité l’indigne et arme son bras pour la juste vengeance, la misère émeut sa pitié, ouvre les mains de sa libéralité, et les générosités de sa magnificence répondent à la grandeur des causes qui sollicitent son appui. Si la Providence l’élève au pouvoir, il ne profite pas de son passage sur le trône pour payer ses dettes aux frais du trésor, il ne succombe pas à la tentation de s’enrichir aux dépens de la multitude qu’il gouverne, il sort des palais plus pauvre qu’il n’y était entré, il distribue les charges selon les mérites des personnes et non selon les places que l’on occupe dans sa famille ou dans sa faveur ; ainsi d’un bout à l’autre de l’empire chacun reçoit la part qui lui est due. Son commerce avec les autres peuples ou les autres souverains est réglé par les mêmes principes, son rêve est sans doute de grandir sa patrie, de développer sa prospérité au dedans, son prestige au dehors, mais il sait que dans les rapports de nation à nation, comme dans les rapports de personne à personne, il est des sacrifices qu’il faut faire, des droits qu’il faut respecter, que la noblesse et la supériorité « rime nation ne se mesurent pas à la force de ses armes, ni à l’étendue de son territoire, mais bien au caractère immaculé de sa justice. Le voilà devant Dieu de qui il a tout reçu, la chair et le sang, le vouloir, la liberté : l’honnête homme répand à la face de l’Être souverain le torrent de sa vie. Là, point de réserve ; à mesure que ses arbres produisent des fruits, que ses champs produisent des épis, que son esprit engendre ses pensées, que son cœur enfante ses amours, l’honnête homme en verse la meilleure substance aux pieds de l’Éternel, essayant, autant qu’il le peut, de payer sa dette à Celui qui l’a créé. D’un bout à l’autre du monde moral, la justice tient tête à l’amour de soi, et le réduit à ses proportions légitimes, dans tous ses actes, sous toutes ses formes, sème ses bienfaits de l’individu à l’individu, de la personne à la famille, monte du ci oyen à la société, descend des gouvernements aux sujets, se transmet des nations aux nations, s’élance avec de l’encens très pur, avec de l’amour et des adorations très chaudes, de la terre au ciel. Vertu magnifique et sublime qui nous fait sortir de nousmême, et communiquer au monde entier une participation au bien dont notre âme est pleine. » E. Janvier, Exposition de la morale catholique, iv. La vertu (Carême 1906), Paris, 1906, p. 153-155.

Dans cette étude sur la vertu de justice, nous prenons pour guide l’Ange de l’école, saint Thomas d’Aquin, dont nous exposons fidèlement, mais à grands traits, la solide doctrine, puisant largement, à cet effet, dans la Somme Ihéologique, es Questions disputées et le Commentaire sur le M dire des Sentences.

D’après une célèbre définition approuvée par saint Thomas, la justice est une volonté constante et perpétuelle de donner à chacun ce qui lui appartient : Justifia, perpétua et constans voluntas est, jus suum unicuique tribuens. Sum. theol., I 1 IIe, q. lviii, art. 1.

En d’autres ternus, la justice est une disposition habituelle de l’âme selon laquelle, d’une volonté constante et perpétuelle, on rend à chacun ce qui lui appartient, Justifia est hibitus, secundum quern aliquis constanti et perpétua voluntate jus suum unicuique tribuit. Ibid.

Cette définition, fait observer saint Thomas, est excellente, pourvu qu’on l’entende co : n 113 il convient. Toute vertu, en effet, étant une disposition habituelle qui est principe d’un acte bon, la vertu doit se définir par l’acte bon portant sur la matière propre de cette vertu. Or, comme nous le verrons un peu plus loin, la justice porte sur ce qui a rapport à autrui, comme, sur sa matière propre. Donc l’acte de la justice est indiqué par comparaison à sa propre matière et à son objet, quand on dit : qui rent à chicun ce qui lui appartient ; car, ainsi que le remarque saint Isidore de Séville dans ses Élijmjlogies, I. X, littera 1, le juste est ainsi appelé parce qu’il garde le droit : Justus dicitur, quia jus cuslodit. Conséquemment la justice, principe d’action en cet agent mirai qu’est l’homme, se définit : une disposition habituelle qui fait que l’homme, d’une volonté constante et perpétuelle, rend à chacun ce qui lui appartient.

" Si je voulais remonter jusqu’au principe, dit Bossuet, dans son sermon sur la justice, il faudrait vous dire que c’est en Dieu premièrement que se trouve la justice, et que c’est de cette haute origine qu’elle se répand parmi les hommes. Là il iii, - serait aisé de vous faire voir que Dieu étant souverainement juste, il gouverne et le monde en général, et le genre humain en particulier, par une justice éternelle ; et que c’est cette attache immuable qu’il a à ses propres lois qui fait remarquer dans l’Univers un esprit d’uniformité et d’égalité qui se soutient de soi-même au milieu des agitations et des changements infinis dans la nature. Ensuite nous verrions comme la justice découle sur nous île cette sonne céleste pour Eaire en nos âmes