Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/293

Cette page n’a pas encore été corrigée

1995

JURIDICTION — JURIEU

liiîiG

juridiction spirituelle ; comme femmes elles en sont incapables, au moins de droit ecclésiastique. Noir Suarez, De statu religionis, tr. VII, t. II, c. xciii, n. 8.

Quelques-uns ont soutenu autrefois, après Guillaume de Saint-Amour, Jean de Pouilly et Gerson, que les curés étaient de droit divin. Leur opinion eut toujours les faveurs des jansénistes.

Dans la bulle Auctorem fldei, Pie VI condamna les divagations du synode de Pistoie qui renouvelaient, sous une forme nouvelle, des erreurs déjà anciennes : « La doctrine qui prétend que la réforme des abus touchant à la discipline ecclésiastique en synode diocésain dépend également de l’évêque et des curés, et doit être également assurée par eux, que, dès lors, s’il manque aux curés la liberté de décision, ils n’ont pas besoin de se soumettre aux suggestions et aux ordres des évêques — cette doctrine est fausse, téméraire, lèse l’autorité épiscopale, est subversive de la hiérarchie et favorise l’hérésie d’Aérius renouvelée par Calvin. » n. 9. — « De même la doctrine suivant laquelle les curés et les autres prêtres assemblés en synode prononcent, avec l’évêque, en juges de la foi, et qui insinue que ce pouvoir de juger en matière de foi appartient à ces personnes en droit propre, du fait même de l’ordination, cette doctrine, est fausse, téméraire, subversive de l’ordre hiérarchique, elle enlève de leur rigueur aux définitions et jugements dogmatiques de l’Église, elle est à tout le moins erronée. » N. 10. Denzinger-Bannwart, n. 1509, 1510.

Le curé est un prêtre (ou une personne morale) auquel une paroisse a été confiée en titre avec charge d’âmes à exercer sous l’autorité de l’ordinaire du lieu. Parochus est sacerdos vel persona moralis cui parœcia coltata est in titulum cum cura animarum, sub Ordinarii loci auctoritatff exercenda. Cod., can. 451. La charge paroissiale n’est que d’institution ecclésiastique. De droit divin, l’évêque seul est chargé de gouverner dans un diocèse particulier ; tous les autres qui participent à son administration ne sont que ses auxiliaires, auxiliaires qui, à ne considérer que cette unique relation, peuvent être constitués et changés par lui suivant qu’il le juge à propos. Muneris parochialis origo, dit Sanguinetti, neque ex jure divino et immediata Christi inslitutione, neque ex institutione aposlolica est repelenda, sed duntaxat ex ecclesiastica institutione. Si enim recle loqui velimus, unicus in diœcesi particuluri divinitus conslitutus præses est episcopus. Hinr reliqui omnes, si qui sint, nonnisi, ejus sunt adminislri ; qui spectala hac solum rclalione, ab eo prout judicat constituuntur et amoventur. Juris Ecclesiaslici inslituliones, p. 301. Il va de’soi que les diverses lois ecclésiastiques ont pu apporter à ce point de vue des restrictions d’ordre différent aux pouvoirs des évêques sur les curés.

Dans la paroisse qui lui a été confiée, la curé a juridiction ordinaire, mais seulement au for interne ; il ne jouit, au for externe, d’aucune juridiction proprement dite. L’objet de sa charge, en dehors de l’administration des sacrements, n’est point un gouvernement public, niais simplement domestique ; il ne conduit pas sa paroisse comme un État mais comme une famille, et il ne possède, même au point de vue ecclésiastique, aucun pouvoir législatif, judiciaire et coercitif.

Les auteurs du droit canonique, et surtout le (’. « nie récent, donnent le détail des droits et des devoirs du curé, et énumèrent toutes les fonctions qui lui sont réservées. Cod., can. KiO-170 ; Sanguinetti, op. cit., p. 302-301 ; Bargilliat, Preeleciiones juris canonici, t. ii, p. 16-108.

Le pape et les évêques unis au pape appartiennent donc seuls à la hiérarchie de juridiction qui est d’institution divine dans l’Église. Tous les autres

degrés de cette hiérarchie sont d’institution ecclésiastique. Ils sont constitués par des personnages ou des corps ecclésiastiques, ayant reçu des souverains pontifes, au cours des siècles, pouvoir juridictionnel en vue du gouvernement de l’Église. C’est ce que le Code résume bien en ces quelques lignes : Ex divina institutione sacra hierarchia ratione Ordinis constat episcopis, presbyleris et ministris ; ratione jurisdiclionis, pontificatu supremo et episcopatu subordinato ; ex Ecclesise autem institutione alii quoque gradus accessere. Can. 108, §3.

Le sujet rentrant à la fois dans la théologie et le droit canonique, il convient de consulter les auteurs traitant de ces deux disciplines.

1. Théologiens : D. Palmieri, Tractatus de romano pontifice, Rome, 1891 ; Franzelin, Thèses de Ecclesia Christi, Rome, 1907 ; Billot, ’Tractatus de Ecclesia, Rome, 1903 ; C. Pesch, Pralcctiones dogmatiac, Fribourg-en-Brisgau, 1. 1, 1909 ; G. Wilmers.JDe Christi Ecclesia, Ratisbonne, 1907.

2. Canonistes : tout d’abord les recueils officiels : Corpus juris canonici et Codex Juris canonici et les commentateurs anciens et modernes. Relevons parmi ceux-ci : D. Bouix, Tractatus de principiis juris canonici, Paris, 1862 ; Soglia, Institutiones juris publici ecclesiastici, Paris, 1879, t. i ; Vering, Droit canon., t. II, Paris, 1881 ; Tarquini, Juris ecclesiaslici publici institutiones, Rome, 1890 ; S. Sanguinetti Juris ecclesiaslici institutiones, Rome, 1890, B. Ojetti Synopsis rerum moralium et juris pontificii, Rome, 1899 ; Cavagnis, Institutiones juris pu blici ecclesiaslici, Rome, 1906, t. i ; Wemz, Jus Decretalium, Rome, 1906, t. n b ; Laurentius, Institutiones juris ecclesiastici, Fribourg-en-B., 1914.

Dom J. Baucher.

    1. JURIEU Pierre##


JURIEU Pierre, célèbre controversiste protestant (1637-1713). — Il naquit à Mer, dans le diocèse de Blois, le 24 décembre 1637. Son père Daniel y exerçait les fonctions de ministre de la religion réformée. Ses oncles, André Rivet et les frères Charles et Louis du Moulin, l’un chanoine de Cantorbéry, l’autre professeur à l’université d’Oxford, jouissaient, chez les protestants de France et d’Angleterre, d’une grande renommée. Pierre fit ses études à l’Académie protestante de Saumur, puis en Hollande, puis auprès de ses oncles. Il reçut même les ordres anglicans. Mais, rentré en France, il fut élu ministre de Mer en remplacement de son père et réordonné en la forme calviniste. En 1671, il publia sa première œuvre, Examen du livre de la réunion du christianisme. C’était une réponse à un ouvrage anonyme, paru à Saumur, en 1670, sous le titre : La reunion du christianisme, ou la manière de rejoindre les chrétiens en une seule confession de foi. Cet écrit, qui avait soulevé de vives discussions chez les réformés, était attribué par eux à un ministre de Saumur, d’IIuisseau, qui se défendait d’en être l’auteur. Il semble bien avoir été l’œuvre commune de ce ministre et de trois régents de l’Académie protestante, Louis Cappel le jeune, Tanneguy le Fèvre et Daniel Crespin. Les auteurs de La réunion du christianisme demandaient qu’on exigeât simplement l’acceptation du Symbole des apôtres comme seule règle de foi, sans y joindre aucune des explications surajoutées soit par les confessions, soit par les théologiens. Contre cette théorie Jurieu défendait la thèse essentielle du calvinisme orthodoxe, la doctrine des Points fondamentaux, tels que les formulent les confessions de foi.

Ces questions se rapportaient à un sujet qui travaillait déjà les réformés et qui allait devenirbrûlant. Mais, entre temps, .lurieu avait été appelé à exercer les fonctions de ministre à Vitry-le-François. Il y composa un Traité de lu dévotion, publié en 1674, qui cul grand succès che/ les protestants de France et d’Angleterre. De là, il fut appelé comme professeur d’hébreu et de théologie à l’Académie protestante de Sedan.. Il y eut pour collègues Bayle et son ancien maître, Leblanc de Beaulieu. Celui-ci l’entraîna dans une polémique sur l’efficacité du baptême qui souleva de longues discus-