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JURIDICTION. SOURCE ET ÉTENDUE DU POUVOIR


tions judiciaires dans l’Église : cette histoire ressortit au droit canonique. Qu’il suffise d’indiquer que de bonne heure s’est trouve constitue le tribunal épiscopal, fonctionnant dans chaque diocèse, suivant des règles plus ou moins nettement définies. L’instance supérieure a été plus longue à se dégager et c’est ici surtout que les conciles provinciaux ou régionaux ont joué le rôle de cour d’appel. L’instance suprême fonctionne dès les tout premiers temps ; c’est dès les origines mêmes que l’ont voit porter au tribunal des successeurs de saint Pierre les multiples différends qui surgissent dans les diverses Églises. Les innombrables synodes romains, où les papes rassemblent avec le clergé de Rome, un nombre plus ou moins imposant d’évêques italiens (suburbicaires dans le sens ancien du mot) constituent l’instance suprême. On peut dire que le système fonctionne déjà au ive siècle, à la paix de l’Église, sans qu’en veuille exclure par là des décisions prises antérieurement. Ainsi tribunal épiscopal, cour pontificale suprême nous apparaissent comme des rouages extrêmement anciens de la justice ecclésiastique.

La question de compétence sera beaucoup plus longue à se clarifier. Elle se subdivise elle-même en deux autres. Quelles sont d’abord les matières qui ressortissent au for ecclésiastique ? Quelles sont les attributions des divers tribunaux superposés ? Sur le premier point le Code de droit actuel est très précis : « L’Église, dit-il, connaît d’un droit propre et exclusif : 1. Des causes qui regardent les choses spirituelles ou qui leur sont connexes ; 2. de la violation des lois ecclésiastiques et de toute affaire où intervient l’idée de péché, pour ce qui concerne la définition de la faute et l’application des peines ecclésiastiques ; 3. de toutes les causes, soit contentieuses, soit criminelles qui regardent les personnes jouissant du privilège du for. » Can. 1553 § 1. En somme l’Église s’attribue une compétence exclusive : pour ce qui regarde les causes proprement spirituelles : pour ce qui concerne les causes, même strictement temporelles de certaines personnes, à savoir, celles qui jouissent du privilège du for. Sur le premier point il n’y avait pas lieu à hésiter, sauf en ce qui concerne les questions mixtes, c’est-à-dire celles où des intérêts temporels sont en jeu à raison de questions spirituelles. C’est autour de ces questions mixtes que se livreront entre légistes et canonistes les plus rudes batailles. Non moins violentes furent celles auxquelles donna lieu le privilège du for. Voir art. For (Privilège du), t. vi, col. 527-530, et Immunités ecclésiastiques, t. vii, col. 1225-1226. Nous n’avons pas à retracer ici l’élaboration du droit ecclésiastique actuel sur ces divers points. Faisons seulement remarquer qu’en laissant de côté les questions litigieuses où la justice séculière et la justice ecclésiastique peuvent trouver matière à conllit, il reste encore à cette dernière un très large champ d’activité. Les officialités diocésaines, au moins pour les causes matrimoniales, les tribunaux romains, pour toutes sortes de causes ecclésiastiques, restent toujours un organe extrêmement important dans la vie de l’Église. — Quant à la compétence des divers tribunaux ecclésiastiques elle ne s’est pas fixée non plus sans difficultés. Le code actuel fixe la compétence des diverses instances, tribunal épiscopal, tribunal métropolitain, tribunaux romains ; après avoir précisé que le « Siège romain n’est jugé par personne », prima Scdes a nemine judicalw, can. 15515, il rappelle au can. 1557, quelles sont les personnes et les causes, que seul le souverain pontife a le droit de juger soit en personne, soit par ses tribunaux. Sur aucun de ces points la législation, ni la jurisprudence ne se sont faites du premier cou)). On trouvera l’essentiel de ce que le théologien en doit savoir aux art. Causes ma.ji i res, t. ii, col. 2039-2042 ; décrétai. es (Fausses),

t. vi, col. 212-222 ; Évèques, t. v, col. 1714 sq., et spécialement à l’art. Pape. Le droit canonique étudie en détail l’organisation judiciaire de l’Église et les règles générales et particulières de procédure. Voir le Code, t. IV, De processibus, part. I 1, De judiciis, et part. Il’, De modo procedendi, in nonnullis expediendis negotiis vel sanctionibus p(rn(riibus applicandis.

3. Pouvoir coercitif.

On désigne par ce mot le pouvoir que possède toute société de contraindre ses membres à l’observation des lois. Il ne s’agit pas de la contrainte morale qu’impose la loi par le fait même qu’elle est établie, mais de la sanction extérieure, d’ordre temporel ou spirituel, dont la crainte peut faire plier les volontés indécises, dont l’application réprime les écarts coupables. En ce dernier sens le pouvoir coercitif est essentiellement le droit de punir ou d’infliger des peines. Et ce pouvoir découle tout naturellement du pouvoir législatif et du pouvoir judiciaire. Ces deux derniers seraient absolument illusoires s’ils ne trouvaient pas dans l’autre un moyen de faire respecter leurs décisions, tant générales que particulières.

On ne fera pas ici la théorie de ce pouvoir qui sera étudié plus loin à l’art. Peines ecclésiastiques. Qu’il suffise d’indiquer que l’existence de ce pouvoir dans l’Église est la conséquence inéluctable de tout ce qui a été dit précédemment sur le caractère de société parfaite que possède le groupement chrétien, qu’elle est aussi la conséquence nécessaire des pouvoirs législatif et judiciaire possédés par l’Église. De fait l’Église a fait usage de ce droit dès les premiers moments de son existence et, quoi qu’il en soit des parties tombées en désuétude de sa législation pénale, elle continue à appliquer aujourd’hui encore à diverses catégories de délinquants des peines prévues par le droit. La dernière partie du Code, t. V, part. 1 1°. De pœnis énumôre longuement les diverses peines, les unes d’ordre exclusivement spirituel, les autres d’ordre temporel, qui frappent les différents crimes ou délits.

VI. Source et étendue du pouvoir de juridiction. — 1° Dans l’Église, la plénitude du pouvoir de juridiction réside dans le pape. C’est la doctrine même de l’Évangile, doctrine consacrée et confirmée par les définitions du concile du Vatican. Elle sera étudiée en détail à l’art. Pape.

2° Toute juridiction épiscopale, même celle des Apôtres, descend de cette plénitude dont le Christ avait enrichi le Prince des Apôtres et ses successeurs. Cette question délicate où il faut tenir compte à la fois et des droits de la théorie et des constatations de la pratique, ne peut être qu’indiquée ici ; elle sera reprise elle aussi à l’art. Pape.

3° Toutefois les évêques appartiennent de droit divin à la hiérarchie de l’Église ; ils gouvernent 1° portion du troupeau du Christ qui leur est confié avec un pouvoir de juridiction propre et ordinaire, et bien que ce pouvoir puisse être plus ou moins restreint par l’autorité supérieure du pape, il n’en est pas moins un pouvoir complet, s’étendant à toutes les parties du gouvernement ecclésiastique tant au for externe qu’au for interne. Le concile de Trente affirme cette doctrine de la manière la plus catégorique : Sacrosaneta synodus déclarât prætcr ceteros ecc’esiasticos gradus episcopos, qui in apvstolorum locum successerunl, ad hune liicrcrchicum ordinem prsecipue pcrlinerc. et posilos, sicut idem apostolus ait, a Spiritu sancto regere Ecclesiam Dei. Sess. xxiii, De online, iv : Denz., n. 960. On voit que le concile s’appuie surtout sur la parole adressée par saint Paul aux personnes chargées de gouverner l’Église d’Éphèse, quoi qu’il en soit des litres mêmes portés par ces personnes. Cf. Aet., , L7-35,

D’après celle doctrine, les évêques ont le pouvoir de régir ou de gouverner le peuple de Dieu. Mais ce pouvoir comprend, il va de soi, toutes les parties du