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JOB (LIVRE DE). THÉOLOGIE, DIEU ET LE MONDE


A coup sûr, ils sont en Dieu ; mais comme l’a dit Elihu :

« ScnADDAî. nous ne pouvons l’atteindre ; » 

ils sont donc manifestés dans ses œuvres extérieures. Qu’il est tout-puissant, toutes ses créatures le sentent par la vertu de leur création due à sa main. Job :

Qui ne sait parmi tous ces êtres,

Que la main de Dieu a tout fait ?

Car en elle est tout ce qui respire,

Et le souffle de tout être humain… » xii, 7-12.

Qu’il est grand, majestueux et redoutable, le proclame

« le seul cadre de ses œuvres ». Job :
« Les ombres tremblent devant lui,

Sous les eaux et leurs habitants… Les colonnes du ciel f ri missent Et s’épouvantent de sa menace. Par sa force il apaise l’Océan, Par son art il met en pièces Rahab… xxvi, 5-14.

L’orage surtout en donne le sentiment. Elihu :

« Dieu est grand par-dessus toute idée…

Il tire de la nier les gouttes vaporeuses… Ses mains se voilent sous l’éclair… Après quoi rugit son tonnerre, Tempête sa voix majestueuse… Puis il fait d’insondables prodiges, Des merveilles hors de pair. Il dit ù la neige…, » etc. xxxvi, 26-xxxvii, 24.

La sagesse divine dont on chercherait en vain la source profonde, qui n’est point « en la terre des vivants », ni dans 1’ « abîme », ni dans la « mer », ni dans le « gouffre » ou la « mort », xxviii, 12-22, s’est comme trouvée mieux révélée d’abord dans la création. Job : « (Mais)

Dieu sait le chemin vers elle,

Et connaît son séjour : …

Quand au vent il donnait poids,

Qu’il disposait l’onde à la mesure,

Qu’à la pluie il fixait sa loi,

Et à la foudre son chemin :

Alors il l’aperçut et l’énonça,

Il l’exposa et l’étudia,

Et dit ensuite à l’homme :

« Écoute : me craindre sera (ta) sagesse ;

Fuir le mal, (ton) intelligence. » xxviii, 23-28.

Bien différente donc de celle de l’homme, qui n’est qu’un « commencement de sagesse, » cf. Prov., i, 7 ; ix, 10, elle reste tout entière en la possession de Dieu, qui en a, pour ainsi parler, parfaite conscience et maîtrise absolue. Job : < (Vous dites :)

« Aux têtes grises la sagesse,

A longue vie l’intelligence. »

A Dieu (seul) force et sagesse,

A lui (seul) force, intelligence ! » xii, 12-13.

Ce n’est pas encore tout à fait la Sagesse hypostatique de Prov., i-ix ; mais cet attribut divin tend déjà à s’objectiver en regard de Dieu.

Quant à l’attribut de justice, il se manifeste, ou plutôt peut être envisagé sous un double aspect : tel qu’il esï en lui-même dans l’action divine par rapport au monde et à l’homme ; tel qu’il ressort de l’expérience personnelle de chacun des humains. Sous le premier aepecl l’Être divin inconditionné, mais conditionnant lui-même le monde entier, exclut de son concept l’injustice : le bien de l’univers est affaire propre à Dieu et ne peut donc jamais se trouver en conflit avec quoi que ce soil dans cet univers, Elihu :

« Non, en virile, Dieu n’est pas injuste,

Schaddal ne peut Infléchir le droit :

Qui lui a confié la terre,

Remis en garde l’univers ?

s’il veut retirer son souffle,

Reprendra sa divine haleine,

< la fois toute chair expire

Et tout humain retombe en poussière, wmv, 12-15.

De même, la justice seule peut assurer l’existence durable d’une souveraineté : toute injuste domination succombe. L’impérissable empire de Dieu sur l’humanité et l’ordre moral qu’il y fait régner, contiennent donc la plus haute et la plus immuable justice. Le châtiment suit de près la faute : Dieu qui voit tout n’a pas besoin d’une longue enquête. Il tarde parfois cependant dans son juste jugement : ici, l’homme ne doit pas conclure trop vite… Elihu :

« Peut-il régner, celui qui hait le droit ?

Et toi, veux-tu condamner le Juste-Puissant, …

Qui ne fait acception du grand,

Qui ne préfère le noble au petit,

Parce que tous sont œuvre de ses mains ?…

Il a les yeux sur l’humaine conduite,

Il considère tous nos pas.

Il n’est ombre ni ténèbre

Où se puissent cacher les malfaiteurs ;

Car II n’accorde à l’homme délai

Pour comparaître au jugement divin ;

Sans enquête il brise les forts,

Puis en met d’autres à leur place…

Pourtant s’il tarde, qui (le condamnera)

S’il se dérobe, qui osera le voir ? » xxxiv, 17-24, 29.

D’un autre côte, l’homme doit savoir que le bien ou le mal agir n’est pas chose indifférente à Dieu, puisque devant lui l’on est responsable de ses actions. Si Dieu ne répond pas, c’est qu’on ne l’invoque pas ; autrement il ferait justice. Il est donc juste ; toujours il le sera Elihu : (On pourrait certes, dire :)

« Si tu pèches, que Lui peux-tu faire,

Si tu prévariques, que Lui peux-tu ôter ?

Si tu es juste, que Lui peux-tu donner,

Que peut-Il recevoir de ta main ? —

A l’homme que tu es s’attache ton péché,

A toi, fils d’homme, ta rectitude.

Sous l’oppression l’on se lamente,

On crie haro sous le bras du tyran —

On n’a pas dit : « Où est notre Créateur ?… >

Dieu n’est sourd qu’au pur néant…

Tu prétends que tu ne le vois pas,

Son jugement est prêt, tu peux l’attendre ! » xxxv, 6-14.

3° Dieu et le monde. La création. — Les œuvres de la création sont énumérées par les amis de Job, Job lui-même et Dieu, v, 9-10 ; ix, 4-10 ; xii, 7-10 ; xxvi, 5-14 ; xxviii, 25-26 ; xxxvi, 24-xxxvii, 18 ; xxxviii, 4-xxxix ; xl, 15-xli : les premiers les signalent, pour exalter le Créateur, sa majestueuse domination parmi son innombrable armée d’étoiles, son éternel empire sur les puissances des ténèbres ; le dernier, pour humilier Job qui a voulu comme se mesurer avec Jahvé : qui des deux est le plus grand ? Qui a fait le monde et tout ce qu’il renferme, Dieu ou Job ? qui le pénètre, le. gouverne, y pourvoit, Dieu ou l’homme ? que peut la créature terrestre, éphémère, sur les merveilles qui remplissent l’univers ?

L’ensemble constitue comme un système du monde, où tout a sa place et sa destination immuables.

L’énumération se fait dans un ordre à peu près constant, qui aussi rappelle, ou annonce, celui du psaume av et de Genèse, i, 2-n, 3. Quelques traits y sont communs à chacune de ces descriptions. L’idée de la création première, comme dans le psaume en question, s’y confond souvent avec celle du gouvernement providentiel, et donne l’impression d’une créalion continue, ou continuée. Quelques touches ou couleurs du tableau, d’ordre purement descriptif, se réfèrent à d’anciens poèmes populaires et mythiques, qui peut-être eurent cours en Israël jusqu’aux temps posl-exilicns, et dont le thème, tout à l’honneur et à la glorification de Jahvé, se modelait principalement sur celui de poèmes babyloniens du même genre.

En premier, la terre est fondée sur le vide, xxvi, 7, construite comme une maison d’après un plan archi-