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    1. JURIDICTION##


JURIDICTION, SES DIVISIONS

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ne souffre ni restriction ni limite. « Tout ce que vous lierez, tout ce que vous délierez… »

Ce pouvoir est, de plus, indépendant de toute juridiction humaine : ce qui aura été lié sur la terre sera immédiatement et restera lié aux cieux ; ce qui aura été délié sur la terre sera également délié aux cieux. Entre le pouvoir conféré aux apôtres et le pouvoir céleste, il n’y a aucun intermédiaire. Le second ratifie les décisions ou les mesures prises par le premier, et il le fait précisément à cause de leur caractère libre et pleinement indépendant. Pierre, le prince des apôtres, a été constitué le possesseur attitré et le maître des clefs du ciel. Or il cesserait de l’être du jour où, dans l’exercice de son autorité, il serait soumis à un autre qui pourrait ouvrir ce qu’il a fermé et fermer ce qu’il a ouvert, lier ce qu’il a délié et délier ce qu’il a lié. Il faut donc que ce pouvoir soit pleinement indépendant, i Cette doctrine a pour elle l’unanimité des Pères. Dans deux très belles pages, Tarquini expose, de façon magistrale, cet argument de la tradition. Le docte cardinal rappelle d’abord les témoignages rendus à cette doctrine par les auteurs ecclésiastiques, saint Athanase par exemple, dans son Epislola ad monachos, où l’évêque d’Alexandrie accumule les citations tirées d’Hosius, des souverains pontifes Libère et Jules et de bien d’autres encore. De ces témoignages ecclésiastiques Roskovâny a fait un dépouillement assez complet dans ses Monumentu calholica pro independentia potestatis ecclesiastiae.

Mais le cardinal Tarquini se plaît surtout à aligner un certain nombre de textes empruntés aux souverains laïques, à ceux-là mêmes qui, peu conséquents, ont abusé parfois de la force à l’endroit de l’Église, tel le jugement porté par le roi de France Louis VII le Jeune sur le cas de son collègue Frédéric Barberousse (Voir Baronius, Annales, an. 1162, n. 10), telles les déclarations de Constantin le Grand, de Valentinien I er, d’Honorius I er, de Valentinien III, de Théodose II, du roi arien Théodoric, de Justinien, et de Charlemagne. Voir Tarquini, Juris ecclesidstici publiai instiluliones, Rome, 1890, p. 34-35.

III. Les divisions de la juridiction ecclésiastique. — La juridiction ecclésiastique compte de nombreuses divisions, suivant les différents points de vue auxquels on se plac^ pour l’étudier.

A raison du Eor.

On distingue la juridiction

au for interne et la juridiction au for externe.

Le mot /or désigne étymologiquement la place publique, le forum où était rendue la justice et prononcés les jugements ; de là, par métaphore, la justice elle-même ou le tribunal, même immatériel, qui rend les jugements (on parle du for intime), le lieu où s’exerce la juridiction et la juridiction elle-même.

l.a juridiction au for interne est celle qui se réfère tout d’abord et directement à l’utilité privée de chaque fidèle. Elle s’exerce à peu près exclusivement au tribunal de la pénitence ; dans quelques cas cependant, elle peut s’exercer en dehors de ce tribunal. D’où la subdivision de la juridiction au for interne en for interne sacramentel et m for interne extrasacramentel, l.a juridiction au for externe regarde immédiatement l’utilité publique du corps des fidèles. Potestas jurisdiclionis seu regiminis quæ ex divina instiiutione est in Ecclesia, alia est fori externi, alia jori interni, seu conscientise, sive sacramentalis sioe extra-sac rama ilalis. Codex Juris Canonici, eau. 196.

Il faut user d’une grande circonspection, dit Berardi, Convnentaria in jus can., édit, de Turin, 1710, 1. 1, p. 12, pour définir ce qui appartient au for Interne cl ce qui relève « lu for externe. Ainsi, par exemple, la faculté de prêcher l’Évangile, d’absoudre des juches

ou des censures, ce qui appartient au lien unissant les fidèles au Christ, est du for interne. Mais la faculté

d’accorder le pouvoir de prêcher, d’absoudre soit des péchés, soit des censures, dépend du for externe, parce que cette faculté a un rapport direct avec le bien de la communauté.

11 suit de là qu’on peut avoir la juridiction au for interne sans la posséder au for externe, et les curés sont dans ce cas. Inversement il en est qui jouissent de la juridiction au for externe sans bénéficier de l’autre. Tels seraient les vicaires généraux dépourvus du caractère sacerdotal.

On comprend maintenant le sens précis dans lequel il faut entendre l’adage : Ecclesia non judicat de internis. A son for externe l’Église ne juge pas des choses internes, mais elle le fait à son for interne. Celui qui, le sachant, remplit le devoir pascal avec un péché mortel sur la conscience, ne viole pas la juridiction externe de l’Église prescrivant la communion pascale, mais il se soustrait indûment à sa juridiction interne exigeant que cette communion soit faite en état de grâce. Pour réparer sa faute, le coupable aura à se présenter non pas devant un tribunal extérieur quelconque, mais uniquement devant le tribunal de la pénitence qui est éminemment du for interne.

2° A raison de son étendue, la juridiction est universelle et particulière.

La juridiction universelle est celle qui ne souffre aucune limite, ni quant aux personnes, ni quant aux lieux, ni quant aux matières sujettes au pouvoir de l’Église. Telle est la juridiction du pontife romain sur toute l’Église.

Cette juridiction universelle quant aux personnes et aux lieux, mais non quant aux matières, appartient aux Congrégations romaines, qui ne sont en réalité que des émanations de la juridiction universelle du souverain pontife.

La juridiction particulière est celle qui est restreinte à certains lieux déterminés comme, la juridiction de l’évêque sur son diocèse, ou à certaines personnes, comme la juridiction des prélats réguliers sur leurs moines, ou enfin à certaines matières, telle est la juridiction accordée sous la réserve de certains cas.

Quand la juridiction particulière est limitée à certaines personnes, et non à certains lieux, elle peut s’exercer partout. C’est ainsi qu’un prélat régulier peut exercer partout sa juridiction sur les moines qui lui sont soumis, pourvu qu’il ne trouble pas la juridiction de. l’ordinaire du diocèse dans lequel il se trouve.

Quant la juridiction est restreinte à un lieu déterminé, l’ordinaire peut, en dehors de son diocèse, exercer sur ses propres sujets sa juridiction extrajudiciaire ou volontaire. Codex, can. 201, § 3. Mais il n’en est pas de même de sa juridiction judiciaire ou contentieuse. Sauf certains cas particuliers, can. 201, § 2, 401, § 1, 881, § 2, et 1637, celle-ci ne peut pas être exercée en dehors du territoire qui circonscrit son action, can. 201, § 2.

3° A raison du titre auquel elle est conférée, la juridiction est dite ordinaire ou déléguée.

La juridiction ordinaire est celle qui, antérieurement à une loi ou à une coutume, est attachée à un ollice, de telle sorte que celui qui en jouit de droit propre, l’obtient à raison même de son ollice.

Telle est la juridiction que le droit commun accorde pour le for interne aux curés, pour le for à la fois interne et externe aux évêques, etc. Telle est encore la juridiction que le même droit reconnaît, niais par mode de privilège, aux abbés et aux autres prélats Inférieurs.

La juridiction déléguée, au contraire, est celle qu’on n’a pas en droit propre, c’est-à-dire à raison de l’office