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JULIEN L’APOSTAT, ACTION RELIGIEUSE

conque, d’échapper au conseil (ou sénat) local. » Epist., Hertlein, 11, Cumont, 54.

Julien jouissait d’un prestige considérable sur l’armée ; elle constituait pour lui un appui inébranlable au dedans et au dehors. Aussi s’appliqua-t-il à la gagner au culte des dieux. Dès l’an 360, au moment de marcher contre Constance à la tête de ses troupes, Julien écrit à Maxime d’Éphèse : « Nous honorons les dieux ouvertement, et la grande masse de mon armée est pieuse envers eux. » Il ordonna que tous les soldats participassent aux sacrifices, aux libations, et autres cérémonies, alléguant que les armes n’apportaient aucun secours, quand le secours des dieux faisait défaut. Quand la sévérité ou la menace ne produisait pas sur les soldats l’effet désiré, on y ajoutait l’or et l’argent, « et l’appât du gain, dit Libanius, obtenait ce que n’avaient pu les paroles. » Pratiquement, les chrétiens étaient exclus de l’armée, et cette dernière était païenne, sauf des exceptions.

L’empereur paganisa la monnaie, en y faisant graver un autel et un bœuf, signes des sacrifices aux dieux. De plus, pour ses propres statues ou images exposées en public, il faisait représenter, auprès de lui, Zeus apparaissant du haut du ciel et lui conférant les attributs de la souveraineté impériale, et aussi Ares et Hermès, qui fixaient leurs yeux sur lui, pour attester qu’il excellerait dans la guerre et dans l’éloquence. Cette représentation répondait à deux préoccupations de Julien. Tout d’abord, elle rappelait le rôle d’Ares et de Hermès auprès de lui, Julien, pendant sa jeunesse, d’après l’allégorie autobiographique de la Diatribe contre Héraclius. Puis, les citoyens, qui voulaient honorer l’image de l’empereur, se trouvaient rendre hommage, bon gré mal gré, aux dieux représentés avec lui ; et les chrétiens, qui par conscience s’abstenaient de le faire, étaient accusés de manquer à la majesté impériale.

Les chrétiens avaient coutume de transporter leurs défunts à travers la ville et de célébrer les funérailles en plein jour avec une certaine pompe et beaucoup de respect. Mais la rencontre d’un cadavre est une souillure pour le païen, qui se trouve ainsi exclu des cérémonies de son culte. Par une mesure générale, Julien défendit rigoureusement le transport des défunts et leurs funérailles, pendant la journée ; on ne le fera que la nuit, après la dixième heure, lorsque le soleil est couché, ou encore avant son lever ; les délinquants subiront des peines sévères.

6. Mesures contre les martyrs.

Julien défendit d’écrire aucun mémoire, aucune relation, aucun récit relativement aux martyrs ; ces derniers devaient périr et disparaître entièrement, anonymes et oubliés. Son langage est d’ailleurs amer quand il parle d’eux. Pour réveiller l’oracle muet de Daphné et rouvrir la fontaine Castalie, il fait enlever le corps du grand martyr d’Antioche, saint Babylas, et tous les autres corps de chrétiens inhumés au même endroit. A propos du temple d’Apollon Didyméen, à Milet, Julien ordonne au gouverneur de la Carie de brûler et de détruire tout ce que l’on avait élevé en l’honneur des martyrs auprès du sanctuaire du dieu païen. Dans le Misopogon, Hertlein, p. 462 et 464-466, Julien loue « les villes saintes et pieuses comme lui, qui ont relevé les temples des dieux et qui ont détruit les tombeaux des athées, en conformité avec un de mes derniers ordres ; » ces villes « si pieuses » étaient Émèse, Aréthuse, Héliopolis, Gaza. — On ne viendra plus désormais honorer les tombeaux des martyrs.

7. Mesures et actes de violence et de tyrannie. — L’empereur excuse avec la plus grande indulgence les païens, qui ont maintenant relevé la tête, et qui attaquent les chrétiens. Dans le Misopogon, Hertlein, p. 465, Julien se contente de dire que les villes saintes

et pieuses étaient tout de même allées trop loin contre les chrétiens. A Gaza, le peuple païen avait torturé et massacré trois frères chrétiens, Eusèbe, Nestabe et Zenon. Julien prit parti pour le peuple : « Qu’était-ce pour les habitants, dit-il, que d’avoir tué quelques Galiléens en échange de tout le mal que ceux-ci avaient fait à eux et aux dieux ! » Sozomène, H. E., v, 9, 11-13, P. G., t. lxvii, col. 1240. On peut comparer l’étrange indulgence de Julien pour les Alexandrins qui ont massacré l’évêque arien Georges. Epist., Hertlein, 10, Cumont. 60.

Sous Constantin et surtout Constance, bien des temples avaient été démolis, ou bien détruits en partie et démeublés. Ceux qui en avaient pris et employé les matériaux furent condamnés à reconstruire les édifices détruits, à réparer ceux qui avaient été endommagés, et cela à leurs frais ; les objets qui avaient été emportés des temples détruits ou abandonnés durent y être rapportés. Par exemple, dit Libanius enchanté, « ceux qui s’étaient fait construire des maisons avec les pierres des temples restituaient en argent ; d’un autre côté, on pouvait voir les colonnes des temples rapportées aux dieux qui en avaient été dépouillés, les unes sur des navires et les autres sur des chars. » Oratio xviii, 126, édition Fcerster. Un trouble aussi grand ne se fit pas sans beaucoup de brutalités, de menaces, d’amendes, d’emprisonnements, de tortures, et même de condamnations à mort. Cf. Sozomène, H. E., v, 5, 5. P. G., t, Lxvii, col. 1228.

Sous les empereurs Constantin et Constance, des biens avaient été attribués aux églises pour leurs besoins et leur entretien. Julien les leur fit enlever, et les attribua aux municipalités. Il en fut ainsi même pour les revenus qui servaient à l’entretien des vierges et des veuves, inscrites par les églises sur leurs listes officielles ; parfois, on les obligea même de rendre ce qu’elles avaient légitimement reçu pour vivre auparavant.

On enleva des églises les biens meubles, les dons, les vases sacrés ; on emprisonna et tortura les prêtres et chefs religieux qui voulurent s’y opposer.

A Antioche, Julien fit paganiser les fontaines d’Antioche et de Daphné au moyen de sacrifices aux dieux, afin de forcer à un acte d’idolâtrie ceux qui y puiseraient. Pareillement, il fit asperger, avec l’eau lustrale des sacrifices, toutes les denrées du marché. Le temple d’Apollon ayant été détruit accidentellement par un incendie, Julien rendit les chrétiens d’Antioche responsables de ce malheur. Il fit soumettre les accusés à des tortures plus cruelles que de coutume, fit fermer la grande église d’Antioche, et adjugea au fisc les objets qui y étaient conservés.

Il tira une vengeance terrible de cette ville de Césarée de Cappadoce, auprès de laquelle il avait passé sa jeunesse à Macellum, qu’il avait fréquentée alors, et où il avait été sans doute lecteur de l’église avec son frère Gallus. Les habitants, chrétiens en masse, avaient démoli auparavant les temples de Zeus et d’Apollon, et détruit ensuite, depuis le règne même de Julien, le dernier temple qui restât, celui de la déesse Tykhê. Julien fut outré, dit Sozomène ; il blâma les païens de ne s’être pas opposés par la force à cette destruction ; il ordonna de saisir, fût-ce en employant la torture, tous les biens meubles et immeubles des églises de Césarée et de la province ; d’exiger sur le champ pour le fisc trois cents livres d’or ; d’enrôler les ecclésiastiques dans la plus basse classe de la police ; de rayer Césarée du nombre des villes en lui rendant son ancien nom de Mazaka ; enfin, d’inscrire tous les chrétiens au nombre des contribuables. Les démolisseurs du temple furent, les uns exilés, et les autres mis à mort. Julien jura que, si les habitants ne relevaient pas promptement les temples