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JULIEN L’APOSTAT, ACTION RELIGIEUSE


dominé l’Egypte, vous acceptez, contrairement à vos lois antiques, de vous asservir volontairement à des gens qui font fi des dogmes de vos ancêtres ! Et le souvenir ne vous vient pas de cet ancien bonheur, qui était le vôtre, quand il y avait l’union de toute l’Egypte avec les dieux, et que nous jouissions de biens nombreux ! Au contraire, ces gens qui vous ont apporté récemment cette nouvelle prédication, de quel bien ont-ils été les auteurs pour la ville, dites-le-moi ?.. Ce n’est pas avec les discours de Jésus qu’on l’a développée, ni avec l’enseignement de ces maudits Galiléens qu’on lui a donné cette habile administration, grâce à laquelle elle est maintenant heureuse… Si vous en croyez mon exhortation, même brève, retournez-vous vers l’unique vérité ; vous ne manquerez pas le bon chemin en en croyant un homme qui a marché dans ce chemin-là jusqu’à vingt ans, et qui marche dans celui-ci avec l’aide des dieux depuis douze ans… » Epist., Hertlein, 5 !, Cumont, 111. Julien parle dans le même sens aux Bostréniens, aux Antiochiens, au sénat de Béroé, etc.

Il ridiculise et injurie les chrétiens. Par moquerie et mépris, il les appelle « la secte de Galilée, les Galiléens » ; il ordonne par une loi de ne les désigner que par ce dernier nom, le seul qu’il emploie lui-même dans ses œuvres et ses lettres. Ces « Galiléens » sont d’ailleurs « des malades, des contagieux, des fous, des insensés ; des sauvages, des ignorants, des obscurantistes, des illettrés ; des impies, des athées, des hommes sans religion ; des gens odieux, des maudits, les objets de la colère des dieux ; des avares, des hommes d’argent, des faussaires et des captateurs d’héritages, des vindicatifs ; des hypocrites et des trompeurs dans leur prétendue charité euvers les malheureux.— — Quant à leurs livres sacrés, Julien s’en moque agréablement, et il en souhaite la destruction ; « il y avait aussi, dit-il, dans la bibliothèque de l’évêque Georges, beaucoup de volumes contenant la doctrine de ces impies Galiléens, volumes que je voudrais voir détruits complètement, t On peut rapprocher de ces paroles cet autre souhait au sujet de l’évêque Athanase : « Plût aux dieux que la perversité de l’école impie où il enseigne fût limitée à lui seul ! » Epist., Hertlein, 9, 51, Cumont, 107, 111.

Blessé dans son orgueil et son despotisme, Julien s’abandonne facilement aux menaces. Les habitants de Nisibe, chrétiens, et les plus exposés aux coups des Perses, lui envoient une ambassade ; il déclare avec colère qu’il ne les secourra pas, qu’il ne recevra pas leur ambassade, qu’il n’entrera pas dans leur ville impie, à moins qu’il n’apprenne qu’ils sont revenus à « l’hellénisme » (= le paganisme.) Dans d’autres occasions, il déclare que, après sa victoire sur les Perses, il étendra son polythéisme sur les ruines du christianisme, et qu’il détruira jusqu’au nom de celui-ci. Pour l’évêque Athanase, il doit quitter Alexandrie ; « sinon, dit Julien, nous porterons contre lui des peines plus grandes et plus terribles. » Epist., Hertlein, 26, Cumont, 110. Il écrit ensuite au préfet d’Egypte que, si Athanase n’a pas quitté l’Egypte avant le premier décembre, il en rendra responsable la région « qu’il frappera d’une amende de cent livres d’or », Epist., Hertlein, 6, Cumont, 112. Il menace les chrétiens d’Édesse, en cas de troubles, « du glaive, du, feu, de l’exil. » Epist., Hertlein, 43, Cumont, 115.

5. Mesures contre les personnes et les choses.

Julien réserve les faveurs et les préférences aux païens fidèles, aux apostats, aux hérétiques, aux juifs, à l’exclusion des chrétiens, et surtout quand les mesures prises par lui nuisent en même temps au christianisme. Ses vrais amis, ceux qu’il honore de ses lettres les plus chaleureuses, ce sont les adorateurs des dieux, les rhéteurs et surtout les philosophes ; il fait de

Libanius son intime ; il comble Maxime d’Éphèse de marques d’honneur exceptionnelles. Il loue le zèle des habitants de Cyzique pour la restauration du paganisme, et il leur accorde en conséquence toutes leurs demandes. Il est prêt à aider la ville de Pessinonte, mais à la condition que les habitants se rendent la Mère des dieux propice, et qu’ils deviennent en masse ses adorateurs ; sinon ils n’éprouveront de sa part que des reproches et de la malveillance ; c’est d’ailleurs la règle que suit Julien avec les villes. D souffre à la vue de ceux qui se laissent enchaîner par le christianisme ; il se réjouit avec ceux que les dieux ont déliés et libérés de cette erreur ; il protège tout spécialement l’évêque Pégasius passé au paganisme.

— Il invite chez lui l’évêque Aétius, chef des anoméens ; il a un faible pour Georges, évêque arien et intrus d’Alexandrie, qu’il a connu prêtre à Césarée ; pour l’hérétique Photin ; pour les novatiens et les donatistes, auxquels il fait rendre leurs églises et leurs biens ; pour les juifs, qui valent mieux que les chrétiens, et pour lesquels il saura bien réédifier leur temple. Toutefois, Julien a gardé mauvais souvenir des ariens, qui avaient été les flatteurs et les soutiens de Constance ; il écrit aux habitants d’Édesse : « Quant à ceux de l’église arienne, orgueilleux de leur richesse, ils ont attaqué les valentiniens, et ils ont commis contre Édesse des actes d’audace tels qu’il ne doit pas y en avoir dans une ville bien administrée. En conséquence, puisque leur admirable loi leur ordonne de tout quitter pour entrer dans le royaume des cieux, nous voulons aider leurs saints ; nous ordonnons de saisir tous les biens meubles de l’église d’Édesse pour les donner à nos soldats, et ses propriétés pour les attribuer à notre domaine privé ; et cela, afin que, devenus pauvres, ils deviennent sages et qu’ils ne soient pas privés du royaume céleste, qu’ils espèrent encore. Nous ordonnons de plus, à vous, habitants d’Édesse, de vous abstenir de toute mutinerie et rivalité, de peur que, si vous agacez notre humanité habituelle en la tournant contre vous-mêmes, vous ne payiez pour le désordre de tous, en étant punis par le glaive, par le feu, et par l’exil. » Epist.. Hertlein, 43, Cumont, 115 (où il faut lire : 7tpoeîp7)T<xt àçsïvxt Ttâvra IV eîç xtX., et non pas —va. Û7rdep/ovTa TrpoéaGai).

Les chrétiens ne convenaient guère pour remplir les emplois civils sous un empereur païen ; ils déplaisaient au maître, qui avait ordonné de leur préférer toujours les adorateurs des dieux ; d’ailleurs, ils ne pouvaient assister, soit avec lui, soit avec ses représentants, aux cérémonies païennes. Julien interdit même de nommer des chrétiens à aucun emploi civil, à aucune fonction publique ; il alléguait, très spirituellement dans sa pensée, que la loi des chrétiens leur commandait « de vivre en dehors des choses de ce monde, de ne pas combattre, de ne pas se servir de l’épée, de ne pas juger, de ne rien posséder en propre, de mépriser les choses de ce monde comme n’existant pas, de ne pas rendre le mal pour le mal, de présenter la seconde joue à qui frappait la première, et de céder la tunique à qui prenait le manteau. »

La charge civile de curiale était très redoutée, en raison des dépenses qu’elle entraînait. Sous Constantin et Constance, des lois spéciales en avaient exempté les ecclésiastiques. Julien supprima ce privilège, en pensant qu’il plairait aux populations et qu’il les attirerait à lui ; plus il y aurait de curiales, et plus il y aurait de citoyens pour supporter les charges de cette dignité. Dans une loi du 13 mars 362, Julien ordonne : « Que les décurions, qui déclinent les charges à titre de chrétiens, y soient rappelés, etc. » Il écrit aux Byzacéniens : « Je vous ai rendu tous vos curiales.., soit qu’ils se fussent donnés à la secte religieuse des Galiléens, soit qu’ils aient essayé, d’une manière quel-