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JULIEN L’APOSTAT, ACTION RELIGIEUSE


violence, n’est entraîné de force à une cérémonie sacrée, n’est vivement sollicité à quelque autre chose de ce genre contre son gré. » Epist., Hertlein, 43, Cumont. 115.

Un grand nombre d’orthodoxes avaient été exilés sous Constance. Julien permit à tous de rentrer dans leur pays, et il leur fit rendre leurs biens confisqués. « Je pensais, dit-il, que les chefs des Galiléens montreraient pour moi plus de reconnaissance que pour celui qui s’est trouvé régner avant moi. Car il est arrivé, sous le règne de ce dernier, que la plupart d’entre eux avaient été exilés, persécutés, privés de leurs biens par confiscation ; bien plus, que l’on avait massacré des foules de ceux que l’on appelle hérétiques (= les orthodoxes) comme à Samosate, à Cyzique, en Paphlagonie, en Bithynie et en Galatie, et que beaucoup d’autres provinces et des bourgades avaient été pillées, ou détruites de fond en comble, tandis que, sous mon règne, c’est tout le contraire. Ceux qui avaient été exilés ont été renvoyés chez eux ; ceux qui avaient eu leurs biens confisqués ont obtenu de moi, par une loi, de reprendre tout ce qui leur avait appartenu. Eux cependant en viennent à un tel degré d’insolence et de démence, etc. » Epist., Hertlein, 52, Cumont, 114.

Julien entend donc laisser aux chrétiens la liberté religieuse, celle de la conscience et celle du culte. Il exige en même temps que la paix règne, d’abord entre chrétiens, ensuite entre païens et chrétiens. Par exemple, Julien réunit dans son palais les évêques en discussion les uns avec les autres, en même temps que leur population était pareillement divisée, et il les avertit en bons termes de mettre fin à leurs discordes, et de pratiquer chacun leur religion en sécurité, sans que personne les en empêchât. » Amm. Marc, xxii, 5. On a signalé à Julien des désordres arrivés à Bostra entre païens et chrétiens, et dont on rendait les ecclésiastiques responsables ; il écrit : « J’ai donc résolu de faire savoir à toutes les populations par le moyen de cet édit, et de leur imposer clairement de ne pas se mutiner de concert avec les ecclésiastiques, de ne pas jeter des pierres à leur instigation, et de ne pas désobéir aux magistrats ; mais, par contre, de se réunir tant qu’ils le voudront et de réciter pour eux-mêmes leurs prières habituelles, » et toute tentative de désordre sera châtiée, Epist., ibid.

Ces mesures, si libérales en principe, présentaient en fait des restrictions. L’empereur rappelait les exilés dans leur pays, mais sans leur rendre leurs dignités et leurs fonctions, parfois même sans leur rendre leurs églises. Il écrit aux Alexandrins : « Pour le moment, nous avons accordé le retour dans leur pays, mais non pas dans leurs églises, aux Galiléens exilés par le bienheureux Constance. » Epist., Hertlein, 2t>, Cumont. 11 (t. On peut donner, de cette restriction, un motif d’ordre administratif. Un évêque orthodoxe aurait trouvé son siège occupé par un évêque arien ; de là, conflit et lutte entre les deux partis, catholique et arien. Le même conflit aurait éclaté dans une ville, demi-chrétienne, demi-païenne, entre les chrétiens, fortifiés par la présence de leur évêque, et les païens, soutenus maintenant par l’autorité impériale. Il faut ajouter un motif d’ordre religieux. Si l’évêque orthodoxe était revenu dans son église et sur son siège, les citoyens chrétiens se seraient ralliés autour de lui et auraient été affermis dans leur religion ; de la un obstacle à la restauration et à la propagande païennes de Julien. Par contre, sans son évêque, la communauté chrétienne, acéphale et sans direction, demeurait affaiblie et hésitante ; de là un état favorable à l’apostasie. Ammien Marcellin fait cette réflexion : « Afin d’assurer l’effet des dispositions prises par lui, Julien convoquait dans son palais les évêques chrétiens en désaccord entre eux, avec leur peuple divisé, et il les

avertissait qu’ils devaient mettre fin à leurs discordes, et que chacun devait pratiquer sa religion en sécurité, sans que personne l’en empêchât. Il agissait ainsi avec persévérance, pour ce motif que la liberté, qu’il laissait, augmenterait les dissensions, et qu’il n’aurait pas à craindre ensuite une population qui aurait été animée d’un seul et même sentiment : car il savait par expérience que la plupart des chrétiens sont plus féroces les uns pour les autres que ne l’est aucune bête sauvage pour les hommes. » Amm. Marc, xxii, 5. Telle est l’impression que Julien avait recueillie, pendant sa jeunesse, et gardée des luttes fratricides entre orthodoxes et ariens, sous Constance. Sozomène dit aussi : « Julien travaillait à éloigner de leurs villes les ecclésiastiques et les évêques des Églises. De vrai, il visait sournoisement, par cet éloignement, à interrompre les réunions du peuple, de manière que celui-ci n’eût personne pour tenir l’Église, ni pour enseigner, ni pour conférer les sacrements, et de manière que les pratiques religieuses du peuple tombassent ainsi dans l’oubli, avec le temps. » Sozomène, H. E., v, 15, dans P. G., t. lxvii, col. 1257 B.

Une autre restriction concerne la propagande chrétienne. Était-elle au moins tolérée ? Il ne le semble pas. Julien fit chasser de Cyzique l’évêque Éleusius, pour ce motif principal qu’il persuadait aux « Hellénistes » de cette ville d’abandonner leur religion (païenne) traditionnelle. Il ordonna sévèrement d’exiler de toute l’Egypte Athanase, « ce scélérat, qui a eu l’audace, moi régnant, de baptiser des Grecques de haut rang ; qu’on le chasse ! » Epist., Hertlein, 6, Cumont, 112.

L’impartialité, la justice, la tolérance existaient plus dans les paroles et les écrits de Julien que dans ses actes. Son zèle pour les dieux, son orgueil intéressé au succès, son aveuglement, l’égarent facilement loin des principes qu’il professe, et le portent à la pression et à la violence contre les chrétiens.

2. Polémique contre le christianisme.

Les chrétiens sont « des malades d’esprit, dit Julien, et il vaut mieux instruire les insensés que de les châtier. Il s’y essaya dans une œuvre de polémique, Contre les chrétiens, en trois ou sept livres. Nous n’avons de cette œuvre que de longs fragments cités par saint Cyrille d’Alexandrie dans ses dix livres de réfutation Contre Julien, P. G., t. lxxvi. Julien avait établi un parallèle entre le christianisme et le polythéisme, mais en partant de l’Ancien Testament que les chrétiens avaient pris à leur compte. Dogme, morale, législation, il passait tout en revue, pour l’Ancien Testament et pour le Nouveau. Il prétendait que le christianisme, « la secte des Galiléens », suivant son expression, n’était qu’une fourberie purement humaine ; que le Dieu de Moïse était bien inférieur à celui de Platon ; que, dans les livres « des Galiléens », tout n’est que fables, erreurs grossières, médiocrités de toute espèce, par comparaison avec la beauté, avec la vérité des doctrines philosophiques des Grecs, et de leurs institutions politiques et religieuses. En particulier, qu’estce que Jésus, fondateur de la secte ? Est-il Dieu, en détruisant l’unité de Dieu, ou bien ne l’est-il pas ? Et d’ailleurs, sa prétendue divinité n’est-elle pas une « invention de Jean » ? Qu’a-t-il fait de remarquable ? Quels services a-t-il rendus au monde ? Est-ce d’avoir guéri, comme on le prétend, quelques aveugles et des paralytiques ? — Dans les fragments qui nous restent, Julien prend le christianisme et le polythéisme par les petits entés, par des détails superficiels et insignifiants ; le fond n’est pas traité ; et peut-être Julien était-il incapable de le faire, en raison de sa médiocrité philosophique et théologique ; de plus, il existe, dans ces fragments, trop d’imagination et d’hypothèses gratuites, qui décèlent beaucoup d’ignorance des questions. — Ajoutons ici une remarque d’ordre