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JULIEN L’APOSTAT, ACTION RELIGIEUSE


Julien promet une récompense à son clergé ; le prêtre, dit-il, s’assure beaucoup de joie dans cette vie-ci, et une espérance de bonheur encore plus grande pour l’autre vie ; car nous ne sommes pas de ceux qui croient que l’âme périt avant le corps ou avec le corps. » Fragmentum epistolæ, Hertlein, p. 371-392 et surtout p. 390-392 ; Epist., Hertlein, 49, 62 et 63, Cumont, 84a, 88 et 89a.

L’organisation du culte marche de pair avec celle du clergé. Il doit y avoir un culte public, extérieur, visible. « L’homme, dit Julien, est un être vivant, destiné par sa nature même à vivre en communauté avec ses semblables, et ce sont ces habitudes naturelles de vivre en commun les uns avec les autres qui nous donnent aussi l’habitude de la piété envers les dieux et de la bonté envers les hommes. » Fragm. epist., Hertlein, p. 374-376, Cumont, 89 b. Le culte matériel est nécessaire pour nous rendre sensible la présence des dieux : « Nos pères ont établi des statues, des autels, le feu perpétuel, et tous autres objets de ce genre, comme des symboles de la présence des dieux, non pas pour que nous regardions ces objets comme étant des dieux, mais pour que nous honorions les dieux par le moyen de ces objets. Car nous, nous existons dans un corps, et par suite, il faut que nos adorations envers les dieux soient aussi corporelles, quoique les dieux soient incorporels… » Fragm. epist., Hertlein, p. 376-378, Cumont, 89 6, p. 133.

Le plus grand respect est dû au culte. Le prêtre, en fonction, témoigne par son attitude et ses actes, de sa profonde vénération pour les dieux invisibles, mais présents ; il est pénétré du même sentiment pour leurs statues, leurs temples, leurs enceintes sacrées, leurs autels, tandis que lui-même devient comme un objet sacré pendant qu’il officie. Le prêtre est maître dans son temple, où il assure le bon ordre et le respect de la part de tous. Il se conserve pur nuit et jour, et se livre d’ailleurs aux purifications prescrites ; il passe dans le temple les journées de son temps de service ; il y étudie la philosophie ; il s’occupe de tous les détails du culte et des cérémonies, veille sur tout, dispose tout avec ordre. Il offre les sacrifices, fait les prières rituelles, observe avec soin les cérémonies traditionnelles et nationales, sans y ajouter, sans en retrancher. Il prie souvent les dieux, en particulier et en public, et surtout trois fois le jour ; et si trois fois sont impossibles, au moins le matin et le soir. « II faut aussi que le prêtre sache par cœur les hymnes des dieux ; ces hymnes sont nombreux et beaux, composés par des anciens et par des modernes ; il faut savoir au moins ceux qui se chantent dans les temples… Il faut faire ces exercices de chant. » Hertlein, fragm. epist., et surtout p. 390-392, Cumont, 88.

Julien ajoute deux éléments nouveaux, plutôt étrangers au paganisme. Le premier est le respect et le soin des morts ; mais il n’entre dans aucun détail à ce sujet ; par contre, comme le païen se croyait impur s’il rencontrait ou voyait un cadavre, comme cela arrivait souvent dans les villes peuplées de chrétiens, Julien défendit sous des peines sévères de transporter les défunts avant le coucher du soleil ou après son lever. Le second élément concerne les institutions de bienfaisance. « La vertu que le prêtre doit pratiquer avant toutes les autres, c’est la bienfaisance… » Elle portera sur tous les hommes dans le besoin, même sur nos ennemis, même sur les prisonniers coupables ou innocents, et aussi sur les étrangers. Il écrit au grand-prêtre de la Galatie : « Établis de nombreux hospices dans les villes, afin que les étrangers y jouissent des bienfaits de notre humanité, non seulement les étrangers de notre religion, mais encore tout autre homme d’une autre religion ayant besoin de secours… Il est honteux, quand aucun Juif ne mendie, quand ces Galiléens

impies nourrissent leurs pauvres et aussi les nôtres, il est honteux que les nôtres paraissent dénués de tout secours de notre part. Enseigne aux adorateurs des dieux à contribuer à ces pieuses institutions, etc. » Fragm. ep., Hertlein, p. 373-375, et Epist., 49, Cumont, 89 b, p. 129 sq., 84 a, p. 113 sq.

Cette esquisse de l’action de Julien en faveur du polythéisme nous révèle sa pensée. Il avait compris clairement qu’il fallait donner au polythéisme défaillant ce qui lui manquait : une âme, un principe intime de vie, de développement, de conservation. Aidé de la connaissance qu’il avait acquise du christianisme pendant sa jeunesse, il calque absolument sur lui son essai de restauration. Institutions de bienfaisance, prières, chants, sacrifices, processions ; hiérarchie, recrutement, formation et organisation du clergé ; vie et vertus sacerdotales de ce clergé nouveau ; mystères qui remplacent les sacrements ; trinité de soleils qui remplace la Trinité chrétienne des personnes ; bonheur du ciel avec les dieux : tout est l’image et la reproduction de la religion chrétienne. Telle est l’œuvre païenne de Julien, œuvre qui n’a été tentée qu’une fois, croyons-nous, dans l’histoire.

La lutte contre le christianisme.

Parallèlement

aux mesures prises en faveur du polythéisme, d’autres étaient dirigées contre le christianisme, d’après un plan mûri de longue date.

Tout d’abord, Julien use de bienveillance envers tous les chrétiens et surtout envers les orthodoxes persécutés par Constance. Il prend à leur égard des mesures empreintes d’impartialité, de justice, de libéralisme, comme il convient à un empereur qui se pique de tolérance, et surtout au Romain essentiellement doué du sens de l’ordre et de l’administration. Puis, l’hostilité contre le christianisme se manifeste. L’Hellène, le philosophe orgueilleux de sa philosophie et de sa religion nouvelle, veut guérir le monde du christianisme, qu’il appelle « une maladie contagieuse » ; il traitera les malades par la persuasion, non par la violence ; il s’agit d’éclairer les esprits, de les impressionner, de les convertir, et non pas de forcer les chrétiens à apostasier sous peine de mort. Aussi les mesures prises par Julien sont-elles surtout d’ordre intellectuel et moral, destinées à faire pression sur les convictions chrétiennes et à les ébranler ; en même temps, elles sont souvent indirectes, obliques, insidieuses, avec cette duplicité inhérente au caractère de Julien. Enfin, le succès ne progresse pas au gré de l’empereur ; il y a des résistances et des désobéissances ; Julien, autocrate et despote, zélateur intransigeant de son paganisme, s’irrite et a souvent recours aux coups de force et d’autorité, à ce que nous appelons « le fait du prince ». Parfois, on voit s’y ajouter le persifflage et le sarcasme, qui plaisent tant à l’écrivain contre ses adversaires chrétiens. Nous allons donner un aperçu de cette action de Julien envers et contre le christianisme et les chrétiens.

1. Mesures libérales envers le christianisme.

« Je le jure, par les dieux, écrit Julien, je ne veux pas que les Galiléens soient mis à mort ni frappés, contrairement à la justice, ni qu’ils aient à souffrir aucun mal… » Epist., Hertlein, 7, Cumont, 83. « De nouveau, je conseille à ceux qui sont venus à la vraie religion (le paganisme) de ne pas commettre d’injustices envers les groupes des Galiléens, de ne pas les attaquer, et de ne pas les outrager. Il faut avoir de la pitié, plutôt que de la haine, pour ceux qui se trompent à propos des choses les plus importantes ; car la (vraie) religion est réellement le plus grand des biens, et la fausse religion, au contraire, le plus grand des maux. » Epist., Hertlein, 52, Cumont, 114. « Pour moi, certes, j’en use avec tous les Galiléens si doucement et humainement, qu’aucun d’eux ne subit nulle part de