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JULIEN L’APOSTAT, ACTION RELIGIEUSE


sa disparition le soir ; il pratique des exercices religieux dans la journée et dans la nuit ; il fait d’une partie de son palais et de ses jardins comme une vaste chapelle privée avec des autels. Il jouit continuellement de l’assistance toute particulière des dieux, ainsi que de leurs inspirations ; il possède le don des miracles, suivant l’opinion de ses admirateurs et de ses amis. Il garde la continence absolue et la tempérance la plus stoïcienne, afin de ne pas être distrait de la contemplation des dieux et de son commerce mystique avec eux. Voir Libanius, OraL, xii, 80-82 ; xrn, 47-50 ; xv, 3, 29-31 ; xvii, 5-9 ; xviii, en entier, et surtout 39-40, 65. 103-115, 127-128, 161, 176-180, 281-283 ; Julien, Misopogon, Hertlcin, p. 445-446, 463-469 ; Amm. Marc, xxv, 4.

Julien avait, comme il convenait, le souci du salut et de la conversion des chrétiens ; il travaillait par l’exemple et par la parole à guérir doucement les esprits égarés par l’erreur chrétienne, et à les ramener dans le bon chemin de la vérité polythéiste. Libanius, Oral., xviii, 121 sq. ; Julien, Epist., Hertlein, 51, Cumont 111, et passim dans les Lettres.

L’enseignement religieux tenait à cœur au souverain pontife. Au début de son Discours sur le Roi-Soleil, il écrit : « Que l’éloquent Hermès, avec les. Muses et Apollon Musagète, qui s’intéresse aussi aux discours, soient auprès de moi pourm’assister, et qu’ils m’accordent de dire toutes les choses que les dieux aiment que l’on dise d’eux et que l’on croie sur eux. » Il termine ainsi : « Que le grand Hélios m’accorde de connaître, sans que rien n’y manque, tout ce qui le concerne, et de l’enseigner ensuite à tout le monde, et, en particulier, à ceux qui sont dignes de l’apprendre. » Julien se montre théologien dogmatique dans ses traités sur le Roi-Soleil, ’la Mère des Dieux, et pessim dans ses Lettres ; polémiste, dans son ouvrage Contre les Chrétiens ; moraliste religieux dans la plupart de ses écrits et de ses lettres, par exemple dans certaines lettres pastorales et encycliques, comme la très longue lettre au grand-prêtre de la Galatie, déjà citée. Il enseigne aussi de vive voix, il catéchise, il exhorte ses amis et connaissances, les chrétiens en rapport avec lui, afin de guérir ces pauvres malades d’esprit. Cet apostolat de Julien produisit certainement des conversions chez les timides, les hésitants, les ambitieux ; dans son entourage, à la cour, chez les fonctionnaires ; tout particulièrement dans l’armée ; et aussi dans certaines villes qui revinrent au paganisme. Hertlein, p. 464-466.

Le souverain pontife, grand prêtre des dieux, aime à officier personnellement, et il y met sa gloire. Libanius est ravi : « Ce n’est pas assis sur un siège élevé, ou entouré de gardes aux boucliers d’or, que Julien fait rendre aux dieux le culte qui leur est dû. Il opère par lui-même ; il fait l’aspersion autour de l’autel ; il place de ses mains les morceaux de bois sur le feu ; il prend le couteau des sacrifices ; il tranche en deux le corps dis oiseaux ; il sait consulter leurs entrailles, et ses doigts, tout remplis des présages qu’il en tire, en soûl la preuve formelle, » Oral., xii, 79-83 ; cf. Amm. Marc, xxii, 12. Dans le Misopogon, loc. cit., Julien rapporte les railleries des Antiochieiis : « On en a assez, disent-ils, de ces fêles, et c’est comme pour les glands du chêne, on en est dégoûte. L’empereur a sacrifié une fois dans le temple de Zelis, ensuite dans celui de la déesse Tykhê ; puis, il est allé trois fois de suite à celui de Dêmêter, et on ne sait combien de fois dans l’enceinte sacrée de Daphné… Quand arrive la néoménie des Syriens, voilà l’empereur qui se rend encore au temple de Zelis PhiliOS, etc. » Initié aux mystères de Mitlira, Julien y initiait les autres dans la chapelle de son palais. Plein de piété, le souverain pontife compose des prières ; une prière termine le Traité ou Discours sur le

Roi-Soleil, et une autre le traité Sur la Mère des Dieux. 2. Julien, souverain pontife, organise le sacerdoce et le culte. — Un des premiers soins de Julien fut de rappeler et de remettre en fonctions les anciens prêtres des dieux, qui vivaient encore ; puis, il institue un nouveau clergé et réorganise le culte. Il veut, non seulement égaler le christianisme, mais encore le surpasser. « Ne laissons pas les autres, écrit-il, être supérieurs à nous dans le bien que nous, nous devons faire ; rougissons donc de notre paresse, et mieux encore, marchons avant tous les autres dans la voie de la religion. » Epist., Hertlein, 49, Cumont, 84 a ; cf. Libanius, loc. cit.

Il établit une véritable hiérarchie ecclésiastique. Au sommet, Julien, pontife suprême, prêtre de tous les dieux et déesses et de tous les temples et cultes de l’empire, avec le pouvoir religieux sur tout et sur tous. Puis vient le grand prêtre de la province. Sous lui se trouvent les simples prêtres, qui exercent leur ministère dans les temples, en demeurant attachés aux villes et aux bourgades importantes. Cette hiérarchie était chose toute nouvelle dans le paganisme.

Julien possède la juridiction souveraine et universelle. Il nomme et institue les grands prêtres et les prêtres, les grandes prêtresses et les prêtresses. Il exerce un contrôle rigoureux sur tout son clergé, auquel il impose une discipline sévère ; un prêtre en avait frappé un autre ; le grand-prêtre de la province fait son rapport à Julien, qui interdit le coupable pour trois mois lunaires, Epist., Hertlein, 62, Cumont, 88. — Le grand-prêtre d’une province est responsable devant Julien de l’administration religieuse de sa province ; il a l’intendance du culte ; il veille sur les prêtres, ses subordonnés, il les dirige, il les instruit de leurs devoirs, il les exhorte, il les fait progresser dans la vie sacerdotale, dont il leur enseigne la substance. Le recrutement des prêtres doit se faire uniquement d’après leur mérite : « J’ordonne, dit Julien, de choisir les hommes qui sont les meilleurs dans leurs villes, et surtout ceux qui aiment le plus les dieux d’abord, et ensuite le plus les autres hommes… Pourvu qu’un homme ait l’amour des dieux et l’amour des hommes, qu’on le nomme prêtre ! » Hertlein, p. 390-392 ; Cumont, n. 89 b, p. 145.

Quel que soit son rang dans la hiérarchie, le prêtre doit posséder les qualités et les vertus de son état, et mener une vie vraiment sacerdotale. Il doit avoir la modération, la bonté, la justice, la charité fraternelle, jusque dans ses pensées ; l’humanité sous toutes ses formes, la chasteté dans le mariage ou hors du mariage. Il s’abstiendra de tout ce qui est malséant pour lui : théâtres, jeux, courses, cirques, etc., de toute occupation basse ou vile, du cabaret et de Yagora, des festins et des banquets. Le prêtre ne doit rien dire ou entendre d’indécent ; il se gardera non seulement des actions, mais encore des conversations honteuses : il ne lira ni Archiloque, ni Ilipponax, ni autres auteurs de ce genre ; il s’adonnera aux philosophes, et aux bons seulement, comme Platon, Aristote, Chrysippe, Zenon, en excluant les sceptiques et les impies, comme Kpieure et Pyrrhon. Lu dehors de son temps de service, le prêtre se souviendra de lui-même et mènera une vie digne de son rang. Mais, pendant son temps de service au temple, sa vie sera exclusivement sacerdotale : toujours de pieuses pensées pour les dieux dans son esprit, le regard tourné vers leurs temples et leurs statues avec respect et vénération, la crainte en s’appro-Chant de leurs autels, en réfléchissant qu’ils sont présents, quoique invisibles, et qu’ils pénètrent Jusqu’à ses pensées cachées. Le prêtre ne fréquentera pas les fonctionnaires et les magistrats ; mais il sera honoré par ses concitoyens plus cpie les fonctionnaires et les magistrats, lai échange de cette existence sévère,