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1951 JULIEN L’APOSTAT, DISPOSITIONS A L’ÉGARD DU CHRISTIANISME 1952

Église déchirée et divisée se manifesta d’ailleurs chez lui, quand il fut devenu empereur. Amm. Marc, xxii, 5. L’impression que lui laissa son instruction religieuse est tout aussi mauvaise. Ses écrits montrent qu’il ne connaissait qu’un christianisme superficiel, vague, brumeux ; peut-être Julien n’a-t-il jamais bien saisi la différence fondamentale qui distinguait l’orthodoxie fondamentale, qu’il ignorait, de l’arianisme, plus ou moins complet, qu’on lui avait enseigné. Devenu païen, il qualifie ou laisse qualifier ses croyances antérieures par les termes suivants : « liens, brouillard, ignorance, fausseté, ténèbre, maladie, fumée, saleté, suie, superstition, fourberie, souillure de l’âme et du corps, » Julien, Episl., Herllein, 51, 52, Cumont.lll, 114 ; Contre Héraclius, Hertlein, p. 297-299 ; Contre les chrétiens, dans Cyrille d’Alexandrie, v, vii, viii, x, P.G., t. lxxvi, Libanius, Orat., iv, vii, xii, xiii. De plus, incapable de comprendre la grandeur et la beauté morales, ce renégat sans cœur insulte Jésus-Christ, sa doctrine et ses martyrs ; il trouve élégant et spirituel d’appeler Jésus-Christ « le Galiléen, le mort des Juifs », de se moquer du baptême qui efface le mal et renouvelle l’âme, de désigner les martyrs par cette parole de mépris « les morts ». Voici un exemple du degré de bassesse auquel il est descendu. Dans sa satire des Césars, il met en scène, avec les empereurs païens, Constantin. Chaque empereur doit s’attacher à un Dieu de l’Olympe ; Constantin n’en trouve pas pour lui. Julien continue : « Xe trouvant pas parmi les dieux le modèle de sa vie et apercevant la Mollesse près de lui, Constantin courut vers elle ; celle-ci l’accueillit tendrement ; elle le revêtit d’habits moelleux aux couleurs variées, et elle le rendit beau. Puis, elle l’emmena vers la Débauche, afin qu’il rencontrât Jésus, qui circulait en criant à tout le monde : Quiconque est un corrupteur, quiconque est un meurtrier, quiconque est un maudit et un infâme, qu’il vienne à moi avec confiance ! Car, en le lavant avec l’eau que voici, je le purifierai sur le champ, et, s’il redevient coupable des mêmes fautes, je le purifierai encore, pourvu qu’il se soit frappé la poitrine et donné des coups sur la tête. Alors Constantin se joignit à lui avec le plus grand plaisir, en emmenant ses enfants hors de l’assemblée des dieux. » Césars, ad iinem, Hertlein, p. 431. D’un seul coup, Julien, empereur, blasphème le Christ, calomnie Constantin, son oncle, et outrage son baptême !


Conversion de Julien au paganisme.

Lorsque

Julien a vingt ans, Constance, qui prévoit en lui un compétiteur, l’envoie de Constantinople à Nicomédie pour étudier. Julien est jeune, riche, seul et libre. Il dispose de son temps, de sa fortune et de sa personne. Il voyage où il lui plaît, avec une magnificence princière. Ami de l’élude et esprit curieux de tout, il va s’adonner à la rhétorique et à la philosophie ; il va se trouver en contact avec les rhéteurs, presque tous païens, comme Libanius, et surtout avec les sophistes, tous païens convaincus et zélés. Le christianisme, si maigre et si superficiel de Julien, devra se mesurer, dans les conditions les plus défavorables, avec le paganisme proprement dit, et surtout avec les pratiques secrètes des adorateurs des dieux.

A Nicomédie, Julien paye un homme qui recueille les conférences de Libanius et les lui apporte. En même temps, poussé par sa curiosité naturelle pour l’inconnu, Julien se risque, dans cette ville, avec un homme qui pratiquai ! secrètement l’art divinatoire ; c’est la première démarche païenne de Julien. Il se rend à Pergame, centre célèbre de liant enseignement. Il y en I end le vieil Edésius, chef de l’école de cette ville, (|iii axait eu pour disciples Maxime d’Kphèse, Prlscus d’Épire, Chrysanthe de Sardes, Eusèbe de Myndes ; les deux derniers étaient seuls présents.

Toujours en quête de merveilleux, et la curiosité aiguisée par ce qu’on lui rapporte de Maxime, Julien se rend à Éphèse, où il trouve ce philosophe. « Il s’attacha et se suspendit à ce dernier, dit Eunape, et il s’appropria à fond toute sa science. » Vie de Maxime, anle med. Julien dit de lui : « Ensuite, j’arrivai au vestibule de la philosophie pour y être instruit parfaitement sous la direction d’un homme que j’estime l’emporter sur tous ceux de mon temps ; c’est lui qui m’apprit à pratiquer la vertu avant tout et à regarder 1 es dieux comme les auteurs de tous les biens. » Contre Héraclius, Hertlein, p. 304-305. Commencée à Nicomédie, pourvuivie à Pergame, la conversion de Julien au polythéisme se consomma à Éphèse sous les auspices du néo-platonicien Maxime, qui réussit à porter le dernier coup au christianisme de son disciple. Elle eut lieu en 351 ou 352, d’après ce que Julien écrit aux Alexandrins, Epist., Hertlein, 41, Cumont, 111. Julien revint bientôt à Nicomédie, non seulement païen, mais encore versé dans les pratiques les plus secrètes et les plus malsaines du paganisme, pratiquant la théurgie, l’art divinatoire, l’haruspicine, évoquant les dieux, interprétant les songes et les signes extraordinaires, offrant des sacrifices, inspectant les entrailles des victimes, consultant les oracles, en gardant des recueils écrits ; enfin, se faisant initier aux mystères de Dionysos, de Dêmêter, puis de Mithra, le Dieu-Soleil des Perses, qui devint son Dieu personnel et favori.

Les détails précédents sur le caractère et la culture païenne de Julien ne suffisent pas à expliquer son apostasie, qui l’exposait aux pires dangers, même à celui de la mort, si elle avait été connue de Constance. La raison décisive, c’est que, d’un côté, les rhéteurs et les sophistes promettaient à Julien l’empire et le lui assuraient au moyen de leurs oracles et de l’intervention toute-puissante de leurs dieux ; c’est que, d’un autre côté, et parallèlement, Julien avait la conviction personnelle que les dieux l’appelaient à régner, à de certaines conditions, toutes en leur faveur.

Quelle surprise et quel honneur pour les rhéteurs et les philosophes de cette époque d’avoir pour disciple, pour ami, un prince tel que Julien, que l’on s’habituait à regarder comme le futur successeur du souverain régnant ! Leur joie fut sans limites, quand ils le virent dominé par leur éloquence et leur philosophie, imbu de leurs doctrines, inclinant au polythéisme, et embrassant enfin ce culte des dieux, dont ils étaient les derniers et inébranlables défenseurs. Il y eut un tressaillement de bonheur chez les intellectuels païens, les vrais Hellènes de l’empire, depuis l’Orient jusque dans la Gaule. Amm. Marc, xv, 8. Ils ne se contentèrent pas de paroles et de désirs ; ils supplièrent leurs dieux et les consultèrent ; ils ne trouvèrent dans les présages et les entrailles des victimes que des signes favorables, qui assuraient l’empire à Julien en récompense de son attachement aux dieux ; en même temps qu’ils aiguisaient chez Julien la soif de la souveraineté Impériale, ils faisaient de leurs dieux leurs meilleurs auxiliaires pour ménager le trône â Julien et faire de lui. un jour, leur empereur païen ; c’était leur intérêt, et ce serait leur gloire. Avec la pompe de sa rhétorique habituelle, Libanius nous fournit les renseignements les plus précis sur ce point : Orat., mi, 27-11 ; 59-62 ; 68-70 ; 79-90 ; 91-97 ; xiii, 1-2, 7-22 ; 27-28 ; 33-11 ; 1 1 —19 ; i. 1 5-16, 27, 35-38, 41-44 ; xv, 5-7, 23-32, 36, 45-53, 67-68, 71-73. 77, 80-83 ; xiv, 17, 19, 30-50 ; wii ; xviii, l-47, 72, 75, 95, 103-107 ; 113-129, 154-161, L66-180, 188-L 89, 192, 214, 272, 281-282, 285-287, 304-308, et passim, édition R. Fœrster, t. n.

De son côté, Julien avait la conviction. ou la foi, que. en échange de sa conversion, les dieux l’appelaient aux plus hautes destinées qu’un prince philosophe put rêver : la possession de la couronne impériale, ’a res-