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1941

JULIEN DE TOLÈDE

JULIEN L’APOSTAT

1942

Mais dans ce document, le pape Benoît II releva, comme répréhensibles et à tout le moins contraires à l’usage, les deux expressions suivantes, appliquées au Verbe incarné : Voluntas gentil voluntatem, sicut et sapientia sapienliam ; — très substantiæ in Christo Dei Filio. Ces propositions devinrent l’objet, entre Rome et Tolède, de tractations dont les détails nous sont inconnus et qui aboutirent à une franche et publique déclaration de l’assemblée de 688. Dans ce XVe concile national, auquel assistaient soixante et un évêques, beaucoup d’abbés et dix-sept palatins ou grands du royaume, Julien explique le sens parfaitement orthodoxe que ses collègues et lui attachaient aux deux affirmations incriminées. La première, dit-il, serait fausse, s’il s’agissait de l’homme, en qui la volonté procède de la pensée, de mente procedit ; on ne saurait donc l’appliquer à Dieu en comparant les opérations divines à celles de l’esprit humain, secundum comparationem humanee mentis. Elle n’estpas non plus applicable en Dieu aux relations des trois personnes, juxta relativum, parce qu’alors le terme voluntas désignerait par appropriation le Saint-Esprit. Mais de Dieu considéré dans son essence, parce qu’en Dieu être, connaître, vouloir sont une seule et même chose, il est permis de dire : Voluntas gentil voluntatem, ou : Sapientia gentil sapientiam, comme il est loisible de dire : Deus gentil Deum, comme on dit : Deum de Deo, lumen de lumine. D’autre part, si l’on peut admettre que chacun de nous est composé de deux substances, qui sont le corps et l’âme, dans le Christ la nature divine en constituera une troisième, on pourra donc indifféremment, suivant les diverses manières d’envisager la substance, attribuer au Christ soit deux, soit trois substances : quapropter natura divina humanx sociata naturæ possunt et très proprise et duæ propriæ appellari substantiæ. Cf. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 294-296. Le pape s er ë ms I 6r > troisième successeur de Benoît II, accueillit favorablement ces explications, et le malenrendu fut dissipé. Le même concile de 688, en réponse à une consultation du roi Egica, décida sagement qu’entre deux serments contradictoires en tout ou en partie on devra donner la préférence au serment dont l’objet reste toujours licite, parce que seul conforme au bien général. Julien mourut deux ans après, le 4 mars 690. Il fut de bonne heure honoré dans sa patrie comme un saint, et sa fête fixée au 8 du mois de mars. Sa Vie a été écrite par Félix, son second successeur sur le siège de Tolède, qui avait vécu dans son entourage immédiat. Cette œuvre a donc, pour la plupart des détails, l’autorité qui s’attache à la parole d’un témoin oculaire. Elle a été insérée dans les Acta Sanclorum, mars, t. i, p. 785 sq., et dans P. L., t. xevi, col. 445 sq.

II. Écrits.

Saint Julien a légué à la postérité quelques ouvrages qui au mérite d’un fond pieux et solidement doctrinal joignent celui d’une rédaction claire et d’une latinité assez élégante pour cette époque. Plusieurs ont eu, non seulement en Espagne, mais aussi en France et en Allemagne, un grand nombre d’éditions. Tous ceux qui ont survécu ou presque tous ont été réunis dans P. L., t. xevi, col. 427-816. Voici les principaux : 1° Prognosticon futuri sœculi, ibid., col. 463-525. Œuvre dogmatique et ascétique, rédigée en forme de dialogue. Elle comprend trois parties, qui traitent successivement des causes de la mort dans l’humanité, de l’état des âmes des défunts avant la résurrection, de la résurrection des corps et de la félicité des élus. Elle se termine par cette belle réflexion : « Notre fin peut-elle être autre chose que de parvenir au royaume qui n’a point de fin ? » — 2 U De comprobatione (suivant d’autres : Demonstralione) sextse œtalis libri très, ad exagitandam perfidiam et cœcitatem Judœorum ; ibid., col. 537-586. Ce traité

tendait à dissiper un préjugé hostile au christianisme. Les Juifs, toujours nombreux en Espagne, prétendaient, en s’appuyant sur les prophéties de l’Ancien Testament, que le Messie devait venir au sixième âge du monde. Or, d’après leur calcul, on n’était encore qu’au cinquième. A rencontre de cette thèse, Julien accumule les preuves scripturaires pour établir à la fois la messianité et la divinité de Jésus. Il admet d’ailleurs le principe des six âges, qu’il distingue ainsi : le 1 er, depuis Adam jusqu’au déluge ; le 2e, depuis le déluge jusqu’à Abraham ; le 3e, depuis Abraham jusqu’à David ; le 4e depuis David jusqu’à la captivité de Babylone ; le 5e, depuis la captivité jusqu’à la venue de Jésus ; le 6e, depuis la venue de Jésus-Christ, jusqu’à la fin du monde, « dont l’heure n’est connue que de Dieu seul ».- — 3° Apologeticum fidei. C’est la relation officielle ou lettre synodique du xiv° concile de Tolède, adressée à Benoît II, dont il a été question ci-dessus. Le texte même de ce document ne nous est point parvenu ; nous n’en connaissons le contenu que par les critiques et les répliques auxquelles certaines parties ont donné lieu.

— 4° Un autre Apologeticum, mentionné aussi sous le titre d’Apologia et de Liber responsionis, ibid., col. 525536, a été rédigé en réponse aux observations venues de Rome et avec la préoccupation de justifier, au point de vue de l’orthodoxie, les expressions précédemment étudiées. Il figure dans les Actes du concile de 688, qui l’approuva et le fit sien. On a d’ailleurs le déplaisir d’y rencontrer quelques expressions peu respectueuses, inconvenantes même ou injustes à l’égard du pontife romain. — 5°'AvTi>cei|J.évwv, h. e. contra posilorum sive contrariorum in speciem utriusque Testamenti locorum libri duo ; ibid., col. 587-704. C’est un essai d’explication des antinomies bibliques. Certains critiques en attribuent la paternité à Salvien, d’autres à Richard de Cluny. — 6° Commentarius in Nahum prophetam ; ibid., col. 705-658. Nous n’avons sous ce titre qu’un très court fragment où il n’est question que des quatre premiers versets du premier chapitre. Mais tel qu’il est, ce fragment nous révèle un exégète judicieux et érudit, soucieux de s’enquérir sur chaque question des opinions diverses et de les confronter entre elles. Il a été jugé digne de plusieurs rééditions. Il a trouvé place notamment dans le premier volume des Antiquæ lectiones d’Henri Canisius, Ingolstadt, 1601, et dans la collection des Patres Tolelani, t. ii, p. 268. — 7° Hisloria rebellionis Pauli adversus Wambam Gothorum regem ; ibid., col. 759-808. Il s’agit du duc Paul, gouverneur de la Gaule narbonnaise, qui, révolté, mais vaincu et captif, fut traité par son vainqueur avec une générosité peu commune. — 8° S. Ildefonsi encomium, ibid., 43, 44. — Julien s’était aussi exercé dans la poésie sacrée, mais de ses essais poétiques, rien n’est arrivé jusqu’à nous.

La source principale est fournie par la Vita Juliani de Félix, citée et caractérisée plus haut, et par les actes des divers conciles de Tolède présidés par Julien, dans Mansi, t. xi et xii. Outre les diverses histoires littéraires générales de Dupin, Fabricius, Cave, Ceillier, on consultera sur Julien les auteurs s’occupant spécialement de l’Espagne : Florez, Espana sagrada, t. vi, p. 537-540 ; Antonio, Biblioleca hispana vêtus, t. i, p. 412-123 (reproduit dans P. L.) ; Gains, Kirchengeschichte Spaniens, t. n b, 1874, p. 176-178. Travaux spéciaux : R. Hanon, De Juliano Tolclano, Iéna, 1831 ; P. Wengen, Julianns Erzbischof von Toledo, Saint-Gall, 1831. Voir aussi une excellente notice dans le Dictionary of Christian Biograpluj, àe Smith et Wace.

J. Forget.

    1. JULIEN L’APOSTAT##


JULIEN L’APOSTAT. I. Vie. II. Œuvres

(col. 1944). III. Dispositions à l’égard du christianisme (col. 1916). IV. Action religieuse (col. 1954).

I. Vie de Julien.

L’empereur Constance Chlore avait trois fils : Constantin, Hannibalien et Jules Constance. Le premier est devenu l’empereur Constantin