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1939

JULIEN D’HALICARNASSE — JULIEN DE TOLÈDE

1940

rite des écrivains ecclésiastiques orientaux de son époque, Julien d’Halicarnasse proposait sur ce point un enseignement bien proche de celui que l’Occident avait vu défendre si brillamment au siècle précédent par saint Augustin.

IV. La diffusion du julianisme en Orient. — Bien informés sur l’enseignement de Julien, nous ne le sommes presque pas sur la doctrine de ceux que les sources lui donnent comme disciples, qu’elles les appellent julianistes, gaianites ou aphthartodocètes. En effet, nous ne sommes pas à même de déterminer en quelle mesure ceux-ci avaient retenu les idées et les formules de Julien. Cette réserve faite, on peut dire que la doctrine de « l’incorruptibilité » connut en Orient un certain succès. Dès 535, le parti julianiste détient un moment, en la personne de Gaianus, le patriarcat d’Alexandrie. Cf. De sectis, Actio v, P. G., t. lxxxvi, col. 1231 ; Liberatus, Breviarium, c. xx, P. L., t. lxviii, col. 1036-1037. Dans la capitale byzantine, le julianisme reçoit dans certains cercles théologiques un accueil assez favorable pour que Léonce de Byzance croie devoir écrire contre « ceux des nôtres qui adhèrent à l’opinion corrompue des partisans de l’incorruptibilité. » Cf. Contra nestorianos et euhjchianos, t. II, P. G., t. lxxxvi, col. 1270 B. En 565, le vieil empereur Justinien veut imposer la confession de l’ottpGap-oç à tout l’Orient, mais la résistance s’organise. Le patriarche de Constantinople, Eutychius, se voit exilé dans le Pont pour avoir refusé de souscrire à l’édit impérial ; à Antioche, 195 évêques, réunis sous la présidence du patriarche Anastase, dénoncent dans la formule de Justinien une équivoque hasardeuse ; les choses en sont là, quand l’empereur vient à mouiir. Cf. Eustratius, Vila S. Eutychii, P. G., t. lxxxvi, col. 2314-2316 ; Michel le Syrien, Chronique, édit. Chabot, t. ii, p. 272-281 ; Évagrius, Hist. eccl., iv, 39, P. G., t. lxxxvi, col. 2781. Dans les couvents de Syrie et de Mésopotamie, où le terrain est sans doute préparé par les écrits de Philoxène de Mabbôgh, les idées de Julien trouvent des appuis précieux. Cf. les lettres de Sévère : aux moines d’Orient, P. O., t. xii, p. 279 sq. ; aux évêques Jean, Philoxène et Thomas, édit. Brooks, Select letlers of Severus, t. ii, p. 345-350 ; à Sergius de Cyrrhus et Marion de Sûra, ibid., p. 350359 ; voir la Plérophorie de Jean d’Antioche, dans l’Addit. 14 629, fol. 5c-24tf ; Zacharie le Rhéteur, Hist. eccl., viii, 5, édit. Brooks, part. 2, p. 81 ; H. G. Kleyn, Het leven van Johannes van Telia door Elias, Leyde, 1882, p. lvii et p. 48. Vers le milieu du vie siècle, on trouve les julianistes établis à Éphèse et étendant de là leur influence sur divers points de l’Asie. Cf. Michel le Syrien, Chronique, t. ii, p. 263-267. Vers le même temps, la puissante Église d’Arménie se déclare d’accord avec les julianistes de Syrie et les prend sous sa protection. Cf. Ter Minassiantz, Die armenische Kirche in ihrcn Beziehungen zu den syrischen Kirchen, dans Texte und Untersuchungen, neue Folge, t. xi, fasc. 4, 1904. L’Église d’Albanie, atteinte par le rayonnement de l’Église d’Arménie, est travaillée aussi par le julianisme. Cf. P. Ferhat, Des Johannes von Jérusalem Brief an den albanischen kalholikos Abas, dans Oriens christianus, neue Série, 1912, t. ii, p. 64 sq. L’Arabie et l’Ethiopie n’échappent pas non plus totalement à l’influence des idées de Julien. Cf. Michel le Syrien, Chronique, ix, 31, t. ii, p. 264. Aux viie et viiie siècles, la présence des julianistes continue d’être attestée en plusieurs régions de l’Orient : toutefois leur situation a baissé et on les voit, à Alexandrie comme à Antioche, ou bien revenir à la communion catholique, ou bien tenter des unions souvent précaires avec les sévériens. Quant à l’Occident, il paraît avoir été peu touché par le julianisme. Cf. l’art. Gaianite (Controverse), t. vi, col. 1011.

Les sources ont été indiquées dans le corps de l’article. Dans nos références aux manuscrits syriaques, la lettre en italique qui suit l’indication du folio renvoie aux pages ou aux colonnes du folio. Le Vatic. 140 est formé de folios à six colonnes (a, b, c = recto ; d, e, f = verso) ; le’atic. 135 et les Addit. 12 155, 12 158, 14 529, 14 532, 14 533, 14 629, 17 200 sont constitués de folios à quatre colonnes (a, b = recto ; c, d = verso) ; enfin les pages du Vatic.255 et de V Addit. 14 538 ne sont pas divisées en colonnes (a = recto ; b = verso).

Travaux : J. Lebon, Le monopliysisme sévérien, Louvain, 1909 ; J. C. L. Gieseler, Commentalio qua monophysilarum velerum varia ? de Christi persona opiniones… illustrantur, pars II, Gôttingue, 1838 ; G. Kriiger, Julian von Halikarnass, dans Prolest. Realencyelopàdie, 3e édit., Leipzig, 1903, t. xiii ; M. Jugie, Gaiamte (Controverse), ci-dessus, t. vi, col. 1002-1022 ; R. Draguet, Julien d’Halicarnasse et sa controverse avec Sévère d’Antioche sur l’incorruptibilité du corps du Christ, Louvain, 1924, on trouvera dans cet ouvragela bibliographie spéciale du présent art. p. 263266 ; J. Maspero, Histoire des patriarches d’Alexandrie (518616), Paris 1923.

R. Draguet.

    1. JULIEN DE TOLÈDE (Saint)##


JULIEN DE TOLÈDE (Saint), évêque de Tolède de 680 à 690. I. Vie. II. Écrits.

I. Vie.

Julien de Tolède est, parmi les rares théologiens du vii° siècle, un des meilleurs. Il appartient à cette illustre lignée d’évêques espagnols au premier rang de laquelle brillent Isidore de Séville, Ildefonse de Tolède et Braulio de Saragosse. De sang juif, mais né de parents chrétiens, il trouva à Tolède, pour le former à la science en même temps qu’à la piété, un maître vertueux et instruit, celui qui, sous le nom d’Eugène II, fut le prédécesseur immédiat de saint Ildefonse et qui nous a laissé la preuve de son talent d’écrivain dans les Dracontii elegise, sans parler d’autres compositions poétiques moins importantes et de quelques lettres. Julien eut comme compagnon d’études le diacre Gudila, auquel il resta toujours uni par les liens d’une étroite amitié. Il avait d’abord songé, suivant son propre témoignage, à embrasser avec son ami l’état monastique. Mais empêché ou détourné de ce dessein, nous ne savons par suite de quelles circonsrances, il entra dans la cléricature, reçut l’ordination sacerdotale, et, à la mort de l’archevêque Quiricus, en 679, fut élu à sa place. Sa consécration eut lieu en 680.

Pendant son épiscopat, qui ne dura que dix ans, il déploya une grande et féconde activité. C’est sous sa présidence que se tinrent, en 681, 683, 684, 688, les XII e, XIII e, XIVe et XVe concile de Tolède. Malheureusement, les deux premiers, convoqués par ordre de l’ambitieux Erwige, qui venait de détrôner Wamba, durent s’occuper principalement de questions politiques. Celui de 681, obligé de s’incliner devant le fait accompli, reconnut l’usurpateur. Dans celui de 683, une décision fut admise qui amnistiait et réhabilitait complètement, outre le duc Paul, commandant de la Gaule narbonnaisc, tous les complices de sa révolte contre Wamba, leur souverain légitime.

Les deux autres assemblées présentent un caractère plus ecclésiastique. Les dix-sept évêques qui, avec les députés des métropolitains de Tarragone, Mérida, Narbonne, Braga et Séville, se trouvèrent réunis en novembre 684, répudièrent solennellement le monothélisme ; ils admirent comme « définition œcuménique » le décret du IIle concile de Constantinople, dont le texte leur avait été transmis par le pape Léon II. Ils avaient d’abord fait difficulté d’admettre l’œcuménicité de ce concile, parce que l’épiscopat espagnol n’y avait assisté ni dans la personne d’un de ses membres, ni par représentants ; en déclarant ensuite se rallier unanimement à la condamnation conciliaire, ils prétendaient se fonder sur l’examen et la constatation préalable de sa conformité avec les définitions antérieures. Leur décision fut, sous forme de mémoire ou décret synodique, transmise au souverain pontife.