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JULIEN D’HALICARNASSE


lequel, en fait, l’homme fut créé par Dieu, Julien admettait au contraire qu’Adam était àçOapTOç avant le péché, et que la <p60pdc, sans racines dans la nature, ne s’y était introduite que du dehors, roxpà çûaw, à la suite du péché.

On voit à quelles oppositions devaient mener ces principes, lorsque se posa la question de savoir si le Verbe incarné avait été (pOapxoç, 7ra0ï]x6ç et 6V/)tôç avant la résurrection. Sévère, pour qui ces termes exprimaient simplement l’état de celui qui est naturellement apte à se corrompre, à souffrir et à mourir, trouva obvie et nécessaire de répondre que le Verbe incarné, àcpGoepTOç, àrcaQ-qc, et à0âva-roç comme Dieu, était devenu, par l’incarnation, çGapxoç, toc6t]t6ç et 0v/)t6ç. Julien, au contraire, qui concevait la <p90pâ comme étant essentiellement un état de péché, devait soutenir que jamais, et aussi bien avant qu’après la résurrection, le Christ, tout consubstantiel qu’il fût avec nous, n’avait été çOapxiç, et il vit dans la naissance virginale le moyen grâce auquel Dieu, en se faisant homme d’une nature déchue, avait échappé à la contagion universelle. Quant aux termes TraG^xôç et 0vy)t6ç, il admit qu’ils étaient applicables au Christ, mais seulement en tant que celui-ci avait, de fait, éprouvé les souffrances et la mort et nullement en ce sens qu’il les aurait subies à la façon du TraS^TÔç et 6vy)t6ç ordinaire, ou çOocproç, à qui elles s’imposent comme châtiment du péché de nature ; en ce dernier sens, en effet, le Christ n’était pas un 7t<x6y]t6ç et un 6vt)t6ç. C’est pour mettre en relief cette idée, capitale à ses yeux, que Julien écrivait que le Sauveur, à71a0Y|ç comme Dieu, était, dans les souffrances mêmes, nontox 6ï]t6ç ou à7Ta0r)ç comme homme. On ne croira pas pour autant que l’évêque d’Halicarnasse, confondant toutes les notions, enseignât que le Sauveur avait, dès l’union, doté sa chair des propriétés de sa divinité ; il distinguait parfaitement, au contraire, 1’am16Et, a ou impassibilité qui convenait au Christ en tant que Dieu et la prérogative, qu’il appelait aussi ànâQzux, en vertu de laquelle le Christ comme homme ne souffrait pas en châtiment du péché de nature à la façon du 7ta0ï)TOÇ ordinaire ou cpôapxdç : il croyait seulement avoir trouvé une formule heureuse pour exprimer la situation unique faite au Christ dans les souffrances. De même, par crainte qu’on assimilât complètement les souffrances du Christ à celles que subissent ceux qui, en vertu de leur appartenance à la nature commune, <pûcnç xotvrj, vivent sous le régime du péché de nature, Julien ne voulait pas qu’on les appelât sans plus des souffrances « naturelles », 7tâ0y) çooixde ; les désignant par leur trait spécifique, il préférait les appeler souffrances « volontaires », 7râ0r) éxoûaioc, entendant marquer ainsi que, à la différence de ce qui se passe chez les <p0ap-rot, les souffrances et la mort ne s’étaient pas imposées au Christ indépendamment de sa volonté. Extérieurement, le Christ souffrant et mourant n’avait pas paru différent d’un homme ordinaire, d’un çôxpxôç ; la réalité avait cependant été bien différente : le Christ avait souffert d’une manière entièrement volontaire, parce que, n’ayant pas contracté le péché de nature, il n’avait pas dû payer pour lui-même le châtiment de ce péché. Avec ce dernier point, nous touchons à une idée également chère à Julien : c’est parce que le Christ n’avait pas dû subir la mort pour lui-même, expliquait-il, qu’il avait pu offrir sa mort pour la rédemption du monde ; c’est parce que Jésus n’avait pas été soumis à la tyrannie du péché qu’il avait pu écraser la puissance du péché En d’autres termes, Julien rattachait à l’àcpOapata du Christ la puissance que celui-ci avait eue de conférer à sa passion une valeur rédemptrice.

Telle est, esquissée à grands traits, la doctrine de 1’ « incorruptibilité », — pour être exact et éviter

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

toute équivoque, il faudrait dire i l’incorruption », ou conserver le terme grec àcpÔapena — telle elle se dégage des textes authentiques de Julien. Le corps du Christ (5tep0apTOv dès l’union, à71a6éç et àOdes/axov dans les souffrances de la passion ! Remises dans leur contexte, ces formules n’expriment rien de contraire à la foi. Cependant leur allure paradoxale fut fatale à la mémoire de Julien, car elles fournirent prétexte aux adversaires de l’évêque pour attribuer à celui-ci les hérésies les plus radicales. On s’en arma pour faire de l’évêque d’Halicarnasse un eutychien, un négateur de la consubstantialité du Christ avec nous, un homme qui avait osé soutenir, après cinq siècles de christianisme, la vieille théorie docète qui n’accordait au Christ qu’une apparence de corps ; on prétendit y trouver la preuve que Julien avait nié la réalité de la passion et de la résurrection et, conséquemment, avait ruiné le fondement de la rédemption. Les écrits antijulianistes de Sévère, au moins les plus tardifs, sont déjà remplis d’invectives de ce genre et bientôt la tradition monophysite comprit à la lettre des accusations qui, dans les ouvrages du patriarche, relevaient surtout du procédé littéraire. Comme, par ailleurs, les diophysites englobaient facilement tous les monophysites sans distinction dans l’accusation d’eutychianisme, l’évêque d’Halicarnasse devint rapidement pour tout le monde le type achevé de l’eutychien.

C’était là une grave méprise. Les historiens modernes y tombèrent également, pour avoir rebâti la christologie de Julien d’après les données des écrivains byzantins ; celles-ci, en effet, ne permettent pas de soupçonner le sens que Julien attachait au mot açôocpxoç. Persuadés qu’en attribuant au Christ une àçOapatoc perpétuelle, Julien avait accordé au Sauveur, dès le premier instant de l’union, un corps divinisé et naturellement incapable, sauf miracle, de s’altérer en éprouvant la souffrance et la mort, ceux qui admettaient que le monophysisme trouve son aboutissant logique dans l’eutychianisme estimèrent que Julien avait été plus conséquent que Sévère avec les principes monophysites qu’ils étaient tous deux d’accord à professer. A. Harnack va plus loin : remettant le julianisme, reconstitué de cette fausse manière, dans le cadre de sa théorie de la sotériologie grecque, il voit en Julien le théologien qui, plus hardi que les Pères dans la voie que ceux-ci avaient tracée, a délibérément élaboré la christologie en dépendance de l’idée que la tradition la plus authentique se serait faite de la rédemption le salut ayant été conçu par les Pères grecs comme la purification par le contact de la divinité de la nature corrompue, il était logique d’admettre que c’est dès son premier contact avec l’humanité corrompue, c’est-à-dire dans l’acte de l’union et non par la résurrection, que le Christ avait rendu cette humanité incorruptible en sa personne et racheté ainsi, principiellement, tout le genre humain. Lehrbuch der Dogmengeschichte, 4e édit., t. ii, p. 410412. Cette interprétation du julianisme est aussi caduque que le fondement sur lequel elle est Lâtie. En effet, pour Julien, le Christ açOotp-roç dès l’union, ce n’était pas le Christ cessant d’être notre consubstantiel et transformant en une humanité glorieuse, dès le premier instant de l’union, la chair qu’il avait prise de la Vierge ; c’était le Christ parfaitement consubstantiel avec nous, mais préservé de la souillure originelle ; le Christ naturellement capable de souffrir et de mourir, mais souffrant et mourant librement, parce qu’il échappait à la tyrannie du péché et de la mort, et rendu capable, par là-même, de conférer aux souffrances de sa passion une valeur rédemptrice. Pour l’historien des doctrines, le grand intérêt du julianisme est ailleurs, nous voulons dire dans la doctrine du péché de nature : en effet, contrairement à la majo VIII. — 62