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JULIEN D’HALICARNASSE


du julianisme nous reporte aux temps de la résistance que le parti influent des monophysites opposa en Orient aux décisions doctrinales du concile de Chalcédoine. Rallié à ce parti, Julien fut mêlé aux troubles fomentés à Constantinople vers 510 par le moine Sévère, le futur titulaire du siège d’Antioche, contre le patriarche Macédonius, un chalcédonien. Ce renseignement, qui nous est fourni par Théodore le Lecteur, constitue à peu près tout ce que nous savons de l’activité de l’évêque d’Halicarnasse avant sa querelle avec Sévère. Cf. M.-A. Kugener, Vie de Sévère par Jean, supérieur du monastère de Beïlh-Aphlhonia, texte syriaque publié, traduit et annoté, suivi d’un recueil de fragments historiques syriaques, grecs, latins et arabes relatifs à Sévère, dans Patrologia orienlalis, Paris, 1904, t. ii, p. 363.

Les débuts du règne de Justin I" (518) marquèrent une réaction en faveur du parti des diophysites. Devant les mesures prises par l’empereur pour assurer le respect de la définition de 451, nombre de monophysites orientaux, évêques et moines, abandonnèrent leurs sièges et leurs couvents pour se réfugier en des contrées où les édits impériaux avaient chance d’être moins efficaces. Parmi ces fugitifs figuraient Sévère, patriarche d’Antioche depuis six ans, et Julien, évêque d’Halicarnasse ; ils se retrouvèrent en Egypte, aux environs d’Alexandrie, sous la protection du patriarche Timothée IV, monophysite lui aussi.

Réfugiés en Egypte, les exilés n’abandonnèrent pas la défense de la cause pour laquelle ils se voyaient bannis, et c’est précisément au cours d’une controverse avec les diophysites que l’évêque d’Halicarnasse fut amené à soutenir que le corps du Christ avait été âçOapxov aussi bien avant qu’après la résurrection. La question de la perpétuelle àçOxpata du corps du Sauveur avait déjà été soulevée à Constantinople vers 510. En nous informant du fait, Sévère nous apprend qu’il s’était lui même rangé au parti qui attribuait la corruption au Christ avant la résurrection et qu’il avait publié à cette occasion un florilège patristique qui avait mis fin à la controverse. Le débat qui se rouvrait en Egypte n’était pas destiné à se calmer aussi aisément : il devait donner lieu à la composition d’ouvrages de polémique importants et nombreux et aboutir finalement à diviser les monophysites en deux factions ennemies, les julianistes et les sévériens.

Pour abattre l’opposition que rencontraient ses idées, Julien rassembla et commenta dans un premier ouvrage, le Tome, un ensemble de textes patristiques qu’il jugeait favorables à son opinion et, dans l’intention de concilier à la cause qu’il défendait l’appui d’une autorité unanimement respectée chez les monophysites, il envoya cet ouvrage à Sévère avec une lettre d’accompagnement. Comme nous l’avons dit, le patriarche avait soutenu, dix ans plus tôt, le parti de la corruptibilité ; l’ouvrage de Julien ne le fit pas changer de sentiment : lecture faite, il donna raison aux adversaires de l’évêque. Toutefois il ne manifesta pas immédiatement son désaccord à l’auteur du Tome et c’est seulement cinq mois après la réception de l’ouvrage, temps qu’il avait consacré à en composer une Critique, qu’il adressa à Julien une première réponse dilatoire. Celui-ci répondit aussitôt à cette première lettre en réclamant d’urgence l’envoi de la Critique. Mais, sur ces entrefaites, le patriarche apprit que son correspondant avait donné au Tome un commencement de publicité, en Egypte et ailleurs : il s’en plaignit à l’évêque dans une deuxième lettre. De son côté, Julien parvint à se procurer la Critique que Sévère avait différé de lui envoyer et, dans une troisième lettre, il accusa le patriarche d’avoir publié une réfutation du Tome sans la communiquer au principal intéressé. C’était la rupture entre les deux amis ! Sévère adressa

à Julien une troisième et dernière lettre ; elle réfutait les accusations de l’évêque et, abordant la question de doctrine, elle entamait, en résumant la Critique, la discussion des opinions de Julien. Pour faire échec à la propagande que menait l’évêque d’Halicarnasse en faveur de ses idées, le patriarche prit soin de répandre sa Critique et sa Troisième lettre à Julien ; de plus, à l’intention sans doute de ceux qui n’auraient pas le loisir de lire ces deux pièces d’étendue considérable, il composa une Réfutation des Propositions de Julien, sorte de tract qui répondait sommairement aux huit Propositions dans lesquelles Julien, à la fin du Tome, avait condensé les principaux articles de sa doctrine.

L’évêque d’Halicarnasse continua la lutte par la publication de nouveaux écrits.. Il ajouta d’abord au Tome un ensemble de notes, les Additions, destinées à préciser certaines de ses affirmations et à écarter les interprétations erronées auxquelles ses formules avaient donné lieu ; ainsi enrichi des Additions, le Tome connut une sorte de seconde édition. Julien entreprit ensuite la composition d’un grand ouvrage en réponse à la Critique, YAdversus blasphemias Severi, divisé en dix tomes, et il écrivit une Apologie, que les sources connaissent aussi sous le titre de Discours contre les manichéens et les eutychiens. Comme on l’a vii, il ne reste de ces ouvrages qu’un certain nombre de fragments.

Sévère ne laissa pas sans réponse ces nouvelles attaques. Il composa une réfutation de la seconde édition du Tome et réfuta l’Apologie de Julien dans un ouvrage partagé en deux traités, le Contra Additiones et l’Adversus Apologiam Juliani Quant à YAdversus blasphemias Severi, qui ne fut sans doute publié complètement qu’après l’apparition de Y Apologie, nous ignorons si Sévère lui consacra une réfutation spéciale ; certains indices permettent de penser que le patriarche en critiqua les thèses dans un ouvrage postérieur à ceux que nous venons d’énumérer, le Contra Felicissimum, dont nous ne connaissons plus que quelques fragments. Enfin, dans Y Apologie du Philalèthe, Sévère rencontra longuement l’accusation, formulée contre lui par Julien et ses partisans, d’avoir lui aussi défendu autrefois la thèse de l’àcpOapena, notamment dans le Philalèthe, ouvrage qu’il avait opposé vers 510 à Constantinople à ceux qui soutenaient que le diophysisme chalcédonien pouvait légitimement se réclamer de l’enseignement de saint Cyrille d’Alexandrie.

Ainsi qu’il est mentionné dans une note du Valic. syr. 140, fol. 146, Paul de Callinice traduisit du grec en syriaque à Édesse, en 528, les ouvrages antijulianistes de Sévère dont nous avons parlé, depuis sa correspondance avec l’évêque jusqu’à Y Apologie du Philalèthe. C’est dire que la période active de la controverse qui s’était ouverte vers 520 ne se prolongea pas sensiblement au delà de 527, du moins en ce qui regarde les deux protagonistes de la querelle. Sévère mourut en Egypte le 8 février 538 ; une de ses lettres, que nous ne pouvons dater, parle de la mort de Julien comme d’un événement déjà accompli. Comme, par ailleurs, l’évêque d’Halicarnasse était déjà un vieillard en 520, on peut admettre comme vraisemblable qu’il ne vécut pas longtemps après 527 ; nous ne pouvons préciser davantage la date de sa mort.

III. Les doctrines.

Sur la foi d’une longue tradition, on a généralement rangé Julien d’Halicarnasse au nombre des monophysites eutychiens ou affirmé, tout au moins, que sa christologie avait subi l’influence de la pensée eutychienne. Julien, pensait-on en effet, n’avait pu attribuer au corps du Sauveur l’àçôocpata ou incorruptibilité dès avant la résurrection qu’en admettant que le Verbe avait transformé essentiellement, dans l’acte même de l’union, les propriétés de l’humanité qu’il s’était formée dans le sein de la