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JOB (LIVRE DE). INTERPRÉTATION

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Du nombre de mes pas je lui rendrai raison, C’est en prince que je l’accueillerai. » xxxi, 35-37. Dieu ne daigne pas « répondre » encore….

Cependant, le spectacle de Job assis sur le monceau de débris entassés aux portes de la ville et la discussion passionnée qui s’est élevée entre lui et ses amis sur la cause de ses souffrances, ont attiré nombre de curieux. Cf. xvii, 6 ; xviii, 2 ; xxx, 1 sq. Ceux-ci n’ont pu que s’émouvoir vivement de la fière et impérieuse sommation faite à Dieu d’intervenir et de l’assurance avec laquelle l’orateur principal soutient son droit malgré toutes apparences contraires. Or, voici que se lève du milieu d’eux Elihu le Buzite, jeune homme par comparaison avec les interlocuteurs, mais qui pense avoir quelque chose à dire et le dit après mainte précaution oratoire, xxxii, 6-xxxiii, 7 :

« Les têtes grises ne sont pas les plus sages,

Ni les vieillards ceux qui jugent le mieux. »

Ceci à l’adresse des amis. — Quant à Job, "qui se dit parfaitement juste, xxxiii, 8-11, qui dispute sur l’énigme de ses souffrances, xxxiii, 13, qui accuse Dieu d’injustice, xxxiv, 5-6 et xxxv, 2-3, et qui ose le provoquer à discussion :

« Alors, parce que sa colère n’a point sévi,

Parce que Dieu n’a souci d’une telle démence,

Job ouvre sa bouche, comme à loisir,

Et profère en déraison des mots audacieux. » xxxv, 15-16.

Voici : juste, Job l’était avant que ne vinssent ses amis ; depuis, il ne l’est plus : il a commis le péché d’orgueil, ce péché du juste, xxxiii, 17 ; xxxvi, 7-12. C’est précisément pour l’amener à reconnaître ce péché qui sommeille en lui, et pour l’en purifier, que Dieu l’éprouve par la souffrance, xxxiii, 13-33 ; xxxvi, 5-24 :

« Il ne se dispense point de juger les justes…

Il leur manifeste ce qu’ils ont fait,

Leurs fautes, qui ne sont qu’orgueil…

Il libère le souffrant par sa souffrance,

Et se révèle à lui par l’affliction.

Ainsi te veut-il hors de l’angoisse… xxxvi, 7, 9 ; 15-16.

Quant à dire que Dieu n’est point juste, il suffit pour établir le contraire de considérer son action en ellenu-me, xxxiv, ou de l’envisager à travers l’expérience humaine, xxxv….

Or, la leçon a porté et a pénétré, car invité deux fois au moins à répondre, xxxiii, 32 ; xxxiv, 33, Job est resté muet….

Mais n’a-t-il pas cité Dieu lui-même à comparaître en jugement ? L’événement pourrait ne tarder pas, patience, xxxv, 14. Elihu voit un orage s’élever à l’horizon et le décrit, au fur et à mesure qu’il s’approche, pour donner une idée de la grandeur et de la majesté divines offensées, xxxvi, 26 ; xxxvii, 24. Il en est ému et surpris comme les autres :

« Oui, mon cœur en frissonne

Et bondit hors de sa place :

Écoutez, comme son tonnerre gronde,

Et quel murmure sort de sa bouche ! … xxxvii, 1-2.

« Voici, du Nord, une lueur,

Dieu se cache en terrible éclat.

Schaddaï, nous ne pouvons l’atteindre,

Haut en puissance, riche en justice,

A jugement équitable il ne défaut.

Aussi les humains le doivent-ils craindre,

Et nul sage ne tient devant lui. » xxxvii, 22-24.

La scène est tout à fait dramatique, et le coup de théâtre se produit : « Alors Jahvé répondit à Job du milieu de la tempête, et dit :

« Qui donc oblitère ici l’ordre du monde

Avec des mots sans intelligence ?… xxxviii, 1-2. »

Dieu n’a plus à justifier sa providence à l’égard de

Job, car Elihu l’a fait. Ses discours, répondant à l’arrogance par l’ironie et le blâme, n’ont pour but et pour effet que d’amener Job à l’humilité et à la soumission, par l’exposé magnifique de la nature de l’Etre divin considéré dans ses attributs de sagesse et de puissance manifestés par et dans la création, xxxvin, 4 ; xxxix, 30 ; xl, 15-xli, 24. Et le coup final est asséné de main de maître :

« Le chicanier, qui veut plaider contre Schaddaï !

Que là-dessus réponde l’accusateur de Dieu.

Veux-tu donc anéantir mon droit,

Me condamner, pour assurer le tien ?

Ou bien ton bras égale-t-il celui de Dieu,

Et ta voix tonne-t-elle comme la sienne ?…

Pare-toi donc de hauteur et de grandeur,

Revêts-toi d’éclat et de magnificence !

Fais jaillir les accès de ta colère :

Si tu vois un orgueilleux, courbe-le…

Écrase sous toi les malfaiteurs,

Réduis-les tous à la poussière…

Alors, moi aussi je dirai ta louange,

Et que ta droite t’a donné la victoire ! » xl, 2, 8-9 ; 10-14.

Job enfin s’humilie et reconnaît qu’il a péché et dans ses discours et dans ses prétentions. Il fait pénitence. ..

« Vois, trop peu je suis : que te répondre,

Sinon mettre ma main sur ma bouche ? Une fois j’ai parlé et ne le ferai plus, Deux fois, et ne l’essayerai plus… Je sais que tu peux tout Et que rien ne t’est interdit ; J’ai donc discouru sans discernement De mystères dont je ne savais rien. Je n’avais appris de toi que par ouï-dire, Mais maintenant que je t’ai vu de mes yeux, Je rétracte mes arguties (ou insolences) Et me repens sur la poussière et la cendre. » xl, 4-5 ;

xlh, 2, 3b, 5 Dieu lui rend sa grâce et l’appelle son « serviteur » comme auparavant. Job seul au cours du débat a parlé « selon la vérité » de ses amis, de sa justice, surtout de l’espoir qu’il mettait en Dieu, xix, 25 sq., nonobstant son orgueil. Les amis sont blâmés et Job doit intercéder pour eux, xlii, 7-9. Celui-ci, sans avoir rien su des conventions faites entre Jahvé et le sâtân avant toutes ses épreuves, reçoit consolation des siens et recouvre tout ce qu’il a perdu, xlii, 10-17.

IL Interprétation. — L’enseignement parénétique qui fait le sujet principal du livre de Job et qui vient d’être exposé semble fort clair : « La souffrance doit purifier Job de l’orgueil spirituel dans lequel il est en danger de tomber et contribuer à l’affermissement et à la confirmation de sa justice. D’une façon plus générale : Dieu envoie la souffrance au juste pour le purifier de ses imperfections intérieures, dont la principale est l’orgueil caché ; il n’est pour le juste que de bien comprendre cette manifestation divine dans la souffrance et de se soumettre à ce providentiel dessein. » Or cette idée maîtresse du livre, les anciens ne se sont guère préoccupés de la rechercher et de la mettre en relief ; ils se sont contentés de voir en Job un modèle de patience dans l’adversité, modèle que doivent imiter les chrétiens. Cette vue qui est incontestablement celle des deux premiers chapitres, ils ont voulu la retrouver dans tout le livre, en interprétant au sens allégorique et mystique nombre de passages ou de traits du livre. Voir Knabenbauer, Comme nlarius in librum Job, Paris, 1886, p. 28-32, et F. Vigouroux, Dictionnaire de la Bible, Paris, 1912, t. iii, col. 1568 (F. Prat). En réalité, la patience de Job prend fin au c. ni avec ses imprécations contre l’existence. Il en est de même, aux c. xl, 4-5 et xlii, 2-6, de sa parfaite justice affirmée dans les c. i et n seulement, et par Ezech.. xiv. 14.20,