Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/259

Cette page n’a pas encore été corrigée

192"

JULIEN D’ECLANE

1928

d’amitié avec Paulin de Noie et avec Augustin d’Hippone, qui lui écrivait et lui envoyait volontiers ses livres.

Julien montra de bonne heure les plus brillantes dispositions pour toutes sortes de savoir. Il étudia, sous la direction de son père, les grands auteurs latins, prosateurs, poètes, orateurs, historiens, philosophes, qu’il se lendit familiers au point d’en faire plus tard un fréquent usage. Il apprit aussi le grec et il s’initia avec succès à la plupart des autres connaissances de l’époque. Son goût et son habileté pour la dialectique, comme son humeur disputeuse, étaient dès lors spécialement remarquables. Il se destina d’abord au monde et se maria, jeune encore, vers 403. Son union avec Titia, une descendante des Paul-Émilc, fille d’Emile de Bénévent, fut honorée d’un épithalame par l’aimable évêque de Noie. Mais sa femme paraît n’avoir guère survécu à leur mariage. Du moins n’en est-il plus fait mention dans la suite, et Julien est encore qualifié adolesccns en 408, alors qu’il remplissait auprès de son père les fonctions de diacre. Augustin, qui avait entendu vanter ses mérites, désirait beaucoup le voir et l’entretenir, et il pria Mémorius de le lui envoyer. Julien fit, en effet, un séjour de quelque temps à Cartilage : mais bientôt il fut, peut-être en remplacement de son père, élevé à l’épiscopat. Le pape Innocent le consacra évêque d’Éclane. Il jouissait dès lors d’un tel renom de science qu’avant sa défection on le rangeait, dit Gennade, parmi les docteurs de l’Église. Parvenu à cette haute situation, il ne répondit pas aux espérances de ses amis et de ses protecteurs : en dépit de ses relations et traditions de famille, il ne tarda pas à manifester des sympathies pour les doctrines que Pelage et Célestius répandaient de tous côtés. Il semble bien avoir été à Rome en contact personnel avec Pelage durant les années de ses premières études. Il se tut lorsque Innocent I er, le 27 janvier 417, approuva les condamnations portées par les Africains contre les doctrines pélagiennes. Mais l’année suivante, après la confirmation solennelle de ce jugement par YEpislola tracloria de Zosime, il entra graduellement en scène. Dans deux lettres successives adressées au pape, il essaya d’abord, soutenu par dix-sept autres évêques d’Italie et de Sicile, d’obtenir des concessions et de s’assurer ainsi une position mitoyenne. Il répudiait, dans les ternies équivoques dont Pelage lui-même se servait, les principaux articles du pélagianisme : en même temps, il regrettait et désapprouvait la condamnation des personnes, comme prononcée sans que celles-ci eussent été entendues, et il rejetait en outre plusieurs propositions attribuées, à tort ou à raison, à saint Augustin. Zosime n’admit ni tergiversations ni atermoiements ; il exigea la souscription pure et simple a sa Tractoria, et, sur le refus qui lui fut opposé, il porta contre l’évéquc d’Éclane et tous ceux qui le suivaient une sentence d’excommunication et de déposition, à laquelle l’empereur Honorius ajouta la peine de l’exil. Marins Mercator, Coirtmonitorium, iii, 1, P. L., t. xlviii, col. 1° 1 sq. Les proscrits s’entêtèrent et décla rèrent en appeler de la décision du Siège apostolique au futur concile.

A partir de ce moment, nous voyons Julien mener une vie cirante et le plus souvent misérable. Vainement essaya-t-il de trouver pour lui et ceux qu’il I rainait a sa suite, un refuge et un appui chez l’évêque de Thessalonique, Rufus, auprès de qui il avait plaidé sa cause par une longue lettre habilement rédigée. Des tentatives analogues n’eurent pas plus de succès auprès d’Atticus de Constantinople ; il en fut de même a Alexandrie, à Jérusalem, à Antioche. Seul, l’évêque de Mopsueste, Théodore, lit bon accueil au révolté, qui

put aller s’installer la avec ses compagnons d’obstination et d’infortune. M. Mercator, Excerpta Thcodori

Mopsuesteni. prsefat., ibid., col. 1042. Encore plusieurs de ceux-ci l’abandonnèrent-ils bientôt, pour revenir à la foi romaine et rentrer dans leurs Eglises. Quelque dix ans plus tard, en 428 ou 429, nous retrouvons Julien à Constantinople, espérant tirer parti des changements politiques et s’agitant beaucoup pour s’insinuer dans les bonnes grâces de l’empereur Théodose et de Nestorius, le nouveau patriarche ; mais ici encore ses efforts échouèrent, et il fut obligé, par ordre supérieur, de sortir de la ville impériale. Sa situation empira après le concile d’Éphèse (431), où le pélagianisme fut une fois de plus condamné. Sous le pontificat de Xyste III, et vraisemblablement vers 439, si nous en croyons la Chronique de Prosper d’Aquitaine, voir P. L., t. Li.col. 598, il tenta, mais en pure perte de rentier dans la communion de l’Église. Il séjourna ensuite quelques mois dans l’île de Lérins auprès de Faustus, qu’il gagna plus ou moins à certaines de ses idées. Rentré en Italie après la mort du pape Xyste, il en fut derechef banni par saint Léon. Enfin, il fut réduit, pour vivre, à se faire maître d’école dans un petit bourg de Sicile. On n’est pas d’accord sur la date de sa mort : Gennade la place sous Valentinien III, c’est-à-dire avant 455 ; suivant d’autres, il aurait vécu assez vieux pour être encore contemporain de saint Fulgence et mentionné comme tel par celui-ci.

II. Ecrits.

Exilé, errant, accablé de privations et de misère, Julien n’en continua pas moins à défendre les doctrines pélagiennes avec la dernière opiniâtreté. A la différence de ses deux devanciers, Pelage et Célestius, il ne chercha point à voiler sa pensée, par de vaines subtilités, par des réticences ou des équivoques ; à ce point de vue, on doit lui reconnaître le mérite de la franchise.

Cette attitude est nettement accusée dans tous ses écrits postérieurs aux deux lettres à Zosime, où il visait encore à quelques ménagements. Nous la constatons dans l’éloquent plaidoyer envoyé à Rufus de Thessalonique dès l’hiver de 418-419, plaidoyer par lequel au « manichéisme » de ses adversaires, Julien prétend opposer cinq vérités catholiques, à savoir : que tout homme est créé par Dieu, que c’est Dieu qui a institué le mariage, que la loi nous achemine au salut, que nous sommes tous doués de volonté libre, que le baptême renouvelle et amplifie nos forces. Même doctrine et même netteté dans une lettre communiquée sous le manteau vers la fin de 419, à tous les allidés de Rome et de l’Italie et qui ne vint que plus tard à la connaissance du pape Boniface. Ces deux lettres nous sont connues par la réfutation qu’en fit saint Augustin. Noir plus loin. Même sincérité encore dans une autre lettre au puissant comte Valère, gouverneur de Ravenne, qu’on eût voulu détacher du parti « africain » et faire passer du côté des novateurs, lui fin et surtout les idées arrêtées du sectaire et son acharnement à les défendre parurent au grand jour dans sa longue polémique avec l’évêque d’ilippone.

Augustin, en effet, apprenant qu’il était accusé auprès du comte Valère de diffamer le mariage, repoussa cette accusation, en 419, par le premier livre de son ouvrage De nui>tiis et concupiscentia. Julien y répliqua incontinent dans les quatre livres Ad Turbuntium, c’est-à-dire dédiés à son collègue Turbantius, proscrit comme lui

C’est dans l’ouvrage en question qu’entraîné par la logique de l’erreur, le champion de la secte pélagienne pose avec une incroyable netteté le principe même du rationalisme, en subordonnant toute croyance et toute autorité à la raison : Ciun it/itur liquida clarcat hanc sanam et veram esse sententiam quant primo loco ratio, deinde Scripturarum munivit auctoritas et quant sanctorum virorum semper celebravit erudillo, qui lamen veriUdi tiuetoritalein non SUO Iribuere consensu, sed testi-