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1911
1912
JUIFS [CONTROVERSES AVEC LES), DE 1789 A NOS JOURS


Institutiones théologien-, Mayence, 1819 ; nouv. édit., Tournai. 1850. — G. Frémont, Jésus-Christ attendu et prophétise, Paris, 1888-1889, 2 vol. (sermons) ; Les principes, Paris, 1912, t. xi. — Abbé de Broglic, Questions bibliques, publiées par C. Piat, Paris, 1897, p. 244-380 (lis prophéties). — J. Touzard, Comment utiliser l’argument prophétique, Paris, 1911 (extrait de la Renie du clergé français, Paris, 1908, t. lvi, p. 513-548) ; L’argument prophétique, dans la Revue pratique d’apologétique, Paris, 1907-1909, t. v, p. 757-772 ; t. vi, p. 906-933 ; t. vii, p. 81-110, 731-750. — M. J. Lagrangc, Le messianisme chez les Juifs, Paris, 1909.

2° Le caractère des écrits. — Les traités écrits directement et exclusivement à l’adresse des Juifs deviennent rares. Les Juifs sont englobés dans l’ensemble de la démonstration chrétienne et catholique. Il va sans dire que les Juifs convertis visent d’abord leurs anciens coreligionnaires quand ils publient le récit de leur conversion ou des livres de discussion religieuse.

Le contenu des écrits.

— 1. Partie positive de la

controverse. — a) L’argument prophétique. — Trop souvent il s’est réduit à l’étude d’un petit nombre de textes, coupés du contexte et détachés du cadre dans lequel ils prennent leur signification véritable. Une cause en est le manque d’espace dans ces traités De vera religione où il faut faire court pour ne pas allonger outre mesure une démonstration complexe. Ainsi étriqué, l’argument perd de sa force probante. Trop souvent encore on l’étaye sur une exégèse défectueuse. L’abbé de Broglie, le P. Lagrange, J. Touzard, etc., ont montré que l’argument devait être mis au point ; il est, grâce à eux, en voie de bénéficier du progrès des études bibliques.

b) Le fait de l’Église. — L’argument prophétique profite aussi des travaux qui ont placé en belle lumière le fait de l’Église, « témoignage irréfragable de sa divine mission, » comme s’exprime le concile du Vatican, de l’Église dont la vie merveilleuse découvre le sens des annonces prophétiques de l’Ancien Testament et de tout le passé juif. Il n’est pas besoin d’être grand docteur pour le comprendre. Ce pauvre Lœwengard fut conquis par la vision de la « magnificence de l’Église éternelle, » cf. La splendeur catholique, c. xviii, p. 159-199, et il a trouvé des accents émouvants pour appeler les âmes « vers Celle qui détient le trésor des magnificences : la sainte Église catholique, apostolique et romaine. » Les magnificences de l’Eglise, p. iv.

c) Nécessité des dispositions morales. — Ici encore se marque un progrès notable. Dans l’ordre théorique, l’enseignement des anciens controversistes sur la nécessité de ces dispositions, pour atteindre les vérités qui entraînent des obligations morales, a été corroboré, renouvelé, élargi par L. Ollé-Laprune, La certitude morale, Paris, 1880, et par toute une série de travaux qui lui ont fait cortège. Dans l’ordre pratique, on s’est mis résolument en face des difficultés qu’il y a, pour un juif, â quitter la religion de ses pères. Cf. la correspondance entre Lombroso et Gonsoni, Démonstrations évangéliques, t. xviii, surtout p. 451-100 ; Drach, De l’harmonie, 1. 1, p. 66 ; [J. B. Pitra ], Vie du 11. P. Libermann, Paris, 1855, p. 42-43 ; les frères Lémann, La cause, p. 78 ; Annales de lu mission de Notre-Dame de Sion en Terre sainte, Paris, 1912, n. 127, ]>. 6, etc. De tout temps on avait prié pour obtenir aux Juifs la grâce qui triomphe des obstacles. On a organisé (les œuvres de prière, en y

ajoutant des ((livres d’expiation et d’éducation chrétienne. Deux juifs convertis, les frères Kalisbonnc,

ont obtenu du Saint-Siège la mission de travailler à convertir les Juifs par ces moyens. Notre-Dame île Sion fondée par eux (1857) à Jérusalem, â VEcce homo, est le foyer (le ces œuvres. Elle rayonne dans le

monde entier, par une archiconfrérie de prières pour la conversion des Juifs qui comptait, en mai 1911. 107 232 membres, cf. Annales, Paris, 1911, n. 126, p. 9, et 800 000 en 1923 ; cf. A. Lopez, La lumière d’Israël, p. 244.

2. Partie négative.

a) L’abandon de la Loi. — L’argument tiré de la dispersion juive, de la ruine du temple et de l’impossibilité pour les Juifs d’accomplir la Loi, insistait sur les calamités de tout genre qui ont accablé cette nation.. Il a dû être partiellement rajeuni. Jamais Israël n’a été aussi dispersé qu’à notre époque. Mais il n’est plus dans la situation humiliée de jadis. Depuis 1789, il est réhabilité, enrichi, influent. Telle manière de présenter l’argument qui consistait â dire qu’Israël ne subsiste que pour être, aux yeux de l’univers, une preuve vivante de la malédiction divine, Israël devant toujours vivre dans l’opprobre et l’ignominie, est donc à réformer. On s’y est essayé. Cf. entre autres, les frères Lémann, La dissolution de la Synagogue en face de la vitalité de l’Église, dans La ((aise, p. 54-69. Quelle que soit la position sociale de beaucoup de Juifs, la masse est encore méprisée et malheureuse, et la poussée récente d’antisémitisme, a-t-on dit, montre ce qu’il y a d’instable dans la fortune de ceux qui prospèrent. Cf. M. Soullier, La désolation du peuple juif, Paris, 1891, p. 374-381. Surtout il demeure vrai que la Synagogue et le peuple juif, en tant que constituant un peuple sui juris. s’en sont allés de tout ce qui les caractérisait, sont déchus comparativement à ce qu’ils furent avant le Christ, ainsi que l’ont annoncé les prophètes.

b) La Trinité divine. — On a redit, et fort bien, que le dogme de la trinité des personnes ne contredit pas celui de l’unité de la nature. Le progrès a consisté principalement à montrer que l’Ancien Testament ne contient pas la claire révélation du mystère de la Trinité mais prépare à la révélation que le Christ devait en faire. Cf. J. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, Paris, 1910, p. 88-125, 441-446.

c) La vie et la mort du Christ et l’offensive juive. — Dans la littérature suscitée par l’antisémitisme, il y a eu, de part it d’autre, des violences de langage qui ont égalé sinon dépassé tout ce que les temps antérieurs avaient connu. La littérature apologétique s’est apaisée considérablement ; ni l’offensive juive ni la contre-offensive chrétienne n’ont eu la fougue d’autrefois. L’utilisation des livres juifs s’est poursuivie. Le livre de Drach tend à prouver que dans la tradition de la Synagogue, dans le Talmud et la cabbale, on trouve, d’une façon nette et précise, la Trinité, la miraculeuse maternité de la Vierge immaculée et les divers signes auxquels on devait reconnaître le Messie indiqués de telle sorte qu’ils paraissent vérifiés exactement en Notre —Seigneur Jésus— Christ. Cf. aussi A. Lémann, Histoire complète de l’idée messianique, p. 281-300.

4 U La valeur des écrits. — Il y a des faiblesses. Cette utilisation des livres juifs, en particulier, n’est pas assez critique. Drach l’ait la cabbale plus ancienne et plus chrétienne qu’elle n’est en réalité, et prête à l’antique synagogue des connaissances qu’elle n’eut pas au point qu’il dit. Ames exquises d’apotres et de saints, esprits éminemment rabbiniques, trop dépendants de Drach, trop confiants en une interprétation allégorique de l’Écriture, les frères I.éinann sont des mystiques et des poètes, non des savants, Où l’apologétique juive est en progrès c’est moins dans les livres qui s’adressent directement aux Juifs que dans les ouvrages d’apologétique générale, dont elle fait partie intégrante.

Quelle peut être son efficacité î Distinguons.. Il est évident que l’israélite qui n’a pas gardé sa foi, qui a versé dans le pur rationalisme, ne saurait être touché