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1909
1910
JUIFS (CONTROVERSES AVEC LES), DE 1789 A NOS JOURS


qui assignent au monde une durée de 6 000 ans, que le Messie a dû venir, l’argument porte. Ce qui porte davantage encore c’est l’argument tiré de l’accomplissement de la prophétie relative à la ruine du temple et de l’état de dispersion du peuple juif réduit à la perpétuelle impuissance d’observer sa Loi, et cela « en une si longue et profonde nuit et sans aucune étoile, » comme le leur dit du Plessis-Mornay, et alors que jamais ils n’ont été plus zélés pour elle. Cf. Avertissement aux Juifs sur la venue du Messie, Saumur, 1607, p. 1, 227-228. Les progrès des études bibliques et de la connaissance de l’hébreu par les controversistes chrétiens rendaient plus digne d’attention leur polémique. Enfin, pour agir sur l’esprit des Juifs, plusieurs eurent le prestige du talent, tel du Plessis-Mornay, et même du génie quand ces écrivains furent Bossuet et Pascal, qui sans doute ne s’adressèrent pas directement aux Juifs dans leurs livres mais dont la voix était assez puissante pour arriver jusqu’à eux.

Le ton de la controverse varia selon les controversistes. Il fut d’une violence extrême avec Luther, Voltaire et les précurseurs de l’antisémitisme de nos jours. Les Juifs convertis furent assez souvent durs pour leurs anciens coreligionnaires ; Galatinus, t. I, c. iii, p. 9, appelle les Juifs de son temps omnium gentis suée immundissima fsex. Les témoignages de bienveillance ne sont pas absents des écrits des polémistes. Du Plessis-Mornay, Avertissement, p. 2, 228, voit en eux des frères dignes de compassion. Vincenti, en appendice aux 100 sermons intitulés : Il Messia venulo, publia un traité : Utrum expédiât principibus christianis Hebrseos in suis ditionibus retinere an vero eos expellere, et, dit Imbonati, Bibliotheca latinohebraica, p. 113, primam parlem lanquam christianse pielati et carilaii magis congruam solidis argumentis propugnat. Dans la littérature suscitée, au xviie et au xviiie siècles, par l’examen de la question du temps de la conversion des Juifs, bien des pages marquent un mouvement de sympathie vers Israël. Cf. J. Lémann, L’entrée des Israélites dans la société française, 6e édit., Paris, 1886, p. 262-284. Un des écrits les plus caractéristiques, qui semble avoir échappé à l’attention des historiens, est celui de frère Archange, Discours adressé aux Juifs et utile aux chrétiens pour les confirmer dans leur foi, Lyon, 1788.

Travaux. — Sur la querelle de Reuchlin : L. Geiger, Johannes Reuchlin, sein Leben und seine Werke, Leipzig, 1871 ; J. Janssen, L’Allemagne et la Réforme, trad. E. Paris, Paris, 1889, t. ii, p. 37-66 ; A. Humbert, Les origines de la théologie moderne, Paris, 1911, p. 165-178. — Sur Luther et les Juifs : H.Grisar, Luther, Fribourg-en-Brisgau, 1912, t. iii, p. 340-346. — Sur Munster : M. Steinschneider, Le Livre de la foi et Sébastien Miinster, dans la Revue des études juives, Paris, 1882, t. v, p. 57-67. — Sur Pascal : F. Strowski, Pascal et son temps, Paris, 1908, t. iii, p. 239-268 (les sources de Pascal : très probablement Charron, sûrement Grotius et Raymond Martin) ; M. J. Lagrange, Pascal et les prophéties messianiques, dans la Revue biblique, 1906, p. 533-560 ; H. Petitot, Pascal, sa vie religieuse et son apologie du christianisme, Paris, 1911, p. 264-305 ; R. Jolivet, Pascal et l’argument prophétique, dans la Revue apologétique, 15 juillet et 1 er août 1923, p. 486-522. Sur Pascal, Huet, Bossuet, cf. J. Martin, L’apologétique traditionnelle, Paris, 1905, t. in.

V. De 1789 a nos jours. — 1° Les écrits. — 1. Écrits des chrétiens d’origine.

A. Keith, anglican, Évidence de la vérité de la religion chrétienne tirée de l’accomplissement littéral des prophéties constaté principalement dans l’histoire des Juifs et les découvertes des voyageurs modernes, dans Mignc, Démonstrations évangéliques, Paris, 1843, t. xv, col. 385-474. — Des obstacles qui s’opposent à la conversion des Israélites et des moyens de les surmonter, douze lettres échangées entre le juif Lombroso, de Milan, et le prêtre Consoni,

a Orsinuovi, en 1844, dans Démonstrations évangéliques, 1849, t. xviii, col. 451-552. — M. Soullier, La désolation du peuple juif, Paris, 1891. — J. Cellier, Pour et contre les juifs, Saint-Amand, 1896.

2. Écrits des Juifs convertis.

P. L. B. Drach, De l’harmonie entre l’Église et la Synagogue ou perpétuité et catholicité de la religion chrétienne, Paris, 1844, 2 vol. Le fond se trouvait déjà dans I Te, II e, IIIe lettre d’un rabbin converti aux Israélites ses frères, la I re, Paris, 1825 ; la II e, Paris, 1828 ; la III e, Rome, 1833 ; trad. allemande par L. Baumblatt, de Frankenthal, juif converti par ces lettres. — M, A. Ratisbonne, récit de sa conversion (1842), reproduit en grande partie dans J. Cellier, Pour et contre les Juifs, p. 66-87.

— J. M. Bauer, qui depuis…, Le judaïsme comme preuve du christianisme, Paris, 1866. — Les frères Augustin et Joseph Lémann, La question du Messie et le concile du Vatican, Paris, 1869 ; La dissolution de la Synagogue en face de la vitedité de l’Église, Rome, 1870, réponse à L’Univers israélite qui avait combattu la précédente brochure ; La cause des restes d’Israël introduite au concile œcuménique du Vatican, Lyon, 1912 (on y trouve reproduite La dissolution de la Synagogue, p. 54-69). D’Augustin Lémann seul, Histoire complète de l’idée messianique chez le peuple d’Israël. Ses développements, son altération, son rajeunissement, Lyon, 1909 (uniquement d’après la Bible).

— Paul Lœwengard, La splendeur catholique. Du judaïsme à l’Église, Paris, 1910 ; Les magnificences de l’Église, Paris, 1913. L’auteur, par une lettre du 23 juin 1914, au Gil Blas, annonça son retour au judaïsme ; il est mort dans une maison d’aliénés, mais, quelque temps avant de perdre la raison, il était revenu au christianisme sous l’influence d’un juif converti comme lui. — Paul Samuel, Le livre de ma conversion, Bruxelles, 1921. — Albert Lopez, La lumière d’Israël. Histoire d’une âme juive, Paris, 1923.

3. Écrits inspirés d’un antisémitisme religieux. — L’antisémitisme n’est pas spécifiquement chrétien ; il a été souvent étranger aux préoccupations chrétiennes, fréquemment antichrétien. Nous n’avons pas à parler ici des écrits dus à un antisémitisme purement économique, ou social, ou national, ou ethnique ; il suffira de signaler les écrits principaux inspirés par un antisémitisme religieux qui s’en prend au judaïsme, à son culte, à ses traditions, à sa morale, à ses livres, surtout au Talmud. — Louis Chiarini, né en Toscane, professeur de langues orientales à Varsovie († 1832), Théorie du judaïsme appliquée à la réforme des Israélites de tous les pays d’Europe et servant en même temps d’introduction à la version du Talmud de Babylone, Paris, 1830, 2 vol. — L. Rupert, L’Église et la Synagogue, Paris, 1859. — Gougenot des Mousscaux, Le juif, le judaïsme et la judaïsation des peuples chrétiens, Paris, 1869. — A. Rohling, Der Talmudjude, 6e édit., 1878, trad. française augmentée, Paris, 1889.

— E. A. Chabauty, Les Juifs nos maîtres, Paris, 1882. — Edouard Drumont, La France juive, Paris, 1885, 2 vol., œuvre d’un antisémitisme à la fois religieux, économique, national et ethnique, qui a fait éclore une abondante littérature antijuive. — L. Bloy, Le salut par les Juifs, Paris, 1892. — 8. Dom Ik’sse, O. S. B., Les religions laïques, Paris, 1913, p. 101-115.

4. Écrits où les Juifs sont combattus indirectement. — Ils le sont dans le traité De vera religione, qui désormais fait partie de tous les cours de théologie, dans une multitude d’écrits d’apologétique aux formes les plus diverses et de travaux consacrés à l’Ecriture : critique textuelle, exégèse, histoire, etc. Citons seulement : L. E. de la Hogue, Traclatus de religione. Dublin, 1808 ; Paris, 1815. — B. F. L. Liebermann, Demonslralio christiana et catholica, en tête de ses