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1905

    1. JUIFS (CONTROVERSES AVEC LES)##


JUIFS (CONTROVERSES AVEC LES), DE 1500 A 1789

1906

païens, Juifs, mahomédistes et autres infidèles, » comme le porte le titre du livre de du Plessis-Mornay. Le traité De vera religione, inauguré par Marsile Ficin et Savonarole, se constitue progressivement de toutes pièces. Grotius en trace les maîtresses lignes : préambules sur l’existence et la providence de Dieu et sur l’immortalité de l’âme, divinité du Christ et du christianisme, authenticité et véracité du Nouveau Testament, réfutation du paganisme, du judaïsme, de l’islamisme. Par ailleurs, le traité De Ecclesia se dégage de celui De ftde. La forme classique des deux traités De vera religione et De Ecclesia Christi est à peu près arrêtée, au milieu du xviiie siècle, dans les Religionis naturalis revelatæ et catholicie principia, Paris, 1754, 2 vol., du sorbonniste Luce Joseph Hooke.

Dans bien des cas il est aisé de retrouver les principales sources de nos auteurs. Fino Fini dépend de Pierre Bruto. Galatinus a beaucoup emprunté, sans le dire, à Raymond Martin soit immédiatement soit à travers Victor Porcheto. Pascal s’est préparé à son apologie du christianisme peut-être par l’étude des Trois vérités de Pierre Charron, sûrement par celle de Grotius, surtout du Pugio fldei de Raymond Martin, qui a été pour lui non un inspirateur doctrinal mais comme un manuel d’exégèse juive. Cf. L. Brunschvicg, Pensées de Pascal, Paris, 1904, t. i, p. xc-xcra.

Le contenu des écrits.

1. Partie positive de la

controverse. — a) L’argument prophétique. — Tantôt on expose tout l’ensemble et le détail des prophéties ; Huet, dans sa grande Demonslralio evangelica, præf., n. 1, p. 2, déclare choisir unicum de multis argumentum €x prophetiarum eventu conflatum, et le pousse à fond, en insistant sur la force probante de l’argument global, spectanda tota séries est, prop. IX, c. cxxxi, n. 2, p. 631. Tantôt on s’en tient à l’une ou à l’autre des prophéties plus célèbres. Voir, dans Fabricius, Delectus argumentorum, des listes de travaux sur les prophéties de Jacob, p. 585-588 ; d’Isaïe, c. lui, p. 584-585 ; de Daniel, p. 591-592 ; d’Aggée, p. 596-597 ; de Jérémie, p. 598-599 ; sur les figures de l’Ancien Testament, p. 610-613. Grotius, dans ses Annotationes in totam Scripturam sacram, Amsterdam, 1679, et Richard Simon, dans son Histoire critique des principaux commentateurs du Nouveau Testament, Rotterdam, 1693, minimisèrent la portée de l’argument prophétique. Bossuet, qui alla jusqu’à leur reprocher d’ « anéantir la preuve de la religion par les prophéties, » Défense de la tradition et des saints Pères, I re part., t. III, c. xxii, Œuvres, Paris, 1862, t. iv, p. 113, s’il eut le tort de ne pas donner assez à une légitime exégèse et d’accorder beaucoup trop au sens figuratif non établi, était fondé à se plaindre de l’abandon presque total du sens figuratif, et de la dépréciation de l’argument prophétique si en honneur dans le Nouveau Testament et les Pères. Pascal n’est pas sans lacunes ; tout en comprenant l’importance d’une solide exégèse, il fut limité par la science de son temps et la brièveté de sa vie, et la partie historique de son argumentation est faible. Mais, avec cela, « il a entrevu, il a vii, il a proclamé la vraie solution, et les brèves notes qui la contiennent sont peut-être ce qu’il a pensé et écrit de plus beau, » dit le P. Lagrange, Pascal et les prophéties messianiques, dans la Revue biblique, 1906, p. 550. Reprenant le point de vue des apôtres et du Christ, Pascal montre excellemment que toutes les prophéties se rapportent à l’avènement d’un ordre spirituel nouveau, celui de la charité ou de la sainteté ; or il est incontestable que cette prédiction a été réalisée par le christianisme et par le seul christianisme. b) Le fait de l’Église. — La formation des traités De vera religione et De Ecclesia Christi est l’aboutissement d’une longue série d’efforts pour établir que les prophéties sont réalisées et justifiées par l’Église.

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

En dehors des théologiens qui élaborent ces traités, l’idée est un peu partout dans nos controversistes. Un Vives, dès avant Grotius, a là-dessus d’excellentes choses. Dans Pascal il y a, sur la divinité du christianisme prouvée par la transcendance du caractère du Christ et par l’établissement prodigieux de la foi nouvelle, non pas une étude complète mais de vives clartés. Cf. H. Petitot, Pascal, sa vie religieuse et son apologie du christianisme, Paris, 1911, p. 329-341. Bossuet est admirable dans ce qu’il dit des miracles du Christ et des apôtres, de la manière dont le christianisme conquit le monde, du spectacle de la perfection morale qu’il lui donna et de ce « miracle toujours subsistant qui confirme la vérité de tous les autres : c’est la suite de la religion toujours victorieuse des erreurs qui ont tâché de la détruire. » Discours sur l’histoire universelle, IIe part., c. xxxi, Œuvres, Paris, 1864, t. xxiv, p. 566.

c) Nécessité des dispositions morales. — Elle est reconnue de Huet, qui se vante pourtant de fournir un argument tel qu’ « il ne laisse pas la ressource d’y échapper ni d’y résister, » une démonstration si parfaite que constet hoc génère demonstrationis quod non minus certum sit quam demonstratio qnievis geometrica, prœf., n. 2, p. 2-3. Lui-même ne persiste pas toujours dans cette attitude impossible. Il indique, parmi les causes de l’incrédulité, « les mauvaises dispositions » de ceux qui étudient le christianisme, et il dit : « Quoique la vérité de la religion soit démontrée jusqu’à l’évidence, mes preuves ne pourront pas inspirer la foi sans le secours de la grâce, » et il termine sa préface en suppliant le Seigneur tout-puissant de bénir le livre et d’agir sur l’esprit des lecteurs « de manière à leur ôter tout endurcissement, de préparer leur cœur comme une bonne terre et d’y déposer le germe de la foi, » præf., n. 1, 4-5, Cf. la préface des éditions ultérieures, Démonstrations évangéliques, t. v, col. 11-12. — Vives, De veritate fldei ch^islianie, t. III, c. iii, Quomodo dispulandum, Lyon, 1551, p. 249, demande, dans la recherche laborieuse de la vérité par le moyen des Écritures, au juif qui veut aboutir, d’éloigner animorum tenebrx, ira, odium, invidia, arrogantia, perlinacia, quee etiam rébus dilucidissimis alque in ipso meridie tetram caliginem densasque lenebras offundcrent ; hœc in primis necesse est jubeamus conquiescere, imo abesse quam longissime, dum de sanctis oraculis disserimus. Pascal insiste sur la nécessité, pour trouver Dieu, de dispositions religieuses que les Juifs charnels n’eurent pas, et sans lesquelles on aborderait vainement l’exégèse des prophéties. Houtteville, qui s’est inspiré de Pascal et qui le cite, développe la même idée, La religion chrétienne prouvée par les faits, Paris, 1749, t. iv, p. 40-64 ; cf. sa belle prière, p. 331-334, et encore p. 434-438.

2. Partie négative.

a) L’abandon de la Loi. — Galatinus, De arcanis catholicie veritatis, t. V, c. i, Bâle, 1550, p. 301-303, indique bien les objections des Juifs de son temps contre la venue du Messie, et, en conséquence, contre l’abandon dé la Loi. Il y en a sept principales, dont il dit : Hœc sunt potissima Judœorum recentiorum adversus nos objecta. Ce sont les suivantes, que Galatinus réfute, c. n-vm, p. 303317 : le Messie doit venir à la fin des jours, or beaucoup de jours se sont écoulés depuis le Christ ; la montagne du Seigneur n’a pas été encore élevée au-dessus des montagnes et des collines ; toutes les nations n’ont pas afflué vers Jésus de Nazareth ; elles n’ont pas dit encore : « Venez, montons vers la maison du Dieu de Jacob ; » les armes de guerre n’ont pas été encore transformées en instruments d’agriculture ; la paix sans fin n’est pas encore arrivée ; les animaux carnivores n’ont pas encore renoncé à l’usage des chairs et, déposant leur férocité, habité tranquillement avec les

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