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    1. JUIFS (CONTROVERSES AVEC LES)##


JUIFS (CONTROVERSES AVEC LES), DE 1100 A 1500

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l’oflicial, dont les matériaux sont du xiie et du XIIIe siècle, qui renferme des sortes de petits procès-verbaux d’entretiens entre rabbins et Juifs baptisés ou chrétiens d’origine, parmi lesquels figurent l’archevêque de Sens et divers évêques, l’abbé de Cluny, des dominicains, le confesseur de la reine et le pape lui-même, probablement Grégoire X. Cf. Z. Kahn, Étude sur le livre de Joseph le zélateur, dans la Revue des études juives, Paris 1830-1881, t. i, p. 222-246, t. iii, p. 1-38. La controverse publique n’était pas sans périls pour la cause du christianisme. Il risquait d’être mal défendu. L’agresseur pouvait être habile. Certaines matières ne sont guère susceptibles d’une discussion publique profitable. L’objection est aisée à saisir, elle reste ; la réponse, même excellente, est au-dessus du gros des auditeurs, et s’oublie vite. Les polémistes, un Pierre de Blois, par exemple, Contra perfidiam Judœorum, c. i, P. L., t. cevn, col. 825-826, et l’auteur du Tractatus adversus Judœum, c. i, P. L., t. eexiii, col. 749, signalèrent les dangers et l’inanité de ces discussions publiques. Saint Thomas d’Aquin, Surn. theol., ID II*, q.x, a. 7, traça les règles à suivre. Grégoire IX, par la bulle Sufficere debuerat, du 5 mars 1233, dans Raynaldi, Ann. ceci, an. 1233, n. 49, manda aux cvêques d’Allemagne de ne pas permettre ces controverses orales en public. Elles n’eurent lieu dans la suite qu’exceptionnellement. Les controverses privées, au contraire, se poursuivirent. Une des plus notables se déroula chez Pic de la Mirandole, au rapport de Ficin, Epislolse, Nuremberg, 1497, fol. clxxxiiclxxxiii.

La controverse écrite, elle, ne décline pas. Elle est active, pressante, souvent belliqueuse, ainsi que l’attestent ces titres : Bouclier, Rempart, Forteresse de la foi, ou Poignard de la foi, Muselière des Juifs, Fouet des Juifs, Victoire sur les Juifs, Triomphe, etc. Concurremment avec les Juifs il lui arrive de viser les autres ennemis du christianisme, par-dessus tous les Sarrasins. Pierre Alphonse, Dial., tit. v, P. L., t. clvii, col. 597-606, explique pourquoi, cessant d’être juif, il devient non pas sarrasin mais chrétien.

Selon la coutume du.Moyen Age, nos écrivains ne désignent guère leurs sources autres que l’Écriture et les Pères. On n’a pas de peine à reconnaître que le pseudo-Guillaume de Champeaux est une contrefaçon, mais dans un esprit très agressif, du pacifique Gilbert Crispin. Il n’est pas sans exemple que l’auteur dise où il a puisé. Victor Porcheto se déclare tributaire de Raymond Martin ; Alphonse de Spina, dans le Forlalilium fidei, avoue les larges emprunts qu’il fait à ses prédécesseurs. A plus forte raison ceux qui cherchent leurs arguments dans la littérature hébraïque renseignent-ils sur leurs sources.

Le contenu des écrits.

1. Partie positive de la

controverse. — a) IJargument prophétique. — Il est repris sous toutes les formes. Certains textes fixent de plus en plus l’attention : la prophétie de Jacob, le Serviteur et l’Emmanuel d’Isaïe, les semaines de Daniel, etc. Il a fallu des volumes pour retracer les polémiques juives sur le c. lui d’Isaïe et sur les semaines de Daniel. Cf. A. Neubauer, The flfty-third chapter (ij Isaiah according ta the Jewish inierpreters, Oxford, l S7(> ; Fraidl, Die Exégèse der siebzig Wochen Daniels in der alten und mittleren’Lcil, Graz, 1883. Les discussions des polémistes chrétiens sur ces passages et quelques autres fourniraient matière à de copieuses monographies.

b) Le fait de l’Église. — Ici le progrès s’accentue. Le traité De vera religione, quelque peu ébauche dans les temps antérieurs, s’esquisse davantage. Dans tel de nos écrivains nous avons des éléments de vraie valeur. Pierre Alphonse établil, en bons termes, la divinité du christianisme par le caractère de son fondateur.

par « la splendeur et la gloire de la foi de la sainte Église, "Dial., tit. ix, col. 627-638 : Pierre le Vénérable l’établit par le miracle de la conversion du monde et par la différence entre la diffusion du christianisme et celle de l’islamisme, c. iv, P. L., t. clxxxix, col. 587602. Abélard la démontre, mais non sans écarts, par l’excellence de la morale chrétienne. Voir t. i, col. 4011. Avec Marsile Ficin c’est déjà le traité presque entier, quoique non poussé dans tous ses détails, et c’est presque le titre du De vera religione. Voir t. v, col. 2287-2289. Le Triumphus crucis sive de verilale fidei de Savonarole est un petit traité de la religion, qui prélude aux méthodes modernes.

c) Nécessité des dispositions morales. — Parmi les chrétiens d’origine, Rupert de Deutz est celui qui en expose le mieux l’importance capitale : pour conduire le juif à la vraie foi, il ne compte que sur le changement intérieur, dont le juif s’obstine à ne pas se rendre capable. Parmi les Juifs baptisés, Hermann de Cologne est surtout à consulter : depuis les Confessions de saint Augustin, aucun écrit, autant que son De sua conversione, n’exprime de façon pénétrante le mystère et les angoisses d’une conversion, ainsi que la nécessité d’un changement intérieur pour que l’intelligence s’ouvre à la pleine lumière. Cf. Nicolas de Lyre, Probatio incarnationis Christi, à la fin des Postillæ, Nuremberg, 1497, t. iv, fol. cccli b ; Jérôme de Sainte-Foi, Contra Judœorum perfidiam, t. II, Bibl. Pal., Paris, 1624, t. iv a, col. 772-774 ; Marsile Ficin, De religione christiana, c. xxxvii, Paris, 1510, fol. 60 a, sur les causes de la rareté de la conversion des Juifs.

2. Partie négative.

a) L’abandon de la Loi. — Ici tout avait été dit. Pierre Alphonse, Dial., tit. xii, P. L., t. clvii, col. 656-672, résume bien le tout, en montrant que la Loi chrétienne accomplit et perfectionne la Loi mosaïque. Cf. C. U. Hahn, Geschichle der Kelzer im Mittelalter, Stuttgart, 1850, t. iii, p. 6468.

b) La Trinité divine. — Comme par le passé, nos controversistes concilient l’unité de nature et la trinitédes personnes. Mieux que par le passé, quelques-uns précisent que la Trinité ne fut révélée, dans l’Ancien Testament, que occulte et sub velamine, quoadusque venit Christus qui de tribus una personis fidelium illam mentibus pro corum revelavit capacitale, comme s’exprime Pierre Alphonse, Dial., tit. vi, col. 611. Cf. Alain de Lille, De fide catholica, t. III, c. ii, P. L., t. ccx, col. 402 ; l’auteur du Contra Judœos, dans Max. bibl. Pal., Lyon, 1677, t. xxvii, p. 619, etc. ; surtout Alphonse Tostat.

c) La vie et la mort du Christ et l’offensive juive. — La conception virginale du Christ est défendue avec une insistance qui révèle l’insistance de l’attaque juive. Pierre Alphonse s’y arrête longuement. Dial., tit. vii, col. 613-617. De même Guibert de Nogent P. L., t. clvi, col. 489-506 ; Gilbert Crispin, P. L.„ t. eux, col. 1019-1020 ; le pseudo-Guillaume de Champeaux, P. L., t. clxiii, col. 1054-1055 ; Odon de Cambrai, P. L., t. clx, col. 1110-1112. Ce dernier, dans son bref traité, ne. parle guère que de la conception virginale et de la nécessité de la satisfaction de l’Homme-Dieu pour le salut de l’homme, col. 1103llio.

A l’offensive juive les chrétiens répondent par une contre-offensive dirigée sur les livres juifs. Pierre Alphonse, Dial., tit. i, col. 541-567, signale quelques-unes des fables du Talmud. Pierre le Vénérable, c. v, P. L., t. clxxxix, col. 602-650, dresse contre le Talmud un vigoureux réquisitoire, qu’il termine de la Mule : Ex </uo prophetia in Israël non apparuit, nihil aliud lexulslis, nulla alla doctrina libros iudaicos implestis nisi blasphéma, sacrilega, ridiculosa et falsa.