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1457 JOACHIM DE FLORE. LE JOACHIMISME — JOB (LIVRE DE) 1458

de côté et d’autre, de façon sporadique, mais reconnaissable. C’est un franciscain espagnol, connu comme alchimiste, Jean de Peratallada (de Rupe scissa), emprisonné quelque temps à Avignon (il date un écrit de 1349, in carcere domini papa » démentis), admirateur et commentateur des prophéties de Cyrille et de Joachim. Menendezy Pelayo, op. cit., t. iii, p. 241-244 ; Lea, op. cit., t. iii, p. 86-88 et ci-dessus col. 800. Ce sont les disciples de Lulle convaincus, d’après Eymeric, Directorium, part II, q. ix, que leur maître avait eu de Jésus larévélation de sa doctrine, et que « de même que la doctrine de l’Ancien Testament est attribuée à Dieu le Père, et la doctrine du Nouveau à Dieu le Fils, de même celle de Lulle doit être attribuée au Saint-Esprit. » Eymeric ne met d’ailleurs pas cette erreur sur le compte de Lulle lui-même. — C’est Thomas de Pouille, qui en 1388 se donne comme investi de la mission d’annoncer aux Parisiens le règne de l’Esprit. Lea, op. cit., t. iii, p. 88. — C’est la prophétie datée de 1386, émanée du personnage réel ou fictif qu’est Télesphore de Cosenza, un ermite calabrais qui, invité un jour par un ange à étudier la Sibylle, Merlin, Cyrille, Joachim, a la surprise d’y voir le schisme clairement annoncé, et en tire l’annonce d'événements futurs, tous favorables à Clément VII et à la France ; voilà le joachimisme interprété de nouveau, cette fois au profit des ambitions des Valois. La prophétie fut prise assez au sérieux pour qu’un Allemand, Henri de Langenstein, l’ait réfutée en 1392. Il est piquant que ce soit en s’appuyantsur l’opinion, nettement défavorable à Joachim, de l’Université de Paris. Valois, La France et le grand schisme d’Occident, t. i, p. 370374 ; Huck, Uberlin von Casale, qui donne des détails sur les sources de Télesphore, parmi lesquelles figurent les œuvres authentiques de Joachim, et VArbor Vitæ d’Ubertino ; Pastor, Geschichle der Pàpsle, t. i, p. 120-122. La prophétie a longtemps joué un rôle. Elle a contribué à entretenir l’entêtement de ces paysans du Rouergue qui prolongèrent obscurément le schisme jusqu’en 1467. Valois, op. cit., t. iv, p. 475-477. Elle a pu contribuer à exalter l’imagination de Savonarole. L'édition, très retouchée d’ailleurs, donnée à Venise en 1516, montre qu’elle était encore populaire à cette époque. — Il serait intéressant de voir de près s’il n’y a pas quelques éléments joachimites dans la prédication de saint Vincent Ferrier. — Le concile de Bâle fit brûler un certain Nicolas de Buldesdorf qui, lui aussi, proclamait la fin de l'âge du Nouveau Testament, et le commencement du troisième âge et de la septième période, sous le règne de l’Esprit. Lea, op. cit., t. iii, p.^88. — En 1466, à Eger, les deux frères Janko (un franciscain) et Livin de Wissberg se mirent à prêcher quelque chose qui se rapprochait plus encore du joachimisme du xiiie siècle : un troisième Testament allait être promulgué, et le sens spirituel des Écritures dévoilé ; le pape était l’Antéchrist ; lui et son clergé allaient être détruits, et seuls subsisteraient les quatre ordres mendiants.

Ainsi le joachimisme continua longtemps encore à fournir un cadre aux élucubrations des mécontents et des rêveurs. Le succès, à en juger par les éditions publiées au xvie siècle, n’en était pas encore épuisé alors. La Réforme lui donna un regain d’actualité ; le nom de l’abbé de Flore fut de nouveau mêlé aux disputes des hommes ; tandis que Flacius Illyricus mettait l’auteur présumé des commentaires sur Isaïe et Jérémie parmi les « témoins de la vérité », Baronius l’attaquait sans ménagement. Aujourd’hui le joachimisme est tout à fait entré dans l’histoire, comme un des plus curieux produits de la pensée médiévale. Mais ne trouverait-on pas que quelques éléments peut-être s’en perpétuent obscurément dans la littérature pro DICT. DE THÉOL. CATHOL.

phétique de bas étage qui plaît encore à quelques-uns de nos contemporains ?

Bibliographie. — Elle est considérable, mais fragmentaire ; notamment pour le joachimisme, qui a été étudié moins en lui-même qu'à propos du spiritualisme ou de l' Inquisition. — Dans la liste qui suit, nous éliminons les travaux nettement périmés, sauf ceux que recommande une valeur littéraire exceptionnelle. Nous ne mentionnons pas non plus les ouvrages qui n’ont été cités qu’occasionnellement.

Papebrocli, DeB. Joachimo abbate commentarius prævius, dans Acta Sanctorum, mai, t. vii, col. 87 ; Gebhart, L’Italie mystique, Paris, 1890 ; Lea, A histonj of the Inquisition of Vie middle âges, Londres, 1888, t. iii, traduction française par S.Reinach, Paris, 1901-4 ; Tocco, L’eresia nel MedioEvo, Florence, 1884 ; Schott, Joachim, der Abt von Floris, dans Zeitschrift fur Kirchengeschiclitc, 1901, t. xxii, p.343-36l ; du même, Die Gedanken des Abtes Joachim von Floris, ibid., 1902, t. xxiii, 157-180 ; Fournier, Élude, sur Joachim de Flore et ses doctrines, Paris, 1909 ; H. Holzaplel, Ilandbacli der Geschiclite des Franziskanerordens, Fribourg-en-B., 1909 ; Salimbene, Chronica, édit. Holder-Egger, dans Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. xxxii ; Holder-Egger, Italienische Prophetieen des XIII Jahrhunderls, dans Neues Archiv, 1890, t. xv, p. 1 11-178, et 1905, t. xxx, p. 321-386 ; Engelhardt, Kirchengeschichtliche Abhandlungen, Erlangen, 1832 ; Friederich, Kritische Untersuchung der dem Abt Joachim von Floris zugeschriebenen Commentare Jesayas und Jercmias, dans Zeitschrift fur wissenschaftliche Théologie, 1859, p. 349-363 et 449-514 ; Haupt, Zut Geschichle des Joachimismus, dans Zeitschrift fur Kirchengeschichte, t. vii, p. 372-425 ; Renan, Joachim de Flore et l'Évangile éternel, dans Nouvelles études d’histoire religieuse, Paris, 1884 ; Denifle, Das Evangelium sternum und die Commission zu Anagni, dans Archiv fur Lilteratur-und Kirchengeschichte des Mittelalters, 1885, t. i, p. 49-164 ; Ehrle, Die Spiritualen, ihr Verhaltniss zum Franziskanerorden und zu den Fraticellen, ibid., t. i, p. 509-569, et 1886, t. il, p. 108-164 et 219-336 ; 1887, t. iii, p. 553-623 ; 1888, t. iv, p. 1-200 ; du même, Zur Vorgeschichte dés Fondis von Vienne, ibid., t. il, p. 353-416, et t. iii, p. 1-195 ; du même, Petrus Johannes Olivi, sein Lcben und seine Schriflen, ibid., t. iii, p. 409-552 ; R. P. René de Nantes, Histoire des spirituels dans l’ordre de saint François, Paris, 1909 ; Balthasar, Geschichte des Armutsstreites im Franziskancrurden bis zum Koncil von Vienne, Munster, 1911 ; Knoth, Uberlino von Casale, Marbourg, 1903 ; Huck, Ubertin von Casale, Fribourg-en-B., 1903 ; R. P. Callæy, L’idéalisme franciscain spirituel au XIVe siècle, étude sur libertin de Casale, Paris et Bruxelles, 1911 ; Menendez y Pelayo, Historia de los Heterodoxos espanoles, Madrid, 1917, 2- édit., t. ut ; Finke, Ans den 1 agen Bonifaz VIII, Funde und Forschungen, Munster, 1902 ; Diepgen, Arnald von Villanova als Politiker und Laieniheologe, Berlin et Leipzig, 1909 ; Bernard Gui, Practica Inquisitionis, édit. Douais, 1886 ; Eymeric, Directorium Inquisitorum.

E. Jordan. JOB (Livre de). — I. Analyse du livre. II. Interprétation (col. 1462). III. Théologie (col. 1466). IV. Composition et histoire du livre (col. 1479).

I. Analyse du livre.

Un homme s’est rencontré

« pieux et honnête », « craignant Dieu et fuyant le mal »,

possesseur d’une belle fortune, d’une belle famille, d’une belle santé, i, 1-3. Job — ainsi se nommait ce juste — pousse le scrupule jusqu'à prendre souci des péchés fortuits de ses enfants, i, 4-5. Dieu lui-même reconnaît une telle justice, et le déclare sans ambages à l’ange sâtàn « l’accusateur ». Pur égoïsme, répond celui-ci, piété intéressée (lui aussi connaît les hommes) : qu’on l'éprouve d’abord en ses biens, et Job commettra, non sans doute quelque acte répréhensible, mais quelque « blasphème ». i, 6-12. Dieu permet et se réserve. Ruine totale de Job et mort cruelle de tous ses enfants. « Il dit alors :

Nu je suis sorti de sein de ma mère : C’est nu que là-bas (au Schéol) je dois retourner, Jahvé donne et Jahvé reprend, Béni soit le nom de Jahvé !

Ainsi Job ne pécha point, n’ayant rien dit qui pût offenser Dieu. » i, 13-22.

VIII

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