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JUGES (OBLIGATIONS DES) — JUIFS (CONTROVERSES AVEC LES) 1870

brièvement les principes, se rapportent au genre de causes qu’il lui est permis de soutenir, au devoir de la fidélité envers son client et aux honoraires qu’il peut légitimement exiger.

1. Un avocat ne peut se charger indifféremment de toutes sortes d’affaires mais seulement d’affaires justes. — a) En matière civile, il doit refuser de plaider une cause qu’il sait pertinementêtre injuste, autrement dit, une cause qui tend à violer le droit de propriété, ou les règles de la justice et de l’équité. Dans l’espèce, il n’a pas le droit de conseiller aux parties un arrangement à l’amiable : la conciliation ne pourrait être que préjudiciable à la partie adverse. Si l’affaire est douteuse, c’est-à-dire si elle offre, à défaut d’une certitude, une vraisemblance ou une simple probabilité de justice, l’avocat pourra s’en charger ; il 12 pourrait encore dans le cas où les prétentions de son client lui sembleraient moins probables que les prétentions de l’adversaire. Car ce qui paraît moins probable à l’avocat peut être plus probable aux yeux des juges ; et il arrive assez souvent après les débats judiciaires qu’une cause, qui avait semblé d’abord douteuse, moins probable, se révèle certaine ou plus probable. C’est le sentiment de saint Alphonse de Liguori, Theol. moralis, t. IV, 11. 222. Cependant il n’est pas impossible que le contraire se produise. Si, au cours du procès, la cause qu’il défend lui apparaît évidemment injuste, l’avocat devra en prévenir son client et l’abandonner. S’il n’abandonnait pas l’affaire et s’il en cachait la nature dans la crainte que le client ne renonçât à poursuivre son procès, l’avocat contracterait l’obligation de réparer tout le dommage qu’auraient éprouvé l’une et l’autre partie ; ou si le client dûment averti et l’avocat, son mandataire, persistaient à plaider, tous deux seraient tenus solidairement d’indemniser la partie adverse, au moins de ses frais et dépens, au cas où elle viendrait à gagner le procès.

b) Au criminel, un avocat ne peut accepter d’aider de ses conseils et de sa parole la partie civile, que si la cause est certainement juste. Mais il lui est permis dans tous les cas de défendre l’accusé, soit qu’il l’estime innocent, soit qu’il le sache coupable. Plaidant en sa faveur, il ne fait point pour autant l’apologie du crime ; il se montre simplement humain envers un malheureux prévenu, qu’il s’évertue à arracher aux mains de la justice, et dont il s’efforce tout au moins d’atténuer la faute. L’avocat pourra donc déployer toute son habileté pour ruiner les témoignages et les preuves à charge, empêcher que la démonstration du crime soit établie : l’acquittement d’un inculpé n’est une injustice envers personne, et l’ordre public n’exige la condamnation du coupable, que s’il est juridiquement convaincu.

Mais, soit au civil, soit au criminel, l’avocat doit s’interdire tout moyen de défense qui serait contraire à la justice, à l’ordre, à la morale. Il ne lui est pas permis de soutenir par le mensonge, par des documents supposés, par un appel à de faux témoins la cause la plus juste, la cause de l’innocent. Le recours à des pratiques frauduleuses serait une faute énorme contre la justice commutative, contre la justice légale ou tout au moins contre la vérité. Au reste, l’avocat assez imprudent pour se les permettre, s’exposerait à toutes les rigueurs du droit, lui et son client, si la fraude était découverte.

2. Un avocat est tenu envers son client à la fidélité. La fidélité l’oblige à soigner les affaires de ses clients en bon père de famille, ne négligeant aucun des moyens ordinaires propres à les faire réussir, évitant aussi de compromettre les intérêts de sa partie par des lenteurs coupables. La fidélité l’oblige, en outre, à peser mûrement le pour et le contre de la cause, à bien instruire le client de ce qu’elle vaut, lui décou vrant s’il l’estime juste ou injuste, certaine ou douteuse, à le tenir au courant de tout fait nouveau qui, survenant, changerait la face de son affaire. Il est bien des gens qui, dans le doute, ne veulent pas courir les chances d’un procès ; à plus forte raison s’abstiendront-ils, si l’avocat leur affirme que leur cause ne vaut rien. Il peut arriver que, faute de s’ouvrir à son client de ce qu’il pense de son procès, l’induisant plutôt en erreur, un avocat se rende coupable d’injr.stice envers lui.

Il y aurait infidélité positive de sa part à abandonner la cause dont il s’est chargé pour entreprendre de plaider la cause adverse, mais surtout à communiquer à l’adversaire les secrets de son client ou autres renseignements utiles. L’avocat doit abandonner la cause de son client, s’il découvre qu’elle est injuste ; cependant il ne pourrait, sans se montrer malhonnête, peu délicat, se charger ensuite de la cause adverse : la justice, en tout cas, lui interdit d’user des secrets du premier client pour servir les intérêts du second.

3. L’avocat a droit à des honoraires. Les règlements de l’ordre et la coutume d’ordinaire les fixent. Cependant il n’est pas défendu à un avocat de tenir compte de la condition sociale de ses clients, exigeant davantage d’hommes opulents et riches. La circonstance de science et d’habileté d’un avocat en renom justifie de même des honoraires plus forts. En aucun cas, un avocat ne voudra déshonorer sa profession par un amour trop prononcé de l’argent ; il pourra toujours dans la fixation de ses honoraires, s’en rapporter au jugement de gens prudents et désintéressés.

Les moralistes ne manquent pas de rappeler qu’il est du devoir d’un avocat de défendre gratuitement la cause des pauvres. Ils distinguent entre les cas de nécessité extrême, grave ou commune : ce n’est qu’une application du précepte de la charité. En France, le tribunal accorde aux nécessiteux l’assistance judiciaire et il désigne d’office l’avocat qui devra à son tour plaider leur cause. La charité et l’honneur l’obligent à s’acquitter de sa mission avec conscience.

S. Thomas, Summa theologica, II a -II s, q. lxiv, a. 6, ad 3um ; q. lxvii ; q. lxxi ; S. Alphonse de Liguori, Theologia moralis, t. IV, 192-215, 219-232 ; Th. Gousset, Théologie morale, t. i, Paris, 1845, n. 1054-1058, 1060-1062 ; Cl. Marc, Institutloties morales alphonsiana’, t. H, Rome, 1885, n. 2297-2302, 2310-2332 ; Gury-Ballerini, Compendium tlieologiæ moralis, t. ii, Rome, 1887, n. 1-6, 9-14 ; Lehmkuhl, Theologia moralis, t. i, Fribourg-en-Brisgau, 1890, n. 801810, 822-823 ; Noldin, Summa theologiæ moralis, t. ii, De præceptis, Inspruck, 1911, n. 719-728, 735-738 ; Sebastiani, Summarium theologiæ moralis, 2e édit., Turin, 1918, n. 373-375.

A. Thouvenin.

    1. JUIFS (Controverses avec les)##


JUIFS (Controverses avec les). — Ce n’est ici qu’une esquisse incomplète : une esquisse parce qu’un sujet aussi vaste ne saurait être approfondi en quelques pages, une esquisse incomplète parce que bien des textes, surtout orientaux, n’ont pas été publiés encore. Il ne sera pas question de la littérature relative au judéo-christianisme et à l’affaire de la Pâque, ni de la polémique des Juifs contre les chrétiens, mais uniquement de la polémique des chrétiens contre les Juifs.

La division adoptée est celle de l’histoire même du judaïsme postchrétien :

I. Des origines au triomphe de l’Église (313). — Le christianisme et le judaïsme se séparent et le judaïsme prend part, dans une certaine mesure, aux persécutions contre les chrétiens.

IL De 313 à 1100. — L’État, devenu chrétien, commence à légiférer contre les Juifs ; en général, l’application des lois est plutôt bénigne (col. 1876).

III. De 1100 à 1500. — La législation antijuive s’aggrave ; les Juifs sont traités avec plus de rigueur