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JOACHIM DE FLORE. VIE

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    1. JOACHIM DE FLORE##


JOACHIM DE FLORE. LE JOACIIIMISME

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avoir gouverné quelque temps le royaume de Majorque comme tuteur de son neveu Jacques II, devait finir en état de demi-rupture avec la cour d’Anjou, chef d’une secte particulière issue de la pauvreté franciscaine, les Fralicelles du général ou Frères de Philippe de Majorque.

6 Les béguins. — Ce spiritualisme et ce joachimisme princiers n’étaient pas bien dangereux, ou demandaient à être ménagés : s’il n’y en avait pas eu d’autres, il est bien possible que l’Église eût continué à laisser faire ; blâmé, traité en suspect même, Philippe de Majorque n’a jamais, semble-t-il, été condamné. Mais Pierre Olivi avait d’autres disciples. Dans les premières années du xive siècle, le midi de la France est troublé par les béguins. D’après Ehrle, Archiv…, t. iv, p. 140 sq., qui a eu le mérite de débrouiller et de préciser le premier les noms et les caractères des diverses sectes plus ou moins rattachées au spiritualisme, les béguins sont essentiellement des tertiaires franciscains, entraînés par un certain nombre de religieux spirituels, qui quelque temps tolérés, au temps de Clément V, et groupés dans des couvents spéciaux, à Narbonne et à Béziers, en avaient été chassés par la léaction anti-spiritualiste du pontificat de Jean XXII ; ils avaient pris le parti de la révolte. On connaît bien ces béguins, par les documents inquisitoriaux, et notamment par la Practica Inquisitionis hæreticæ pravitatis de Bernard Gui, édit. Douais, ainsi que par son I.iber sententiarum, édit. Limborch. Cf. aussi Vidal, Bullaire de l’Inquisition française au XIVe siècle, et Lea, A hision/ of the Inquisition, t. iii, p. 69-84. Bernard Gui s’étend surtout sur leur insubordination et leurs excès touchant la doctrine de la pauvreté évangélique. Mais il leur reproche aussi un culte indiscret à l’endroit de la mémoire de Pierre olivi, dont ils tiennent la doctrine pour révélée, pour comparable en autorité à celle de saint Paul, lisant, dans leurs réunions, pour s’édifier, le récit de sa mort. Practica, p. 272 et 287. Ils acceptent sa doctrine sur l’Apocalypse, p. 149 ; ils ont sa Postille tant en latin qu’en langue vulgaire, p. 265. Ils reconnaissent l’Église

« charnelle » dans la grande prostituée, p. 274-276. Ils

croient à sept états de l’Église ; à la fin du sixième, qui a commencé avec saint François et sa règle, l’Fglise romaine doit cesser comme a cessé la synagogue à l’avènement du Christ, et dans le septième état surgira une nouvelle Église, p. 281. On reconnaît dans ces thèses tout le joachimisme sous la forme que lui a donnée Olivi. Si l’on veut le voir en des cas concrets, on pourra, entre autres documents, se reporter à l’interrogatoire publié par Vidal, Procès d’Inquisition contre Adhémar de Mosset dans Revue d’histoire de l’Église de France, 1. 1, p. 578. L’accusé a-t-il entendu dire que « de même qu’après la mort du Christ ont cessé les observances légales de l’Ancien Testament, cl ont commencé à obliger les préceptes et sacrements évangéliques, de même, dans le troisième état, qui est dit état de l’Esprit Saint, doivent cesser les sacrements et préceptes évangéliques, auxquels doit succéder la loi de l’Esprit Saint ? » A-t-il entendu dire que ce troisième état a commencé au temps de saint François ? Que depuis la condamnation des béguins, l’Église Romaine a été rejetée et répudiée par le Christ ? — La doctrine des trois âges a été transposée en une forme grossièrement populaire, ou mieux portée jusqu’à la folie, dans le cas de la prophélessc Naprous Boneta, livrée au bras séculier par l’inquisiteur de Carcassonne, en 1325, Lea, op. cit., t. iii, p. 82 ; elle prétendait avoir reçu la mission de donner au monde le Saint-Esprit, comme la vierge Marie lui avait donné le Fils. Contre ces erreurs, propagées par des

exaltés dans les niasses populaires, l’Inquisition lut inexorable, le bégulnisme l’a occupée au xiv siècle.

dans le Languedoc, autant que l’albigéisme expirant. Les sentiments développés par cette lutte acharnée devaient fatalement s’en prendre à la mémoire de Pierre Olivi lui-même, longtemps traitée avec quelques ménagements. On a vu qu’au concile de Vienne on n’avait censuré qu’un petit nombre de ses thèses philosophico-théologiques, et de manière anonyme. Aucun décret n’avait été porté contre ses écrits eschatologiques. Mais déjà, dans l’ordre franciscain, le parti de la communauté les poursuivait. Dès 1317 ou 1318, son tombeau, entouré par ses adhérents d’une extrême vénération, fut détruit. En 1319, le chapitre de Marseille condamne tous ses écrits. Le Saint-Siège hésitait encore ; en 1322, une lettre de Jean XXII déclarait n’avoir confié à personne le soin de prononcer un jugement sur la Postule sur l’Apocalypse, et se le réservait. Mais d’ailleurs la condamnation de ce livre, préparée par des travaux préliminaires, était inévitable ; Jean XXII la prononça le 8 février 1326. Cf. sur tous ces points Ehrle, Archiv…, t. iii, p. 442-457. Comme la Practica Inquisitionis de Bernard Gui, le Directorium d’Eymeric, part. II, q. ix, prouve avec quelle vigueur l’Inquisition aragonaise aussi bien que languedocienne poursuivit le souvenir du grand spirituel et la secte issue de lui.

Arnaud de Villeneuve, mort en 1311, fut également victime de sentences posthumes promulguées en 1316 par une commission inquisitoriale réunie à Tarragone, et qui frappèrent plusieurs de ses écrits, notamment des écrits en langue vulgaire à l’usage des Béguins. Diepgen, op. cit., p. 96.

6. Les fraticelles.

Aux béguins de Languedoc correspondaient en Italie, avec quelques nuances bien marquées par le cardinal Ehrle, les fraticelles. Il existe sur eux une abondante littérature de détail ; à celle qu’on trouvera à l’art. Fraticelles, t. vi, col. 784, ajouter Fumi, Ereticie ribelli nell’Umbria dal 1320 al 1330, dans Bolletlino délia R. depulaziome di Sloria patria per i Umbria, t. iii, iv, et v ; et Livarius Oliger, Documenta ad historiam fraticellorum spectanlia, dans Archivum franciscanum, t. iii-vi. Le joachimisme n’apparaît pas dans les documents, interrogatoires d’Inquisition, écrits polémiques, manifestes, publiés par Fumi et le P. Oliger. Il serait a priori bien peu vraisemblable que les fraticelles ne l’aient jamais pratiqué. Tout doute est dissipé par un curieux épisode, où l’histoire des aberrations religieuses se mêle à l’histoire des aberrations politiques. Chassé de Rome à la fin de 1347, après sa folle tentative de restauration de la République romaine, Rienzi alla se cacher pendant plus de deux ans dans les Abruzzes, auprès d’ermites fraticelles dont il a décrit avec complaisance la vie austère et pauvre. Il apprit d’eux à entourer saint François d’un culte hyperbolique ; il fut initié par eux à la littérature prophétique de Joachim, de Merlin, de Cyrille, de Méthode ; il s’indigne des persécutions que dirigeait contre eux la papauté, du fond de son « mauvais lieu » d’Avignon. Un vieil ermite, se disant inspiré de Dieu, lui révéla qu’il avait une mission divine : annoncer au monde la menace de grands châtiments, mais aussi l’approche du « temps de l’Esprit Saint, où Dieu sera connu des hommes. » Dans sa tête fumeuse, le mysticisme spirituel et l’eschatologie joachimite se mêlèrent désormais à l’archéologie politique ; et c’est au nom de toutes ces idées confuses que l’ancien candidatus Spirilus Sancti, comme il s’était intitulé au temps de sa grandeur, inaugurant une carrière nouvelle, prétendit se faire l’introducteur et le guide en Italie du roi des Romains Charles IV. Cf. ses lettres à Charles, édit. Gabrielli, Epistolario di Cola di Rienzo, dans Fonti perla sloria d’Ilulia. p. 92, 96 et 111. 6° La fin du joachimisme.

Pendant un siècle et

plus encore, le joachimisme continue à apparaître