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JUGES (OBLIGATIONS DES)


lument se passer est la connaissance suffisante des lois, surtout des lois dont il est fait une application ordinaire dans les causes déférées à son tribunal. Le juge à qui manque la science juridique nécessaire, risque de nuire aux intérêts des justiciables qui ont recours à sa décision. Il ne peut sans péché grave accepter des fonctions qu’il a conscience de ne pouvoir remplir sans un préjudice considérable pour le prochain. Et s’il n’est fermement décidé à s’instruire de ce qu’il doit savoir, et, en attendant, à s’entourer de conseils et à réclamer l’aide de gens doctes, ou même, s’il n’y a point d’espoir qu’il soit jamais apte, à se démettre de sa charge, il est indigne d’absolution. Sans aucun doute, il est tenu de réparer les dommages qui résultent de jugements rendus par lui avec une ignorance crasse ; il est obligé encore, à moins d’un trop grave inconvénient, d’avertir la partie lésée d’une erreur même involontaire qu’il aurait commise, afin qu’elle puisse se pourvoir en appel ou sauvegarder autrement ses intérêts.

2° Indispensable autant que la science théorique du droit est la prudence qui en fait une application judicieuse. Il est donc nécessaire qu’un juge ait assez de sens pratique pour instruire une cause, établir entre les parties adverses la question pendante, déterminer le fait juridique.

3° Il faut, en outre, qu’un juge ait été légitimement établi dans sa charge par l’autorité publique et qu’il s’en tienne dans l’administration de la justice aux personnes et aux choses de son ressort : la juridiction ou compétence lui est nécessaire. Comme l’en avertit le droit canonique, le premier devoir du juge, avant qu’il cite quelqu’un à son tribunal et qu’il siège pour le juger, est de s’assurer s’il est compétent. Code, can. 1609, § 1. A moins que la juridiction ne soit suppléée en quelque manière, le juge incompétent ne rend que des jugements nuls de plein droit, et il pèche gravement contre le juge dont il usurpe le pouvoir, contre les parties entre lesquelles il se prononce ou tout au moins contre celle qu’il condamne, surtout s’il a recours contre elle à la force. Dans les cas d’intrusion il n’est pas rare que la juridiction qui fait défaut au juge, soit suppléée dans l’intérêt du bien public. Cependant le juge intrus ne laisse pas de pécher par usurpation et en chose notable, à moins qu’il ne soit fermement décidé à se démettre au plus tôt. Jusque-là, afin que le bien général n’ait pas à souffrir, il peut, il doit même administrer la justice.

— Le cas le plus manifeste d’incompétence est le cas de juges séculiers s’arrogeant le droit de prononcer dans une cause ecclésiastique ou citant à leur tribunal un clerc exempt, en matière civile et criminelle. Non seulement ils rendent des sentences nulles de plein droit, mais ils pèchent contre la justice et la religion ; ils peuvent même en des cas déterminés encourir la peine de l’excommunication. Le Code de droit canonique maintient rigoureusement l’obligation pour un clerc de ne comparaître que devant le juge ecclésiastique, et il édicté des peines très graves contre les laïques qui contraindraient des clercs de haut rang à comparaître devant le juge séculier, de même contre le simple clerc qui, sans l’aulorisation de son évêque, accepterait d’être jugé par lui. Code can. 120, 2341 Il est fait une exception pourtant en faveur de régions où, du consentement de l’Église, il en a été décidé autrement. Ibid., can. 120, § 1. Il s’agit de pays auxquels des concordats ont été octroyés et où les juges sont dûment autorisés à juger les causes des clercs. Là, où il n’existe aucun accord de ce genre entre l’Église et l’État, il faut au juge séculier dans chacun des cas une permission du Saint-Siège ou de l’Ordinaire, selon qu’il fait comparaître à son tribunal un évêque ou un simple clerc. Le juge laïque qui

néglige de se munir de l’autorisation requise, sera frappé par son évêque, mande expressément le Code, de peines en rapport avec la gravité de sa faute. Ibid., can. 2341. Sa faute est donc estimée grave. Mais ne peut-on supposer que l’ignorance, la coutume suivie, le droit public qui lui enjoint de juger toute espèce de cause, l’excusent assez souvent, au moins de la faute mortelle ? Des auteurs avant la promulgation du Code l’ont pensé.

4° L’intégrité est la qualité morale du juge qui l’honore le plus. La justice légale ou le bien public non moins que la justice commutative ou le droit des particuliers lui en font une obligation. Elle consiste à observer l’équité en tout et avec tous, à ne se laisser corrompre ni fléchir par rien, ni par la passion, ni par la faveur, ni par la parenté ou l’amitié, ni par les prières, non plus que par les présents. N’est-ce pas ce que Moïse prescrivait aux vieillards établis juges d’Israël : Quod justum est judicate ; sive civis sit ilte sive peregrinus. Nulla erit distantia personarum ; ita parvum audietis ut magnum ; nec accipietis cujusquam personam, quia Dei judicium est. Deut., i, 16, 17. Le juge ne peut accepter un présent de quelque importance ; la loi divine et la loi humaine, tant civile que canonique, le lui défendent expressément. Code, can. 1624. Il lui est interdit plus encore de recevoir une somme d’argent qu’on lui remettrait, pour qu’il octroie un tour de faveur à une affaire ou pour qu’il avantage une des parties de préférence à l’autre, lorsque toutes les deux ont pour elles une opinion également probable. Un juge est obligé de rendre tout ce qu’il a extorqué par la violence, les menaces ou d’injustes vexations. Il est tenu de même de restituer les dons reçus, lorsqu’une sentence l’y condamne ; mais il peut conserver des présents offerts à l’occasion d’une affaire heureusement terminée, s’il ne les a point exigés ni directement ni indirectement. Le juge à qui on a versé une somme d’argent à l’effet d’en obtenir une juste sentence n’a aucun droit de la garder : une décision équitable est rigoureusement due et ne peut être l’objet d’un pacte. Le prix d’un jugement injuste avant qu’il soit rendu, doit être restitué ; mais la sentence une fois prononcée, il appartient au juge comme le salaire de son iniquité, en vertu du contrat do ut facias.

IL Les obligations du juge. — 1° Le juge doit instruire consciencieusement la cause portée à son tribunal. — Un juge a le devoir d’apporter à l’examen et à la conduite d’un procès toute l’attention et toute la diligence que réclame une affaire importante. Il y est tenu en vertu de l’engagement ou quasi-contrat, qui le lie vis-à-vis de l’autorité publique et des particuliers. C’est de l’autorité publique qu’il tient sa charge et les citoyens attendent sa juste décision. Il pécherait donc contre la justice légale et il compromettrait les intérêts des justiciables, ou s’il agissait avec trop de hâte, ou s’il se montrait négligent dans l’instruction de la cause, ou encore s’il retardait notablement et sans raison légitime la conclusion d’une affaire, au risque que le bon droit ne succombe. Et dans le cas où il y aurait eu de sa part une faute théologique et grave, il répondrait du dommage causé ; il devrait par conséquent, indemniser celle des parties qui aurait souffert ou de sa précipitation ou de son incurie ou de ses lenteurs. Notons encore qu’un juge a le devoir de se montrer réservé et circonspect dans les enquêtes et poursuites qu’il ordonne, afin que soit sauvegardé autant que possible, ou du moins que ne soit pas sacrifié injustement le bon renom des personnes. Ceci fait également partie du soin et de la conscience à apporter dans l’instruction d’un procès.

2° Le juge doit juger conformément aux lois, pourra du moins qu’elles soient justes. — Il administre la