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    1. JUGES (LIVRE DES)##


JUGES (LIVRE DES), LE MILIEU

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période des Juges n’aurait guère duré plus d’un siècle ; si on place l’exode à l'époque de la correspondance d’El-Amarna, elle aurait duré environ trois siècles. Sur cette question encore pendante, disons seulement que les données chronologiques du Livre des Juges appuient l’hypothèse de la durée la plus longue.

II. Le milieu.

Le milieu ethnique.

Les Hébreux de la période des Juges se trouvaient mêlés

à une population indigène, que les massacres de la conquête avaient décimée mais non pas exterminée. A l’est du Jourdain, leurs possessions formaient des enclaves dans les territoires des Moabites et des Benè-Ammôn ou bien ils occupaient des territoires amorrhéens et geshourites. A l’ouest du Jourdain, les indigènes se répartissaient en de nombreux dans : Amorrhéens, Cananéens, Hittites, Perizzites, Hiwwites, Girgashites, Qedémites, Rephaïm, Jébuséens. De ces indigènes, les uns, réduits à l'état de serfs ou d’esclaves, vivaient dans la maison de leur maître Israélite pour lequel ils travaillaient ; d’autres, considérés comme gêr ou étrangers domiciliés, résidaient à ses côtés et profitaient de sa protection : d’autres enfin possédaient des quartiers dans les agglomérations peuplées d’Hébreux, des champs au milieu des terres Israélites et même, en plus d’un endroit, des villes et des villages soit autonomes, soit tributaires, où ils continuaient à vivre comme leurs pères y vivaient avant la conquête. Ces diverses possessions restèrent pour une grande part entre leurs mains pendant toute la période des Juges et même jusqu’au temps de David et de Salomon. Toutefois, grâce aux deux grandes victoires remportées par Josué, les Cananéens avaient perdu presque toute cohésion. Jamais ils n’avaient formé une nation unique ; maintenant émiéttés et fort inégalement distribués sur le territoire dont les conquérants s'étaient emparés, ils étaient moins que jamais capables de se réunir tous pour refouler ou écraser leurs adversaires. Mais ils étaient encore riches, puissants, bien armés dans les villes et partout se montraient disposés à défendre ce qui leur restait de biens et de liberté.

La densité et la puissance de cette population cananéenne variaient beaucoup avec les diverses régions.

Deux d’entre elles étaient encore solidement occupées parles anciens habitants : la plaine de Jézraël ou d’Esdrelon et les hauteurs avoisinantes au nord et au sud, puis la région montagneuse, de Gézer à Jérusalem. Les places fortes non soumises formaient en ces deux points une double barrière qui coupait en trois les possessions hébraïques et qui retardera notablement l’union des tribus en un corps de nation.

Au sud de Juda, les tribus de Caleb, Qenaz, Qaïn et Yerahmeël, qui semblent avoir été d’origine édomite, occupaient une bonne partie des Négébs, y compris la ville d’Hébron. Mais elles étaient unies à Juda et se fondront définitivement avec lui au temps de David.

Au cours du xii c siècle avant Jésus-Christ, enfin, les Philistins s'établirent dans la plaine côtière, du Carmel au sud de Gaza, avec leurs congénères les Zakkalas, les Cretois et les Plêthis. Ils ne tardèrent pas à pénétrer dans la région montagneuse et, dans les villes des confins, se mêlèrent à la population hébraïque.

Les Hébreux ne vécurent pas à l'écart de ces païens. Des mariages les unirent a eux, malgré la prohibition de la Loi, et ils nouèrent des rapports amicaux avec eux pour s’initier à la civilisation du pays. Les conflits et les guerres qui les séparèrent et les opposèrent parfois les uns aux autres purent retarder celle fusion ; mais ils ne l’arrêtèrent point.

'.elle longue survivance dis Cananéens et la date tardive de leur asservissement définitif montrent à

quel point la Terre promise, enfin passée dans les mains des Hébreux, restait, malgré les hécatombes de la conquête, une terre profondément cananéenne. Les deux peuples vécurent plusieurs siècles côte à côte, partageant les mêmes occupations, pliant sous les mêmes fléaux, se grisant des mêmes espoirs matériels et ne répugnant pas à mêler leur sang. Les conséquences de cette fusion intime et prolongée furent peutêtre avantageuses pour le développement matériel d’Israël ; elles furent désastreuses pour sa religion. Selon l’image de l'Écriture, Is., v, 1, 2 ; Jerem., ii, 21 ; Ps., lxxix, 9-17, cette belle vigne d’Israël aux longs rameaux feuillus, au cep généreux, aux racines avides puisant leur suc en tous sens, cette vigne luxuriante que Jahvé venait de planter avec amour dans son propre domaine, ne pouvait tirer de cette terre imparfaitement préparée par ceux qui en avaient reçu la mission qu’une sève chargée de beaucoup d’impuretés. D n’est pas surprenant que nous devions la voir parfois languir, « donner du verjus au lieu de raisin, » se faner et s'étioler tellement qu’on la croirait près de périr. L'étonnant, c’est qu’Israël, qu’elle symbolise, ait pu survivre malgré tous ces contacts pernicieux, surmonter la contagion qui le pénétrait de partout, s’assimiler largement tous les éléments qui ne contrariaient pas sa nature, et, même en partie souillé des résidus impurs qui s’attachaient à lui, finir par rester vivace, fécond et riche en fruits de choix.

Le milieu social.

Établies à demeure dans le

pays de Canaan, qui était principalement un pays de culture, mékes partout par le simple voisinage et en maints endroits par des mariages à une population adonnée depuis longtemps au travail de la terre, les tribus hébraïques devaient fatalement délaisser la grande vie pastorale pour s’appliquer à l’agriculture. C’est pendant la période des Juges d’Israël que s’opéra cette transformation grave et profonde. Il y fallut un temps notable, peut-être le temps de plusieurs générations, car les Hébreux, arrivés dans le pays en migrateurs et en conquérants, n’avaient, pour la plupart, ni le goût ni la pratique de ce genre de travaux. Sans doute, dans le Négéb au temps des patriarches, dans la terre de Gessen pendant le séjour en Egypte et à l’oasis de Cadès pendant le séjour au désert, des Hébreux s'étaient adonnés à l’agriculture. Mais ceux qui arrivèrent en Canaan représentaient la génération née dans la presqu'île du Sinaï où ils avaient dû vivre, pour une part notable, de la vie des nomades. De plus Canaan avait ses productions particulières. Aussi n’est-il guère douteux que les nouveaux possesseurs de la Terre promise durent apprendre, sur les procédés agricoles, beaucoup de choses auprès des Cananéens. D’autre part, ceux-ci avaient réussi à se réserver presque tout le commerce intérieur ; c'était à ce point que >< Cananéen » deviendra synonyme de « marchand » ; ils avaient conservé les meilleures villes des plaines, où passaient les grandes routes, et en faisaient tout autant d’entrepôts défendus par de solides murailles ; s’ils perdirent celles de la plaine du littoral, notamment ce grand marché qu'était Gaza, à l’extrême sud de Canaan, ce furent les Philistins et non pas les Hébreux qui les leur enlevèrent. Le commerce international par caravanes était une entreprise dont s’occupaient surtout des étrangers d’origine nomade, Arabes, Ismaélites, Madianites. Enfin le commerce maritime et la grande pêche étaient accaparés par les Phéniciens, les Égyptiens, les Égéens et les Philistins.

Les Hébreux s’adonnaient donc à peu près tous à le vie agricole ; ce n’est guère que dans l’extrême sud judéen, et en quelques régions de la Tiansjonlane que quelques-uns d’entre eux menaient encore la vie