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1817 JUGEMENT, SYNTHÈSE THÉOLOGIQUE : JUGEMENT GÉNÉRAL 1818

tuelle, spécialement de l’incomparable sagesse, que lui confère l’union hypostatique, et aussi par fonction, en vertu de son rôle comme Rédempteur et chef du genre humain. Mais ceci n’empêche qu’il le soit également devenu par mérite personnel. Et (amen eliam ex merilo eam (potestatem) obtinuil, ut scilicet secundum Dei justitiam judex esset, qui pro Dei justitia pugnavit et vieil, et injuste judicalus est. Sum. theol., q. lix, a. 1-3. Cf. Suppl., q. xc, a. 1. Doctrine commentée par Suarez, op. cit., disp. LU, sect. i, p. 997-1002, qui précise la nature de ce pouvoir en ces termes : Hœc Christi potestas est inferior divina, et hoc sensu dici potest ministerialis ; tamen est suprema inter omnes quæ creaturis communicatæ sunt, et hoc modo vocari potest potestas judiciaria singularis excellentise. Ibid., 9, p. 1001.

Suarez se demande également à quel moment ce pouvoir a commencé et il conclut que c’est ab initio incarnalionis, encore que l’usage en dût être reculé jusqu’aux jours de sa gloire. Ibid., 11, p. 1001-1002. Voir également J. Bautz, Wellgericht und Wellende, Mayence, 1886, p. 191-199.

A ce même principe se rattache laparousie du Christ, c’est-à-dire son retour glorieux dans ce monde où il est d’abord venu souffrant et humilié. Car, en théorie, on pourrait concevoir que le Christ exerce son pouvoir judiciaire sans quitter le ciel. Mais la revanche ne serait pas complète si elle ne se produisait dans les mêmes conditions. Ainsi la raison réclame comme une suprême convenance ce second avènement que l’Écriture annonce partout comme un fait. Suarez, disp. LUI, sect. ii, p. 1013-1018.

2. Rôle auxiliaire des anges et des saints.

A plusieurs reprises, dans l’Ancien et le Nouveau Testament, on trouve mention de créatures associées au jugement divin. Les théologiens ont distingué à ce propos, après saint Thomas, diverses manières de juger.

Il en est de purement métaphoriques, comme celle qui résulte de la comparaison objective des actes : c’est ainsi que les Ninivites et la reine de Saba jugeront les Juifs au jour du jugement. Matth., xii, 41. D’autres fois il peut y avoir jugement interprétatif, dans le cas de quelqu’un qui s’associe par consentement à une sentence qu’il n’a pas été admis à porter : c’est ainsi que l’on entend d’ordinaire le jugement des saints sur le monde, énoncé dans Sap., iii, 8 et I Cor., vi, 2. Enfin il est parfois question d’une véritable participation au jugement, comme dans Matth., xix, 28 et Luc, xxii, 30. A ce propos tous les théologiens ont pensé aux assesseurs qui siègent à côté du juge et ont une certaine part à son verdict. Mais encore ce rôle peut-il être diversement compris.

Saint Thomas rapporte une opinion qui accorde seulement aux saints une place d’honneur au jugement : judicabunt scilicet per honorabilem assessionem, qui superiores cœteris apparebunt in judicio, obviantes Christo in aéra. C’est le sentiment adopté par saint Bonaventure. In IV Sent., dist. XLVII, a. 1, q. i, édition de Quaracchi, t. iv, p. 971. Le docteur angélique demande un peu plus, savoir une collaboration au jugement lui-même : hoc modo perfecti viri judicabunt, quia alios ducent in cognilionem divinæ sententiæ, ut sciant quid juste pro meritis eis debeatur, ut sic ipsa revelatio justitiæ dicatur judicium. In IV Sent., dist. XLVII, q.i, a. 2, sol. 1, p. 419, et Sum. theol., Supplem., q. lxxxix, art. 1. En quoi il est généralement suivi par la théologie postérieure. Voir S. Alphonse de Liguori, Dissert., VI, v, 4, p. 361 ; Katschthaler, op. cit., p. 543 et Bautz, op. cit., p. 209-215.

Ce privilège est réservé formellement par le Christ à ses apôtres ; mais, comme il est motivé par leur renoncement, beaucoup de théologiens retendent volontiers à tous ceux qui les ont suivis dans les voies de la pauvreté parfaite. Voir saint Thomas, loc. cit., sol. 2, i

p. 419, et Suppl., q. lxxxix, a. 2. D’autres cependant, comme Oswald, op. cit., p, 348-349, mettent davantage l’accent sur la fonction proprement apostolique et se représentent volontiers qu’à la suite des Douze les apôtres modernes conduiront au tribunal divin les peuples qu’ils ont convertis et se prononceront avec le Christ sur la manière dont ceux-ci ont utilisé le don de la foi.

On pourrait être tenté de croire, d’après Matth., xxv, 31, que les anges auront part au jugement comme les saints. Mais saint Thomas fait observer que, le juge étant le Christ dans son humanité, ses assesseurs doivent être de même nature. Tout au plus peut-on dire que les anges jugeront au sens impropre, scilicet per sententise approbationem, ou encore qu’ils joueront le rôle de témoins. Angeli cum Christo venient, non ut judices, sed ut sint lestes humanorum actuum. In IV Sent., loc. cit., sol. 3, p. 420, et Sum. theol., Supplem., q. lxxxix, a. 3. Rien ne s’oppose, bien entendu, à ce qu’ils soient préposés à la séparation des bons et des méchants, qui leur est expressément attribuée par l’Évangile. Matth., xiii, 39-41 et xxiv, 31.

Circonstances du jugement général.

Au lieu

d’être laissée dans l’Écriture à l’état de vérité abstraite, la doctrine du jugement s’y présente d’ordinaire sous forme de tableaux aux vives couleurs. La tentation devait venir de ramasser ces différents traits, de manière à reconstituer la scène entière.

Et ce ne sont pas seulement les artistes ou les prédicateurs qui y ont cédé. On peut retrouver jusque dans certains manuels de théologie qui furent longtemps classiques tout l’appareil populaire du jugement : rassemblement de l’humanité dans la vallée de Josaphat ; apparition du Christ sur un char de nuées, précédé de la croix et escorté d’anges innombrables revêtus pour la circonstance de corps brillants ; trônes élevés et visibles de loin pour le juge et sans doute aussi pour les assesseurs ; séparation des bons et des méchants en deux groupes opposés ; discussion des consciences et manifestation publique des résultats de l’enquête ; proclamation à haute et intelligible voix de la sentence dont l’Évangile rapporte la teneur. Voir la Theologia dogmatica et moralis connue sous le nom de théologie de Clermont, Paris, 7e édit., 1895, t. ii, p. 272-277.

Il n’est pourtant pas un seul de ces énoncés qui dépasse la valeur d’une pieuse opinion et, sur la plupart de ces points, la meilleure théologie catholique a fait depuis longtemps plus ou moins grande la part du symbole. Cette méthode, déjà suggérée par la seule critique rationnelle, s’impose de plus en plus à mesure que les exégètes réalisent mieux les habitudes littéraires des narrateurs bibliques. Dans ces conditions, le respect même de la tradition catholique oblige à ne sacrifier aucun de ses éléments constitutifs et le devoir du théologien est moins de prétendre trancher toutes les questions que d’accepter loyalement la divergence des réponses, avec la part de légitime liberté qui s’ensuit dans les limites autorisées par l’Église. Plus que jamais s’impose la remarque de saint Thomas : Qualiter illud judicium sit futurum et quo modo homines ad judicium convenient, non potest multum per certitudinem sciri. In IV Sent., dist. XLVIII, q. i, a. 4, sol. 4, p. 444, et Sum. theol., Supplem., q. lxxxvhi, a. 4.

1. Signes précurseurs du jugement.

Il est dans le style biblique que le jugement dernier soit annoncé par de grandes catastrophes, cosmiques et sociales, et leur explosion sera telle, à un moment donné, que les plus aveugles se rendront compte que l’avènement du Seigneur est proche. Matth., xxiv, 33. Pour le détail et la valeur de ces signes, voir Parousie. Mais on sait que la signification n’en est rien moins que précise et l’histoire est déjà longue des interprétations démentie »