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    1. JUGEMENT##


JUGEMENT, SYNTHÈSE THÉOLOGIQUE : JUGEMENT GÉNÉRAL

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mas, le jugement général est appelé par le dogme fondamental de la Providence, de manière à réaliser dans le monde l’ordre moral que Dieu y avait primitivement voulu, mais que les anomalies du péché ont, depuis, tant contribué à obscurcir.

Si, en effet, le jugement particulier a pour but de redresser les situations individuelles, n’en faut-il pas un autre pour rétablir comme il convient ce qu’on peut bien appeler la situation d’ensemble’? Unde necesse est ut sit aliud judicium universale correspondais ex adverso primée rerum production ! in esse, ut videlicet, sicut lune omnia processerunt immédiate a Deo, ita nunc ultima complelio mundo detur, unoquoque accipienle fmaliter quod ei debetur secundum seipsum. Unde et in illo judicio apparebit manifeste divina justifia quantum ad omnia quæ nunc ex hoc occultantur quod interdum de uno disponitur ad utilitatem aliorum aliter quam manifesta opéra exigere videantur. Unde eliam et tune erit universalis separatio bonorum a malis, quia ulterius non erit locus ut mali per bonos vel boni per malos proficianl. In IV Sent., dist. XLVII, q. i, a. 1, sol. 1, p. 415, et Sum. theol., Suppl., q. Lxxxviir, a. 1. La valeur de cet argument est proportionnée à celle du principe de finalité qui en est la base. Or qui voudrait douter que le règne intégral de la justice ne soit postulé par la notion chrétienne de Dieu ?

Il est d’ailleurs certain que cette justice idéale ne peut trouver son épanouissement complet avant la fin des temps. Jusque-là toutes sortes de raisons subsistent qui en entravent le cours et laissent en suspens le plus clair de nos responsabilités individuelles. Saint Thomas le fait observer très justement : Licel per mortem vita hominis temporalis terminetur secundum se, remanel lamen ex fuluris secundum quid dependens. Et le docteur angélique d’analyser avec une minutieuse précision ces diverses formes de « dépendance », où s’affirme en ce monde la répercussion indéfiniment complexe des actes humains. C’est la réputation, qui est si rarement conforme aux mérites de chacun ; la famille, qui ne répond pas toujours à la valeur morale du père ; la suite de nos œuvres qui se prolonge sans fin, de telle sorte que le monde souffre encore de l’hérésie d’Arius ou bénéficie de la foi des apôtres ; le corps, qui tantôt reçoit une sépulture honorable, tantôt gît dans l’abandon ; ce sont les objets divers de notre activité, dont les uns passent vite et les autres durent plus longtemps, alors qu’ils constituent devant Dieu une réalité perpétuelle qui attend son verdict. Et ideo de his omnibus perfeclum et manifestum judicium haberi non potest, quamdiu hujus lemporis cursus durât : et propler hoc oporlet esse finale judicium in novissimo die, in quu perfecte id quod ad unumquetnque hominem pertinet quoeumque modo perfecte et manifeste judicetur. Sum. theol., III 1, q. lix, a. 5. Texte longuement commenté dans Suarez, op. cit., n. 4, p. 1010-1012.

2. Applications diverses. — De cette raison fondamentale découlent des applications secondaires, faciles à comprendre et à diversifier, qui tiennent plus ou moins de place dans la théologie courante du sujet. Elles se ramènent a la glorification de Dieu, du Christ et des saints. Voir Bellarmin, op. cit., c. (>, p. 101 ; Katschlhaler, op. cit., p. 533-536 ; Oswald, op. cit., p. 344-315.

a) l’ai rapport à Dieu. — Assurément Dieu se sullit ; il convient cependant qu’il recueille, en fin de compte, la gloire extérieure qui lui revient du chef de ses œuvres et, en particulier, que la sagesse de son gouvernement providentiel éclate à tous les yeux. Or qui ne Sait que cette dernière semble mise en

défaut parles désordres apparents de ce monde, où les impies trouvent matière à blasphème et les justes eux-mêmes l’occasion d’un scandale trop fréquent ? Voilù pourquoi il convient que la justice de Dieu finisse par

éclater au grand jour, de manière à forcer l’adhésion de tous. Quiconque croit en Dieu ne peut pas ne pas admettre qu’il aura le dernier mot sur l’ignorance ou la malice humaine et que l’heure viendra où, bon gré mal gré, toutes les créatures raisonnables devront lui rendre hommage.

b) Par rapport au Christ. — Fils et envoyé de Dieu, le Christ participe aux injures qui atteignent le nom de son Père. Lui-même ne cesse, depuis les jours de son pèlerinage terrestre, d’être un signe de contradiction. Ne faut-il pas que ses bienfaits de Rédempteur et de Sauveur soient publiquement reconnus, que les avanies dont il est l’objet reçoivent une éclatante compensation ? S’il n’a pas recherché sa propre gloire ici-bas, il en a remis à Dieu le soin, Joa., viii, 50, 54 et xvii, 4-5, et cette confiance ne saurait être déçue. Voilà pourquoi avec saint Paul tous les croyants attendent son règne comme une dette, sinon comme une revanche, I Cor., xv, 25-26, et en placent l’inauguration au jour du jugement. Rom., xiv, 9-11.

c) Par rapport aux hommes. — A un degré moindre, mais pourtant réel, la Providence de Dieu est intéressée à la glorification de ses serviteurs et à l’humiliation de ses ennemis. Bien que le témoignage de la conscience doive suffire à chacun pour sa récompense ou son châtiment, n’est-il pas équitable que soient révélés les secrets des cœurs, I Cor., iv, 5, pour faire apparaître au monde le mérite des justes obscurs ou méconnus et démasquer dans l’ignominie l’injustice triomphante des méchants ? Il ne sagit pas ici d’un vain amour-propre ou de mesquines représailles, mais de rendre à chacun ce qui lui est dû.

Telles sont les principales considérations par lesquelles théologiens et prédicateurs s’appliquent à montrer la raison d’être du jugement général, même après le jugement particulier. Elles sont prises au cœur même du système chrétien : ce qui leur donne une force probante aux regards du croyant. Même s’il n’en réalisent pas toute la portée, les autres ne doivent-ils pas admettre tout au moins qu’elles expriment le noble idéal d’un monde organisé pour le triomphe définitif du bien ?

Auteur du jugement général.

D’après les données

fermes de la tradition chrétienne, le jugement dernier sera l’œuvre personnelle du Christ, avec une certaine participation des anges et des saints qui reste à déterminer.

1. Rôle principal du Christ.

Acte divin dans l’Ancien

Testament, le jugement est devenu, dans le Nouveau, l’acte messianique par excellence. De ce fait partout énoncé, le quatrième Évangile donne ainsi la raison : « Le Père lui a donné le pouvoir d’accomplir le jugement, parce que c’est le Fils de l’homme. » Joa., v, 27. Où tous les théologiens ont vu que le suprême pouvoir judiciaire doit être considéré comme un attribut du Christ en tant qu’homme. In hoc universali judicio futurum esse judicem Christum dominum, non solum per diuinilatem, sed eliam proxime per humanilalem suam : conclusio est defide. Suarez, op. cit.. n. 5, p. 1012. Ce qui s’entend d’un pouvoir délégué : car la primœva auctoritas judicandi appartient toujours et ne saurait appartenir qu’à Dieu. Voir saint Thomas, Sam. theol., III 1, q. lix, a. 2. Cf. Suarez, dis]). LU, sect. i, n. 4, p. 998 : Dicendum est hanc potestatem. .. non esse primariam, sed secundariamel quasi ex commissione Dei datant.

Le docteur angélique distingue divers titres qui Justifient ce privilège du Christ : Judiciaria potestas homini Christo competil et propler divinam personam, et propler capilis dignitatem, et propler plenitudineni gratise habilitons. C’est-à-dire que le Verbe incarné est juge d’abord par nature, à raison de l’excellence spiri-