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L803 JUGEMENT, SYNTHESE THÉOLOGIQUE : JUGEMENT PARTICULIER 1804

reproduit d’après Mai dans P. L., t. xcvi, col. 13791386.

c) Jugement particulier : Attestations directes. — Est-il besoin de dire que ce discernement des mérites ne va pas sans un véritable jugement ? Par habitude néanmoins, ce nom est généralement réservé au jugement final. In die retributionis, dit saint Léon de la parousie. Serm., ix. 2, P. L., t. i.iv, col. 101 ; cf. Serm., xlv, 3. col. 290. El si cette divine intervention tarde, encore est-elle anticipée dès ici-bas par la conscience de chacun. Serm.. XXXV, 3-4, col. 252. Judicium omne in diem servaiit uruim, écrit expressément saint Pierre Chrysologue. Serm., xlii, P. L., t. lii, col. 319. Cf. Serm.. xiv. col.322-323 : Serm., xlvii, col. 332-333. Et Cassiodore : Illud judicium singulari numéro dicitur ubi boni maliquedividuntur. In Ps. Ai///, l(), P.L., t. lxx. col. 141. Règle qu’il observe fidèlement dans la suite. Voir Ps. XX vi, a et 28, col. 259-266 ; Ps. XL, col. 290 : Ps. XLix. col. 349-350. De même pour saint Césaire d’Arles, le % tribunal du Christ » est toujours celui du dernier jugement. Voir Césaire, t. ii, col. 2182-2183. Saint Grégoire n’en a pas d’autre en vue quand il écrit : Qualis hinc quisque egreditur talis in judicio jira’sentatur. Dial., iv, 39, P. L., t. lxxvii, col. 396. Cf. Mor., XV, xxx-xxxiii, 36-39, P. L., t. lxxv, col. 1099-1102.

Cependant ce jugement reçoit çà et là des qualificatifs qui en laissent deviner un autre. Magnum suum judicium, dit saint Léon. Serm., x, 2, P. L., t. liv. col. 165. Et saint Grégoire : Districtio extremi examinis. Moral., IV, xxxvi, 71, P. L., t. lxxv, col. 677. Cf. ibid., XVIII, viii, 15, P. L., t. lxxvi, col. 45-46. Ou encore : In extremo examine. Ibid., VIII, liv, 90, P.L., t. lxxv, col. 857. Cf. XIV, lix, 79, col. 1081-1082 ; XXI, xxii, 30, P. L., t. i.xxvi, col. 211-212. De fait, dans les perspectives du jugement général, on voit poindre assez nettement le jugement particulier.

Xon seulement la rhétorique des prédicateurs occidentaux a tait bon accueil à l’imagination origéniste des démons scrutateurs. Voir Ucvuc des sciences religieuses, 1924, p. 54-63. On la retrouve par allusions chez saint Césaire d’Arles, Serm., xii, 4, P. L., t. xxxix. col. 1764 ; plus développée chez saint Grégoire le Grand, soit au jugement général où le démon fait ligure d’accusateur, In 1 Reg., , iii, 11, P.I… t. lxxix, col. 343, soit au moment de la mort où il apparaît tantôt comme exécuteur et bourreau. In Evang., 1.Il nom. xxxix, 1-5, P. L., t. lxxvi, col. 1296-1297. tantôt également comme contrôleur des âmes, ibid.. 8-9, col. 1299. De là elle est passée dans Isidore de Séville. Sent., III, lxii, 10-11, P. L., t. i.xxxiii. col. 736-738. Bide a recueilli dans son Histoire ecclésiastique l’anecdote du chevalier à qui les anges montrent, sur son lit de mort, la mince liste de ses bonnes œuvres, tandis que les dénions lui présentent l’énorme rouleau de ses péchés. II. E., v, 13, P. L., t. xi.v, col. 253. Il ne faut évidemment voir là qu’une façon populaire d’exprimer le jugement divin. La preuve en est que le même Bède raconte à côté l’histoire du moine relâché qui se voit conduit au bord de l’enfer et répond à ses frères qui l’exhortent à la pénitence : Non est mini modo tempus vilam mutandi, cum ipse viderim JUniCIUM mkui jam esse complelum.lbid., v, 14, col. 251. Dans l’homélie même où il montre LddiKiii réclamant et recevant l’Ame coupable, saint Grégoire présente Dieu sous la figure d’un juge : Alioquin nilrersarius judiei et index trudet exactori. In Evang.fi. 11, nom. xxxix, 5, P. L., t. lxxvi, col. 1297. Mais on rencontre aussi la mention incidente du jugement particulier en dehors de cet appareil imaginattf.

Sans doute laul-il entendre dans ce sens cette parole (le saint Pierre C.hrysologue à propos de l’économe infidèle : Kedde ralionem villicationis tua… (Juare ?

Quia venit finis vilæ, tempus mortis ; jam te apparilio suprrna constringit, jam judicium vocat. Serm., cxxv, P. I.., t. lu. col. 544. Il n’est pas possible de se méprendre sur la pensée de saint Grégoire. Dies judicii porta reqni, prononce-t-il. Moral.. VI. vii, 9, P. L., t. lxxv col. 734. Or l’on a vu que, pour lui, l’entrée dans le royaume a lieu pour les justes immédiatement après leur mort. Ces deux prémisses ne devaient-elles pas normalement se rapprocher pour faire jaillir le jugement particulier comme conclusion ?

Ainsi en est-il dans un long passage où il expose les terreurs de l’âme juste à l’approche de la mort. Conversus quisque sibi caute sollicilus tacite secum considerare non cessai seternus judex quam dislrictus adveniat. Sans doute la pensée du jugement divin ne quitte jamais l’âme croyante ; mais elle devient angoissante quand arrive l’heure de rendre ses comptes. Cum de his omnibus semper judicia districta perlimescant. lune tamen hxc vehementer metuunt cum, ad solvendum humanee condilionis debitum venienles, districto junici appropinquare se cernunl. Et fit tanto tremor acrior quanto et relributio œterna vicinior… Urgente solutione carnis, quanto magis districtum judicium jamjamque quasi tangitur, tanto vehementius formidatur. L’angoisse du Sauveur au jardin des Oliviers exprime celle de notre propre agonie, cum per solulionem carnis aterno propinquamus judicio. Moral., XXIV, xi, 32, P. L., t. lxxvi, col. 305 ; cf. ibid., VII. xxix. 38, P. L., t. lxxv, col. 788 : Labores in vacuum perdidil qui secum ante judicem nihil lulit… Ad examen quippe judicii portante ; manipulos veniunt qui in semetipsis recta opéra…ostendunt.Woir également VIL xxvii. 33, ibid., col. 783-784 : VIII, xv-xvi, 30-32, col. 819-820 ; VIII. xxxiv, 57, col. 836-837 ; XVI, xl, 50, col. 1115 : XXI, v, 10, P. L.. t. lxxvi, col. 195 ; XXXI. xxvi. 51-52 : ibid., col. 601-002.

Tous ces textes peuvent n’être pas également décisifs ; mais leur ensemble, éclairé par quelques passages formels, constitue une série qui impose d’admettre que, pour saint Grégoire, le sort de l’homme est réglé au moment de sa mort par un acte du divin juge. Il ne restait qu’à appliquer à cet acte le mot de jugement particulier ; mais ce mot la théologie du vi c siècle ne le fournissait encore pas. En réalisant ce dernier progrès, le Moyen Age ne fera que mènera son terme l’œuvre d’-analyse dont l’antiquité avait toujours conservé les éléments et progressivement réalisé l’élaboration.


VI. Synthèse théolooique : Le jugement particulier.

Pas plus au Moyen.Age que chez les Pères, l’eschatologie ne devait passer au premier pian de la spéculation théologique. Cependant elle ne pouvait pas ne pas recueillir le bienfait du mouvement général qui portait alors les esprits à systématiser les données de la foi. Lin des résultats de la scolastiquc fut d’accorder une place distincte et, par conséquent, une plus grande attention aux fins dernières de l’individu.

Le fait est frappant chez Hugues de Saint-Victor, chez qui l’on a pu dire que « nous trouvons le premiet traité complet d’eschatologie. » J. Tunnel, Hisl. de la théologie positive depuis l’origine jusqu’au concile de Trente, Paris, 4e édition, 1904, p. 356. En effet, lorsqu’il aborde la question des fins dernières, dans le De sacranwnhs, il traite d’abord De morientibus seu de fine hominis, t. II, ]). xvi, P. L., t. ci.xxvi, col. 579-596, puis De fine sseculi, p. xvii, col. 597-609. Sans doute, à para pos de la destinée personnelle, s’atlachc-t-il davantage aux sanctions qu’au jugement qui les décerne. Mais i ! enseigne très clairement que la mort termine le temps de notre épreuve et fait succéder au jour de l’homme le jour de Dieu, part, xvi, 2, col. 589-581. Incidemment Dieu y est même appelé notre juge, ibid.. col. 584. Mieux encore que ces détails, le plan même de l’auteui marque le renversement des perspectives eschatolo