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1799
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JUGEMENT. PÈRES LATINS : IVe -YIIIe SIÈCLES


De civ. Dei, XX, xxi, 2, t. xli, col. 692 : justice d’ailleurs déjà inaugurée par la fureur qui les anime envers le Christ et les ronge à l’égal d’un feu dévorant. In Ps. sevj.G.t. xxxvii. col. 1240-1241. D’autres fois cependant le feu purificateur tient une place mal définie au moment même du jugement, à tout le moins pour quelques âmes. De civ. Dei, XX, xxv, t. xli, col. 700 : apparere in illojudicio quasdam quorumdam purgatorias pœnas futuras. Pour exprimer la séparation des âmes qui s’ensuivra, Augustin semble tenir à la distribution réelle en deux groupes opposés, à la droite et à la gauche du juge, ainsi qu’au prononcé littéral de la sentence. Voir In Ps. Lxxxr, 21, t. xxxvii, col. 10961097 ; Serm., xlvii, 3-4, t. xxxviii, col. 296-297. Avec le Christ siégeront les apôtres et les saints, In Ps. XLix, 8-11, t. xxxvi, col. 570-572 et In Ps.XC, serm. i, 9-10, t. xxxvii, col. 1156-1158. Ce qui doit s’entendre sans nul doute, comme pour les habitants de Ninive.du contraste qui éclatera entre leur sainteté et la conduite des pécheurs. De civ. Dti, XX, v, 1-3, t. xli, col. 662-663.

Le livre qui sera ouvert ne peut pas davantage être pris à la lettre et ne signifie pas autre chose que la conscience de chacun. A’on ergo unus liber erit omnium, sed singuli singulorum… Qusedam igitur vis est intelligenda divina, qua fiel ul cuique opéra sua, vel bona vel mala, cuncta in memoriam revocentur et mentis intuitu mira celerilale cernantur, ut accuset vel excuset scienlia conscientiam atque ita simul et omnes et singuli judicentur. Cependant, comme il n’y a pas de jugement sans code, les saintes Écritures y seront réellement ouvertes, ut in illis ostenderetur quæ Deus fieri sua mandata jussisset. 7ft/rf., xiv, col.680. Ainsi le jugement pourra-t-il sans doute être court ; mais nous n’avons aucun moyen d’en savoir la durée : Per quot dies hoc judicium tendatur incertum est. Ibid., i, 2, col. 659.

b) Jugement particulier. — Que deviennent les âmes en attendant le jugement final ? La question devait d’autant plus se poser pour Augustin qu’il n’admet pas la proximité de la parousie.

M. Tunnel a écrit que, « selon saint Augustin, l’âme privée de son corps n’a qu’une sensibilité obtuse. » D’où il suivrait logiquement que « son sytème ne laissait guère de place pour des épreuves à subir entre la mort et la résurrection. » Revue d’hist. et de lill. relig., t. v, 1900, p. 227, cf. p. 99. En réalité, l’évêque d’Hippone s’est expressément occupé de cet état intermédiaire, et pour dire que les âmes y reçoivent déjà, sous forme de supplice ou de bonheur, la sanction de leurs actes : Hoc medio lempore inter depositionem et receplioncm corporis, secundum ea quæ gesserunt per corporis lempus, sive cruciantur animw sine requiescunt. De Prædesl sanct., xii, 24, t. xliv, col. 977-978. Même position dans Ench., 109, t. xl, col. 283. Autres références à l’art. Augustin, t. i, col. 2445, auxquelles on ajoutera In Ps. xxxiii, seim. ii, 24-25, t. xxxvi, col. 321-322. Sans doute, « à la résurrection, supplices et récompenses des âmes recevront, d’après Augustin, un complément bien plus substantiel que la théologie ne l’enseignera plus tard. » E. Portalié, ibid., col. 21 17. Mais, pour incomplètes qu’elles soient encore, ces premières sanctions n’en sont pas moins réelles et il est évident qu’elles ne se comprennent pas sans un jugement de Dieu. Voir spécialement In Joa., xlix, 10, l. xxxv, col. 1751-1752 ; In Ps.vi, 6, t. xxxvi, col. 93 ; De cura pro morluis, xii, 15, t. xl, col. 603.

Un esprit aussi rigoureux que celui d’Augustin pouvait difficilement se contenter de sous-entendre cette conclusion. Aussi n’a-t-il pas manqué d’appliquer à la rétribution divine qui suit la mort le nom de jugement.

L’évêque d’Hippone distingue les jugements divins en premiers, moyens et dernier. Celui-ci est le jugement

proprement dit, parce qu’il sera la suprême réalisation de l’ordre : Isle quippe dies judicii proprie jam vocatur, eo quod nullus ibi eril imperitæ querelæ locus cur injuslus Me sit felix et cur Me justus infelix. Omnium namque lune nonnisi bonorum vera et plena félicitas, et omnium nonnisi malorum digna et summa infelicitas apparebil. Mais, en attendant, l’ordre moral reçoit des réalisations partielles. C’est, d’un côté, par la conduite générale de la Providence dans le monde : ainsi la punition des premiers parents après leur péché ou celle des anges déchus est-elle un premier jugement. A ce jugement collectif il faut ajouter le jugement individuel. Judical etiam non solum universaliler de génère dœmonum atque hominum…, sed etiam de singulorum operibus propriis. C’est ainsi qu’est jugé chaque démon, mais aussi chaque homme. Et homines plerumque aperle, semper occulte, luunt pro suis jadis divinitus pœnas, sive in hac vila, sive post mortem. De civ. Dei, XX, i, 2, t. xii, col. 659.

Dans la suite, Augustin précise toujours qu’il entend parler du judicium novissimum, v. gr. xxvi, l, col. 701 et XXI, xiii, col. 728, ou encore ultimum et maximum judicium, XX, vi, 2, col. 666 : ce qui suppose l’existence d’un autre antérieur et moins solennel. Il est vrai qu’ici pour Augustin ce « jugement moyen » semble se passer dans cette vie et se réaliser dans l’autre. Ce qui est sûr, en tout cas, sous cette terminologie encore flottante, c’est que les châtiments d’outretombe se réfèrent à cette économie de justice qui a son terme au jugement dernier.

Aussi voit-on qu’ailleurs Augustin est formel sur le jugement des âmes après la mort. Cum via finita fuerit, judex restât, et minister, et carcer. Al si servaveris adversario luo bonam voluntatem et cum eo consenseris pro judice invenies palrem. Serm., cix, 4, t. xxxviii, col. 638. Cf. Serm., xlvi, 1-2, col. 271. Ce passage pris dans un sermon indique, à n’en pas douter, les convictions pratiques d’Augustin et de son auditoire. 11 permet de donner leur plein sens à d’autres textes, qui, par eux-mêmes, ne seraient peut-être pas suffisamment déterminés, tels que Enarr. in Ps. XLiu, 7, t. xxxvi, col. 481-482, où la pensée du jugement est mise en rapport avec les troubles de l’âme à l’heure de la mort : Cum venerit aliquis arliculus mortis lurbalur…, crigit audilum in illam vocem Dei inlcrnam… An forte ideo quia difficile purgata vita invenitur cum Me judical qui novit ad purum et liquidum judicare ! D’autres fois le jugement est rapproché des sanctions qui suivent la mort, comme dans De preedest. sanct., xii, 24-xiv, 26, t. xliv, col. 977-980.

Enfin un texte nous livre les vues théoriques et réfléchies de l’évêque d’Hippone, en réponse précisément à une question qui semble lui avoir été posée. Illud quod rectissime et salubriler crédit (Victor) judicari animas cum de corporibus exierint, anlequam veniant ad illud judicium quo eas oporlel jam redditis corporibus judicari…, hoc itane tandem ipse nesciebas ? Et l’auteur de rappeler la parabole du mauvais riche. De anima, II, iv, 8, t. xliv, col. 498-499. D’où il suit quo le prêtre Pierre à qui ce livre est dédié était encore hésitant ou perplexe sur le jugement immédiat des âmes, mais que saint Augustin en affirme nettement l’existence indépendamment du jugement dernier. Aucun texte ne saurait mieux montrer l’état de l’opinion commune au début du v c siècle et le progrès que la doctrine d’Augustin devait lui faire accomplir.

Cependant il faut tenir compte que ce premier jugement est toujours en connexion étroite avec le jugement final, de telle sorte qu’un chevauchement se produit de l’un à l’autre qui ne permet pas toujours de les distinguer nettement. Ainsi en est-il dans le célèbre passage des Confessions où Augustin parle de sa mère défunte. Tout en louant ses vertus, il se souvient de ses