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JUGEMENT, PÈRES LATINS : IVe-VIII » SIÈCLES


jugées avant le jugement dernier ; mais il n’a en vue que la distinction qui s’établit entre elles par leur attitude morale ici-bas : Non ambigitur (homo) exspectare judicium, justo lamen jam in terris… judicato. Pareillement le pécheur est dit jam judicatus ad pœnam. In Ps. Lvn, 7, P. L., t. ix, col. 373. Saint Amb>-oise parle une fois de « jugement après la mort » ; mais cette expression est par elle-même trop imprécise pour permettre de conclure sûrement à la notion de jugement particulier. D’autant qu’elle vient dans un contexte qui oppose seulement les perspectives de la vie future en général à celles de la vie présente : Si judicium post morlem, etiam vita post mortem. De bono morlis, iv, 14, P. L., t. xiv, col. 37-1. Quant à entendre du jugement particulier, avec le D r Niederhuber, op. cit., p. 28-32, la doctrine générale de saint Ambroise sur le feu du jugement, non seulement c’est une pure pétition de principe, mais tout montre que ce feu accompagne la parousie du Christ et préside au jugement final de l’humanité. Voir Tixeront, Hist.des dogmes, t.n, p. 345.

Pour avoir une expression formelle du jugement particulier, il faut arriver à saint Jérôme, In Joël, ii, 1, P. L., t. xxv, col. 965 : Diem autem Domini diem intellige judicii, sive diem exilus uniuscu jusque de corpore. Quod enim in die judicii fulurum est omnibus, hoc in singulis die mortis impletur. Voir également In Amos, in (ix, 5), ifrirf., col. 1141-1142 ; In Isaiam, vi (xiii, 6-9), t. xxiv, col. 215-216. Où l’on voit que toujours le jugement dernier reste le dies judicii par antonomase. Voir de même In Malth., iv (xxv, 9), P. L., t. xxvi, col. 192-193 et ibid., xxjv, 36, col. 188-189 ; In Eccle., P. L., t. xxiii, col. 1094. Mais le jour de la mort donne lieu, pour chaque individu, à une procédure du même ordre et de valeur équivalente. Cependant le grand exégète « ne croit pas que les tourments de l’enfer commencent avant le jugement général… En attendant, elles (les âmes) souffrent comme un brigand enchaîné dans un cachot et qui entrevoit son supplice. » Tixeront, t. ii, p. 342.

Le jugement général conserve donc sa primauté traditionnelle ; mais il ne s’oppose plus à la perception nette du jugement particulier. Grâce au ferme génie de saint Jérôme, ce dernier est désormais passé au plan des idées claires, où saint Augustin achèvera de le fixer.

2. Doctrine de saint Augustin.

Pour n’être pas

au cœur de l’augustinisme, l’eschatologie n’en doit pas moins à l’évêque d’Hippone de bienfaisantes précisions. Sa pensée occupe une position moyenne entre les lourdes conceptions du millénarisme populaire et les hardiesses spéculatives de l’origénisme. Voir Labauche, op. cit., p. 389, et Augustin, 1. 1, col. 24432453. Cette sage modération lui vaut d’être le meilleur interprète de la tradition catholique. En particulier, la théologie du jugement allait prendre avec lui son caractère à peu près définitif.

a) Jugement général. — Donnée à plusieurs reprises comme une vérité de foi, Epist., ccxxxii, 4, P. L., t. xxxiii, col. 1028 ; In Ps. Lxxiii, 25, t. xxvi, col. 944945 ; De cat. rudibus, xxiv, 45, t. xl, col. 341-342 ; Serm., ex, 4, t. xxxviii, col. 640-641, la réalité du jugement divin est par lui expressément justifiée au livre XX de la Cité de Dieu. En effet, bien que l’exercice de la justice divine soit permanent dans le monde, elle ne nous apparaît pas toujours : c’est pourquoi Dieu doit avoir et aura son jour, où il affirmera aux yeux de tous la sagesse de sa Providence en fixant équitablement le sort de chacun selon ses mérites. De civ. Dei, XX, i-m, t. xli, col. 659-661. De cette foi catholique Augustin rapporte et commente abondamment les attestations scripturaires, d’abord d’après le Nouveau, puis d’après l’Ancien Testament, ibid., iv-v et xxi-xxvii, col. 662-665 et 690-703. Mais ailleurs il la

montre aussi rationnellement appelée par le dogme de la justice divine. Serm., xxvii, 5, 6, t. xxxviii, col. 180181.

Le jugement divin est confié au Christ. C’est ce qui ressort déjà de plusieurs textes prophétiques, bien qu’ils ne soient pas tous formels à cet égard, et surtout des déclarations de l’Évangile. De civ. Dei, XX, xxx, col. 704-708. Voir aussi In Joa., xix, 15-16, t. xxxv, col. 1552-1553 et xxi, 12-14, col. 1570-1572. Aussi l’évêque d’Hippone s’applique-t-il, dans l’intervalle, à préciser les signes précurseurs de la parousie, en se référant pour plus de détails, De Civ. Dei, XX, v, 4, col. 664, à sa lettre à Hésychius, Epist., cxcix, t. xxxiii, col. 904-925. D’où il appert que, si le retour du Christ dans la gloire s’entend à certains égards de son règne dans et par l’Église, il faut y ajouter le fait de son apparition triomphale à la fin des temps. Epist., cxcix, 41-45, col. 920-922. L’allégorisme d’Origène est combiné avec le réalisme traditionnel. Ce triomphe sera pour le Christ la revanche de la condamnation qu’il a dû subir ici-bas. In Ps. XLviu, serm. i, 5, t. xxxvi, col. 546-547. Cf. In Joa., lxxvi, 4, t. xxxv, col. 18311832 et lxiii, 2 ; lxiv, 1, ibid., col. 180 4-1806. Mais il n’y aura pas de règne millénaire : le jugement coïncide exactement avec la parousie qui n’a pas d’autre but. De o’to Dulcitii quæsl., iii, 1-2, t. xl, col. 159.

A ce jugement sont soumis tous les peuples, De civ. Dei, XX, xxi, 3, P. L., t. xli, col. 692-693, et ainsi tous les hommes, les justes aussi bien que les pécheurs. Epist., exem, 11, t. xxxiii, col. 873. Voir aussi Enchir., 55, t. xl, col. 258 ; De Symb >lo, iv, 12, ibid., col. 634. L’évêque d’Hippone s’élève ex professo contre ceux qui veulent soustraire au tribunal divin les catégorie* extrêmes, soit de fidèles, soit de pécheurs. De agone christ., xxvii, 29, ibid., col. 305. S’il est dit dans saint Jean que les justes ne sont pas jugés, c’est que le terme de jugement est pris ici pour synonyme de condamnation : Judicium pro pœna posuit. In Joa., tract, xix, 18, t. xxxv, col. 1554. Cf. tract, xliii, 9, col. 1709. Quomodo ergo per judicium separabuntur a malis… nisi quia hoc loco (Joa., v, 22-24) judicium pro damnatione posuit ? In taie quippe judicium non venient qui audiunt verbum ejus et credunt ei qui misit illum. De civ. Dei, XX, v, 5, t. xli, col. 664-665. Cf. Serm. ccLxxvii, 2, t. xxxviii, col. 1258. |

La seule règle qui doive présider à ce jugement, ce sont nos œuvres. Saint Augustin est amené par les controverses sur la prédestination et la grâce à préciser à maintes reprises qu’il s’agit, non des œuvres éventuelles, mais des œuvres effectives de chacun. Scimus quod omnes astabimus ante tribunal Christi, ut jerat unusquisque secundum ea quæ per corpus gessil, non secundum ea quee, si diutius viveret, gesturus fuit, sive bonum sive malum. Ainsi est libellé le 7° article de foi catholique qu’il oppose aux pélagiens, et la même pensée revient aux propositions 8-9 qui suivent. Epist., ccxvii, 5, 16, t. xxxiii, col. 984-985 ; cf. De anima, i, 12-15, t. xliv, col. 482-483 ; De prwdest. sanct., xiixiv, 24-29, ibid., col. 977-981 ; De dono persever., ix-x, t. xlv, col. 1004-1007. Ces œuvres créent dès ici-bas entre les hommes une distinction profonde, et c’est là ce que l’évêque d’Hippone appelle judicium discrelionis ; mais à la fin doit venir le judicium dummiHonis, qui réalisera leur séparation visible et complète. In Joa., tract, lui, 6-7, t. xxxv, col. 1771-1772 et tract. xxii, 5, col. 1576-1577. Cf. la Ps. xxv, emur. ii, 5-6, t. xxxvi, col. 193-192 et De cons. Evang., ii, 71, t. xxxiv, col. 1113.

Sur les modalités de ce jugement saint Augustin

se tient assez rapproché de ta lettre des Ecritures. Le

feu qui accompagne l’avènement du divin juge est, en

général, interprété par lui comme une métaphore pour

désigner l’exercice de la justice à l’égard des pécheurs