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JUGEMENT, PÈRES GRECS : lV-VIIie SIÈCLES


Le résultat de ce contrôle ne saurait être que définitif. On cite bien un fragment de saint Athanase, qui reproduit la notion archaïque de l’Hadès où les justes attendraient dans la joie la résurrection et la récompense. P. G., t. xxvi, col. 1249..Mais ce texte, ^ui n’est connu que par une citation de saint Jean Dainascène, De his qui in fide dormierunt, 31, P. G., t. xcv, col. 277. a toujours passé pour être d’une authenticité douteuse. Voir la préface des éditeurs bénédictins, v, 13, P. G., t. xxv, col. xxxi. Cf. Tixeront, ip. vit., p. 196. C’est qu’il paraît en contradiction avec un épisode de la Vie de Saint Antoine. Le saint ermite avait eu avec quelques-uns de ses visiteurs un entretien sur la situation de l’âme et le lieu qui l’attend après cette vie. On notera ce fait comme l’indice d’une curiosité et sans doute aussi de quelque incertitude sur la question. Mais Antoine est instruit de la réponse par une révélation divine. Dès la nuit suivante, une vision lui fait apercevoir les âmes comme des êtres

.ilis, dont les uns s’élancent vers le ciel tandis que les

autres retombent dans les bas-fonds. Viia S. Anlunii, 66, P. G., t. xxvi, col. 936-937.

Les écrivains postérieurs ne semblent pas avoir besoin d’une lumière spéciale pour professer la même doctrine. Docile à la parole des sages, aoçoiv Lôyotç, saint Grégoire de Nazianze tient que l’âme sainte s’unit à Dieu, son suprême bien, aussitôt qu’elle a brisé les liens du corps. Oral., vii, 21, P. G., t. xxxv, col. 781. Cf. ibid., 1, col. 756-757. Le châtiment des pécheurs suit également la mort, Poem. mor., ii, 141144, P. G., t. xxxvii, col. 589, bien qu’ailleurs la peine du feu semble fixée au dernier jour. Ibid., xv, 98-100, toi. 773. Toute sa psychologie platonisante amène saint Grégoire de Nysse à dire que l’âme se prépare par sa’induite ici-bas son sort éternel, encore que son origénisme lui permette de concevoir des possibilités de rétablissement pour ceux qui auraient mal usé de l’épreuve terrestre. Voir De anima, P. G., t. xlvi, col. 84-88. Aussi est-il formel sur la béatitude immédiate des justes. In fun. Pulch., ibid., col. 869 et De mortuis, ibid., col. 497 et 512. Moins philosophe, mais plus attaché à la révélation scripturaire, saint Jean Chrysostome lit dans la parabole évangélique du pauvre Lazare la rétribution immédiate, soit des bons, soit des méchants, au sortir de la vie. De Laz., i, 11 ; v, 3 ; vi, 6 ; vii, 4 ; P. G., t. xlviii, col. 979, 1021, 10351036, 1050. Voir également In Philip., nom. iii, 3-4, P. G., t. lxii, col. 203 ; S. Nil, Epist., iv, 14, P. G., t. o-xxix, col. 556-557 ; Pseudo-Macaire, Hom., xxii, P. G., t. xxxiv, col. 660 et, pour saint Jean Damascène, ci-dessus col. 745.

Plus embarrassée semble être tout d’abord la position de saint Cyrille d’Alexandrie et le P. Pesch est obligé de reconnaître qu’il est au nombre des Pères anciens qui ont sur la matière dicta interdum valde ubscura. Chr. Pesch, Prælect. dogmat., t. ix, 3e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1911, p. 287. « On me demandera, dit-il, si, selon l’histoire évangélique où l’on voit le pauvre (Lazare) passé au repos tt le riche au châtiment, ces faits se sont déjà produits <t si la juste rétribution est déjà accordée à chacun ou bien si ce récit préfigure l’image du jugement futur… A quoi nous répondrons : Le jugement aura lieu après la résurrection des morts ; c’est ce que l’Écriture divine affirme partout. Or la résurrection aura lieu seulement lorsque le Christ reviendra du ciel dans la gloire du l’ère… Puis donc que le juge de tous n’est pas encore (descendu du ciel et que la résurrection des morts n’a pas eu lieu, comment n’est-il pas invraisemblable de penser que la rémunération est déjà réalisée pour quelques-uns, soit de leurs mauvaises, soit de leurs baumes œuvres ? » In Luc, xvi, 19, P. G., t. Lxxii, toi. 821-824, J.e même texte se retrouve a peujprès

littéralement dans Adr. unlhropomorphitas, 16, P. G., t. lxxvi, col. 1104-1105. Mais il faut tenir compte qu’ailleurs saint Cyrille professe l’entrée immédiate des justes dans le ciel, De adorât, in spirilu et veritate, vi, P. G., t. i.xviii, col. 473 ; H om. pasch., , 2, t, lxxvii, col. 405, et aussi le châtiment immédiat des coupables. Car, depuis la mort du Christ, * les âmes des saints ne vont plus dans l’Hadès comme celles des pécheurs. » In Ps. xi.yiii, 16. t. lxix, col. 1073. Voir de même In Joa., xii (xix, 30), t. lxxiv, col. 669. D’où il suit que les passages cités en premier lieu, où l’évêque d’Alexandrie parle d’un délai, doivent s’entendre sans nul doute de la rémunération complète, laquelle, en effet, ne saurait avoir lieu qu’après la résurrection.Voir Cyrille d’Alexandrie, t. iii, col. 2522, et E. Weigl, Die Heilslehre des M. Cyrill von Alexandrien, Mayence, 1905, p. 326-343.

Il n’en est pas moins vrai que Cyrille entend réserver le nom de jugement à celui que doit inaugurer la parousie solennelle du Christ. En quoi il reflète assez bien la physionomie générale de son temps. Dans son ensemble, la théologie grecque du ive et du v c siècle n’a pas introduit dans son langage la notion précise de jugement particulier, alors même que sa conception très nette des fins immédiates de l’homme en postule nécessairement la réalité. La terminologie n’était pas encore à la hauteur de la foi et risquait par là-même de lui faire tort.

A défaut d’une technique achevée, les Pères Grecs de cette époque en présentent du moins quelques essais où l’on peut entrevoir les lignes fermes de l’avenir. Il est déjà significatif, comme on l’a marqué plus haut, col. 1782 sq, que souvent le jugement devienne une sorte de réalité en soi, sans indication de date ni de modalités, et ne comporte d’autres éléments que le rétablissement de l’ordre moral par la justice de Dieu. Dans ce principe le jugement particulier est implicitement contenu. Car l’ordre moral ne peut-il pas et logiquement ne doit-il pas se rétablir pour chacun à l’heure de sa mort ? Il est intéressant de voir que cette précision s’est imposée plus ou moins nettement à l’esprit de plusieurs et que, dès lors, la théologie grecque, tout au moins dans ses meilleurs interprètes, est en marche réelle, bien qu’un peu incertaine peut-être, vers le concept explicite du jugement particulier. b) Attestations directes : Contrôle des âmes par le démon. — Une première approximation se rattache à certaine démonologie aujourd’hui désuète, mais alors très répandue. Nous avons vu cette voie frayée par Origène.col. 1776, et suivie par saint Éphrem, col. 1782. Bien des Pères Grecs s’y engagèrent à la suite du grand Alexandrin. Voir Revue des sciences religieuses, 1924. p. 49-57.

Le plus ancien et non le moins curieux témoignage en faveur de cette conception remonte à saint Athanase. Dans la vision qui révèle à saint Antoine l’état des âmes après la mort, c’est un géant hideux qui lui apparaît, debout entre le ciel et la terre, étendant les mains pour arrêter les âmes qui montent vers les cieux sous la forme d’oiseaux. Il grince des dents quand elles lui échappent ; mais il se réjouit quand il peut en saisir quelqu’une. Une voix mystérieuse découvre aussitôt au saint ermite que « ce géant est l’ennemi, jaloux des fidèles, qui appréhende ses sujets et les empêche de passer, mais ne peut arrêter ceux qui lurent rebelles à ses suggestions. » Athanase, Vila S. Anlonii, 66, P. G., t. xxvi, col. 937. Voir ibid., 65, col. 936, la vision où Antoine Lui-même se voit emporté dans les airs et y rencontre une troupe de noirs démons qui veulent lui faire rendre ses comptes.

D’une manière plus Ihéologique, saint Basile estime que i les saints athlètes du Seigneur, après avoir bien combattu pendant tout le cours de leur existence