Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/188

Cette page n’a pas encore été corrigée

JUGEMENT. PÈRES GRECS. IVe -VIIIe SIÈCLES

1786

b) Auteur du jugement général. — C’est pourquoi ce jugement est attribué au Christ. Les textes formels de saint Paul, II Cor., v, 10, et de saint Jean, v, 22, sont ici régulateurs. Voir S. Jean Chrysostome, In Joa., hom. xxxix, 3, P. G., t. lix, col.’223-224 ; In Rom., hom. xxv, 3-4, P. G., t. lx, col. 632 et S. Cyrille d’Alexandrie, In Joa., ii, 7, P. G., t. lxxiii, col. 365. Cf. In Is., ii, 5, 12, et ni, 2, 16, t. lxx, col. 541 et 633.

Saint Cyrille de Jérusalem précise que le Père ne s’est pas pour autant dépouillé de sa puissance, mais qu’il juge par le Fils. Ainsi le demandait la glorification du Christ, devant qui tout genou doit fléchir, au ciel, sur la terre et aux enfers. Catech., xv, 25, P. G., t. xxxiii, col. 905.

Il faut donc rapporter au jugement tout ce que, nos auteurs disent, d’une manière plus ou moins explicite, de laparousie.Voir S. Cyrille de Jérusalem, Catech., xv, 1-2 et 19-27, col. 869-872 et 896-909 ; S. Athanase, De incarn. Verbi, 56, P. G., t. xxv, col. 196 et Conl.Arian. n, 43, t. xxvi, col. 240 ; S. Grégoire de Nazianze, Poem. moral., xxviii, 340-370, P. G., t. xxviii, col. 881-883 et Poem. de seipso, i, 522-546, ibid., col. 1009-1010 ; S. Jean Chrysostome, De Laz., hom. vi, 1, P. G., t. xlviii, col. 1027 ; Dediab., hom. iii, 3, P. G., t. xlix, col. 267-268 ; De cruce et lalr., hom. i, 3-4 et ii, 4, ibid., col. 403-404 et 413-414 ; In Rom., hom. v, 6, P. G., t. lx, col. 630 ; S. Cyrille d’Alexandrie, In Joa., i, 1, P. G., t. lxxiii, col. 28.

c) Modalités du jugement général. — Les descriptions de cette parousie, généralement destinées à des auditoires populaires, sont pour la plupart d’un réalisme imagé qui suit de près la lettre des Écritures. Voir par exemple, outre la catéchèse xv de saint Cyrille de Jérusalem déjà citée, S. Basile, In Ps. xxxui, 8, P. G., t. xxix, col. 372 ; S.Jean Chrysostome, In Matlh., hom. lxxix, 1-2, P. G., t. lviii, col. 717-720 et In II Cor., hom. x, 3, P. G., t. lxi, col. 471 ; S. Cyrille d’Alexandrie, In Zach., 105, P. G., t. lxxii, col. 248-249, cf. In Luc., xii, 8, ibid., col. 729 ; S. Maxime, Epist., i, P. G., t. xci, col. 380-381. Non pas que ces divers auteurs insistent sur l’interprétation littérale des textes comme sur une question de principe : il leur suffisait pour le but d’édification qu’ils poursuivaient de les prendre et de les utiliser tels qu’ils sont. Voir également pseudo-Chrysostome, In sec. domini advenl., P. G., t. lix, col. 619-628 et de même P. G., t. lxi, col. 775-778 ; t. lxiii, col. 937-942.

Cà et là d’ailleurs, on peut relever, chez les meilleurs théologiens d’entre eux, l’indice de conceptions plus affinées.

A propos du portrait de l’ancien des jours dans Daniel, vu, 9, déjà saint Cyrille de Jérusalem fait observer qu’il est tracé à la manière humaine : àvôpcoTtîvcoç toùto eïpï]Tai, Catech., xv, 21, P. G., t. xxxiii, col. 900. Quand il parle ex professo du jugement, il le présente comme un acte essentiellement psychologique. « C’est d’après ta conscience que tu seras jugé… ; carie visage terrible du juge te forcera à dire la vérité, ou plutôt, même si tu refuses de la dire, il te convaincra. Tu te réveilleras, en effet, revêtu de tes propres péchés ou de tes actes de justice. » Ibid., 25, col. 905.

Saint Basile expose de son côté que ce « visage du juge » s’entend d’une illumination divine qui éclairera le fond des cœurs », In Ps., xxxiii, 4, P. G., t. xxix, col. 360, et que nous n’aurons pas d’autre accusateur que nos péchés rendus présents à la mémoire avec leur nature propre et le détail de leurs circonstances. In Ps. xlviii, 2, ibid., col. 437. « Qu’est-ce que le jugement ? » se demande pareillement saint Grégoire de Nazianze. Et il répond : « Le poids intérieur de ce qui pèse sur la conscience de chacun ou sa légèreté qui soulève vers la vie la balance de la loi. » Poem. mor., xxxiv, 254-256, P. G., t. xxxvii, col. 964. Ailleurs il

parle de cet àypacpoç xaxTjyopoç qu’est la conscience du pécheur. Ibid., viii, 196, col. 663.

On trouve également dans saint Jean Chrysostome, à propos de l’attitude de Joseph envers ses frères, un beau développement sur ces jugements sans plaidoiries, ces défenses sans réquisitoires, ces preuves sansr témoins qui se passent dans la conscience ; mais, à vrai dire, cette psychologie n’est pas directement mise par lui en rapport avec le jugement dernier. De Laz., hom. iv, 6, P. G., t. XLvni, col. 1015-1016.

En plus de ces allusions fugitives, on rencontre des descriptions de jugement conçues tout entières selon ce schème. Ainsi dans un commentaire d’Isaïe attribué à saint Basile. L’auteur tient que le principal but du jugement sera d’amener le pécheur à confesser la justice de la sentence divine à son égard. C’est, dit-il, ce que l’Écriture exprime d’une manière figurée quand elle représente Dieu qui se justifie pour ainsi dire d’égal à égal avec les hommes, par exemple Isaïe, ni, 14 et Michée vi, 1-3. « Non pas que le (divin) juge doive adresser à chacun des questions et provoquer des réponses… Il est vraisemblable qu’une vertu mystérieuse projettera en un instant sur notre mémoire comme sur un tableau toutes les actions de notre vie. Ainsi nous vérifierons cette parole d’Osée, vii, 2 : « Leurs pensées les ont entourés ; elles ont apparu « devant ma face. » Et ces livres dont il est question dans Daniel, qu’indiquent-ils autre chose sinon que Dieu éveillera dans la mémoire des hommes le souvenir de leurs actions, de telle façon qu’à ce souvenir chacun voie pourquoi il est condamné ? » Basile, In Is., i, 43, P. G., t. xxx, col. 200-201.

Pour saint Grégoire de Nazianze également, « lorsque Dieu se justifiera, il se dressera devant nous et nous mettra en face de nos péchés, implacables accusateurs. Aux bienfaits que nous avons reçus il comparera nos iniquités : la pensée condamnera la pensée et l’acte contrôlera l’acte. Il nous réclamera la dignité de son image, que nous avons souillée par le péché. Enfin il nous emmènera, jugés et condamnés par nous-mêmes, sans avoir la ressource de dire que nous sommes injustement traités. » Orat., xvi, 8, P. G., t. xxxv, col. 944945.

Sans suivre Origène jusque dans son allégorisation complète de la parousie, on voit que les meilleurs Pères grecs ont assez retenu de sa méthode pour spiritualiser la procédure du dernier jugement.

3. Jugement particulier.

Dans quelle mesure ont-ils distingué de ce jugement final celui qui fixe, au moment de la mort, les destinées de chacun ? Moins nettes sont ici leurs conceptions, bien qu’elles présentent un notable progrès sur celles des siècles précédents.

a) Attestations indirectes : Échéance immédiate des sanctions après la mort. — A tout le moins le jugement particulier est-il impliqué chez eux d’une manière indirecte, comme précédemment, dans leur doctrine sur l’application immédiate des sanctions. « Dans l’Église grecque du ive siècle le millénarisme a disparu : l’autorité d’Origène lui a porté le coup fatal. On ne paraît même pas admettre une dilation quelconque pour les justes de leur entrée dans la gloire. » J. Tixeront, Hist. des dogmes, t. ii, p. 195. Voir art. Benoit XII, t. ii, col. 678-679. C’est que la mort est le terme de l’épreuve, après laquelle il n’y a plus de place que pour jouir des mérites acquis ou souffrir le châtiment des fautes perpétrées. S. Cyrille de Jérusalem, Cat., xviii, 14, P. G., t. xxxiii, col. 1033. « Ici-bas, dit énergiquement saint Grégoire de Nazianze, c’est le temps fixé par Dieu de la vie et de l’action ; là-bas le contrôle de nos actes. » Orat., xvi, 7, P. G., t. xxxv, col. 944. Cf. Poem. de seipso, i, 300-304, P. G., t. xxxvii, col. 992993.