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JUGEMENT, TRADITION PATRISTIQl’E : LE III « SIÈCLE


sur l’Hadès. Locus enim est quo priorum animée imploriimque ducuntur. futuri judicii prsejudicia sentientes. De Trinil., 1, P. L., t. iii, col. 888.

c) Même position chez Victorin de Petiau : Est infernus remola a pcenis et ignibus regio et requies sanctorum, in qua quidrm ab impiis videntur et audientur justi, sed non illuc tnxiisvectari possunt…. Quia in novissimo tempvrc eliam sanctorum rémunérât io perpétua et impiorum est ventura damiudio. dictum eis exspeclarc. In Apoc, vi, 9, P. L., t. v, col. 330. Inutile d’ajouter que le teste tic l’Apocalypse lui fournit souvent l’occasion de parler du jugement futur. Voir i. 1-7, col. 317 : i, 16, col. 321 : xx, 8-10, col. 343. Mais, en attendant, la rémunération immédiate n’est enseignée que d’une manière bien vague.

d) Lactancc en arrive à la supprimer tout à fait. Nul ne tient plus que lui au dogme des rétributions divines, dont il a défendu le principe dans un traité spécial. Voir De ira Dei, 1C, P. L., t. vu. col. 125-126. Mais celles-ci sont remises jusqu’aux derniers jours. Inst. div., ii, 18, P. L., t. vi, col. 341-342. Un premier jugement précédant le règne millénaire réglera le sort des seuls croyants, cpii recevront selon leurs œuvres. Quant aux infidèles, ils sont déjà jugés et condamnés, lbid., vii, 20, col. 798-700. Après les mille ans écoulés, aura lieu la résurrection universelle et le jugement définitif, ibid., 26, col. 813-814.

Mais ce n’est pas seulement par prétention que Laclance exclut le jugement particulier : il en nie formellement l’existence. Nec quisquam putet animas post mortem protinus judicari. Nam omnes in una communique custodia dclinentur, donec tempus adveniat quo niaximus judex meritorum facial examen. Ibid., 21, col. 802-803.

Il faut évidemment prendre garde de juger la doctrine de l’Église occidentale, à la fin du m c siècle, sur le témoignage d’un philosophe et d’un néophyte dont la compétence et l’orthodoxie s’avèrent par ailleurs si souvent mal assurées, l.actanee a été certainement victime de son archaïsme eschatologique jusqu’à méconnaître l’existence de toute sanction immédiatement après la mort, lui quoi il fait penser à ces contradicteurs anonymes que combattait Tertullien. Bien qu’elle fût dans la logique du système et qu’elle ait pu, de ce chef, se présenter assez naturellement à l’esprit des simples, cette erreur n’en doit pas moins être tenue pour un phénomène isolé. Si la systématisation archaïque du iie siècle garde encore de nombreux partisans, ceux-ci ne manquent pas d’y incorporer la croyance aux sanctions immédiates. Ce qui revient à supposer implicitement un jugement préalable pour les établir.

2. Eschatologie non si/stémalisée. — D’autres, au demeurant, attestent une foi eschatologique dont la simplicité s’embarrasse moins de systèmes.

a) Saint Cyprien. — Homme d’action et pasteur d’âmes, l’évêque de Cartilage ne touche à l’eschatologie qu’en passant et d’un point de vue tout pratique. D’où il suit que ses affirmations ont chance d’être d’autant plus rapprochées de la commune foi.

Le’jour du jugement » ou « jour du Seigneur » est une expression qui lui est familière. Voir Ad Demétr., 5, 15, 22, P. L., t. iv. col. 548, 555, 500 561 : De dont. vrai., 23-24, 32, ibid., col. 535-53(i et 540. Par où il entend la parousie du Seigneur. De bono pal., 21, COl. 637-038 ; Epist., Vꝟ. 3, édition 1 lartel. p. 475 et i.xii, 3, ]). 600. Mais il ne connaît pas le séjour intermédiaire dans l’Hadès. Non seulement les martyrs, mais tous les justes sont mis par la mort en possession de Dieu. De limitant., 20. 20, col. 501 ; et 8014502 ; De bono pal., 10, col. 620. Il y a même, pour ceux qui ne sont l>as absolument purs, des possibilités de purification « litre tombe. Epist., i.v, 30, p. 628.

A la base de ces discriminations il faut évidemment sous-entendre le jugement particulier. On a pu croire qu’il arrive à Cyprien d’en prononcer presque le nom, quand il présente à ses fidèles le fléau de l’épidémie comme un moyen plus sûr d’atteindre la béatitude du ciel. Gridulari magis oporlet et lemporis munus amplecti quod, dum nostram ftdem forliter promimus et labore tolerato ad Christum perangustamChristiviampergimus, pnemium vilæ ejus et fidei ipso judicante capiamus. De mortal.. 14. col. 014. Mais c’est probablement une illusion d’optique ; car ipso judicante semble bien s’appliquer plutôt, dans la pensée de l’auteur, à la promesse du Christ garantie par le texte évangélique, Matth., vii, 14, auquel il est fait ici allusion.

Par ailleurs Cyprien insiste beaucoup sur le fait que le jugement sera conforme aux œuvres et il en tire la conclusion très légitime que chacun se juge lui-mênu dès ici-bas par sa conduite : Ante judicii diem hic quoque iam juslorum atquc injuslorum animée dividuntur et a jrumento paleæ scparantur. De unit. Eccl., 10, col. 507. Les hérétiques, en particulier, ont déjà porté sur eux-mêmes une sentence irréformable, Epist. i.xxv, 5, p. 813 : les fidèles, au contraire, peuvent aborder le jugement avec confiance. Epist., lxxvi, 7, p. 833. En un mot. la foi au Christ nous donne la clé du jugement futur. SU ante oculos… quod… jam judicii sui et cognitionis futurs ; sententiam prolulerit (Christusi prwnuntians et contestons confessurum se coram Paire suo conjilcides et negaturum negantes. Epist., lviii. 3, p. 659. Ce principe de continuité morale, ainsi affirmé sans restriction, postule lui aussi, comme dans l’Évangile, un premier jugement de l’âme au sortir de la vie et en donne le véritable sens. En se détachant des systèmes pour s’en tenir aux données substantielles de la foi, l’eschatologie de saint Cyprien rellète mieux que toute autre la pensée profonde de l’Église.

b) Commodien obéit à la même inspiration que l’évêque de Carthage sur le sort des défunts. Après la mort, les âmes vivent devant Dieu et celui-ci ne veut pas que leurs actes antérieurs soient oubliés. Inslr., i, 27, Corpus de Vienne, t. xv, p. 30. Chacun reçoit de lui la sanction méritée, ibid., 20, p. 35. Il est même curieux de trouver dans ces vers barbares la première approximation de la formule que l’Église devait adop-. ter dix siècles plus tard.

Tu tamen mox morerfs, duceris In loeo maligno, In Chiislo credenles autem in loeo benigno. î, 24, p. 31. … mox aniinam reddis, duceris quo te p ; viiitet esse. 1, 29,

[p. B9.

Tout cela, bien entendu, sans aucun détriment pour la parousie, ibid., ii, 4, p. 64-65 et Carm. apolog., 10 12, p. 185.

Au tôt al, tandis que les théologiens latins du m c siècle s’en tiennent à la Vieille notion de l’Hadès, héritée du scheol Judaïque, saint Cyprien et Commodien échappent à ce legs du passé. Aussi les premières sanctions sont-elles forcément regardées par ceux-là comme Incomplètes et provisoires. Chez ceux-ci, au contraire, la doctrine du jugement particulier, sans être beau coup plus explicite, a devant elle le champ libre pour se développer.

Encore leur eschatologie doit-elle cette perfection relative au fait qu’elle n’est pas systématisée. Chez les spéculatifs, comme llippolyte et les autres, règne toujours le Vieux cadre de saint lrénée et de Tertullien. En Orient, au prix de quelques hardiesses, l’école d’Alexandrie avait entrepris de le démolir et de le remplacer, tandis que la théologie latine, plus attachée aux données traditionnelles, sans d’ailleurs en être l’esclave, se débattait dans une certaine indécision. S’il n’avait pas encore réalisé une synthèse rationnelle de la foi chrétienne, le ur’siècle en avait du moins prépaie tous les éléments.