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JUGEMENT, TRADITION PATRISTIQUE : LE III* SIÈCLE 1770

être qu’un obstacle, 1’ne fois dégagée de lui par la mort, l’âme juste n’est que plus libre pour aller à Dieu : npbç -rôv Kûptov OavaTco xr.oluôiLevoi, Strom., iv, 11, P. G., t. viii, col. 1288 ; cf. iv, 18, col. 1321, où est rapporté le texte de saint Clément de Rome, I Cor., l, cité plus haut, col. 1707. Mais l’âme coupable ne peut en attendre que le châtiment. Il semble que ce discernement se réalise de piano, suivant la qualité morale de la vie. En tout cas, Clément prend le jugement comme synonyme de condamnation : tî 8r é ËTepov Ô7ro}eÎTCTai tolç] ù.tzio- ; oic, vj xptaiç xai xocTaSîxr ;  ; Cohorl., 9, ibid., col. 196.

On s’est demandé s’il s’agit là du jugement général ou particulier, Atzberger, op. cit., p. 364, et le texte est trop vague pour autoriser une réponse. Mais tout le système de Clément laisse entendre qu’il s’agit de la sanction qui suit la mort. Aussi bien ne trouve-t-on chez cet auteur que des allusions très vagues à la fin des temps, à ce moment décisif où < les anges recevront dans les demeures célestes les vrais pénitents…, où surtout le Sauveur lui-même s’avance pour les accueillir, leur offrir une lumière sans ombre ni fin et les conduire au sein du Père, à la vie étemelle, au royaume des cieux. » Quis dives salveiur, 42, P. G., t. ix, col. 649652. Description qui, sous l’expression eschatologique consacrée : èv xf) ~tkz’iy. toù aîwvoç, n’introduit plus que des éléments spirituels et dont aucun ne dépasse la fixation normale de la destinée individuelle.

Ailleurs, il est vrai, sur l’autorité de saint Jean, Clément parle du « second avènement » et de la confiance ou de la confusion qui en sera la conséquence, suivant notre attitude par rapport au Christ. In Joan., i, 23, ibid., col. 737. Mais on voit combien ici encore le trait est mollement appuyé. A force de spiritualiser l’eschatologie chrétienne, la philosophie de Clément finissait par volatiliser une partie notable de son contenu.

2. Origène, son successeur et disciple, tout en suivant les mêmes voies, se tient plus près de la tradition.

a) Principe du jugement. — Avant tout, Origène sait et proclame que le jugement est un article de la foi catholique : èv tw xrpûy(i.aTi tco èxxXTrjaiasTixco rspiéysTai ô 7replxptæcoçSixaîxç ©eoîi Xôvoç. Dogme dont il souligne aussitôt l’importance au double point tic vue moral et métaphysique, puisqu’il est le meilleur excitant à la vertu et une preuve incontestable de notre liberté. De princ, III, i, 1, P. G., t. xi, col. 249. Voir Atzberger, op. cit., p. 375 et 449. Cette vérité est de celles que les simples fidèles se contentent de croire, tandis que le « philosophe » s’applique à les établir sur l’Écriture et la raison. Contra Cels., iv, 9, ibid., col. 1040. Cf. iii, 16, col. 940.

Revendiquant pour lui ce rôle, Origène invoque la croyance grecque à des tribunaux souterrains, ibid., le consentement des philosophes et des hérétiques. In Levit., hom. vii, 6, P. G., t. xii, col. 490. Ce qui ne l’empêche pas de rendre hommage à l’importance décisive de la révélation sur ce point. Déjà la notion du jugement et les sanctions éternelles faisaient partie du judaïsme, et Origène se plaît à y voir une raison de la supériorité morale qui caractérise l’ancienne Loi. « Car, si ces doctrines s’enveloppaient encore de fables pour les enfants et pour les adultes qui en partagent la mentalité, ceux qui cherchent la raison et qui vculent progresser en elle pouvaient, si j’ose dire, métamorphoser ces fables en la vérité qu’elles recelaient. « Cont.Ceh., v, 42, t. xi, col. 1218. La même doctrine se retrouve dans le christianisme et aucune ne marque plus nettement la sagesse transcendante du Christ. Ibid., i, 2K col. 716. Du point de Mie rationnel, elle répond aux conditions normales de la moralité ; car elle n’a pas précisément pour but d’ef frayer par la terreur du châtiment, mais d’exciter

la volonté à fuir le mal qui en serait la cause. Ibid., vin, 48. col. 1588. Les effets bienfaisants qu’elle produit en sont la perpétuelle justification. Ibid., 40, col. 1576.

b) Jugement particulier. — Quant à la manière de concevoir ce jugement futur, elle rentre dans une systématisation eschatologique très contestée.

Conformément à ses convictions platoniciennes, Origène met au premier plan de sa pensée la spiritualité et l’immortalité de l’âme. Voir Atzberger, op. cit., p. 367-372. Son mysticisme s’ajoute à cette philosophie pour lui faire combattre les rêves millénaires. L. Gry, op. cit., p. 96-100. Il ne s’arrête pas davantage à la notion archaïque de cet Hadès où les défunts attendraient la résurrection. Une fois sortie du corps, l’âme ne peut que se trouver en présence de Dieu, pour son bonheur ou son malheur suivant sa conduite ici-bas. Cependant Origène conçoit que, pour se préparer à leurs destinées éternelles, les âmes passent tout d’abord par un état intermédiaire, une sorte d’école probatoire, velut in quodam erudilionis loco et, ut ila dixerim, auditorio vel schola animarum, De princ, II xi, 6, P. G., t. xi, col. 246, où elles restent plus ou moins longtemps d’après la pureté relative qu’elles présentent.

Il y a donc un discernement des âmes immédiatement après la mort, qui a pour but d’arrêter et, si l’on peut dire, de consolider le "bilan spirituel de la vie. Anima substantiam vitamque habens propriam, cum ex hoc mundo discesserit, pro suis meritis dispensabitur. Ibid., I, pra>f.. 5 ; col. 118. L’intérêt de ce texte est qu’il traduit la foi ecclésiastique commune. Or la rétribution future y est nettement présentée comme antérieure à la résurrection, dont la mention intervient seulement dans les lignes suivantes : ce qui montre à quel point de maturité était dans l’Église la doctrine du jugement particulier.

Origène lui rend un autre témoignage indirect, quand il parle de ces sortes de publicains qui attendent l’âme au sortir de la vie pour voir si elle a ses comptes en règle, In Luc, hom. xxiii, P. G., t. xiii, col. 1862, ou de cet adversaire qui peut nous livrer au juge si nous avons marché dans ses voies. Ibid., hom. xxxv, col. 1892-1893. Cette part faite au démon dans le règlement définitif de nos destinées ne sera pas perdue de vue par la tradition postérieure. Voir J. Rivière, Revue des sciences religieuses, t. iv, 1924, p. 43-49.

c) Jugement général. — Néanmoins ce premier exercice de la justice divine n’a pas encore beaucoup de relief dans la pensée d’Origène et ne porte jamais le nom de jugement. Le jugement a lieu pour tous et se place à la fin du monde, u.ETà tô t£Xoç Sixocta Tcept TrdtVTwv xpîaiç. C. Cels., iv, 9, P. G., t. xi, col. 1040. C’est dire qu’il se confond avec cette parousie vengeresse qui faisait l’objet des railleries de Celse, ibid., ii, 5, col. 801 et iv, 30, col. 1072, et qui doit mettre tous les peuples de l’univers, in pavore cordis et tremore conscienliir, en présence du Christ devenu leur juge. In Gen., hom. xvii, 6, P. G., t. xii, col. 259. Sans doute la justice de Dieu s’exerce dans une certaine mesure dès ici-bas, mais la séparation définitive des bons et des méchants aura lieu in die fudicii. De princ, II, ix, .x, P, G., t. xi, col. 232. C’est ce « jour de colère » qu’annonçaient les prophètes et Origène d’expliquer, après avoir longuement cité leurs témoignages à ce sujet, qu’il est reporté à la fin du monde pour que puissent, en attendant, se manifester toutes les suites de nos actes. In Hom., ii, 1, P. G., t. xiv, col. 876-8. De même, à son sens, les paraboles évangéliques fixent le retour du maître èni vrçv auvréXeiav. In Malth., xiv. 12-13, P. G., t. xiii, col. 1212 1216.

Chacun y sera jugé strictement suivant ses œuvres. Et c’est pourquoi le jugement est réservé à Dieu, qui