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JUGEMENT, TRADITION PATRISTIQUE : LE III SIÈCLE 1774

e fragment qui nous reste, comment il y aurait encore place dans cette conception pour le jugement dernier.

2. Oracles sibyllins.

A l’Apocalypse de Pierre on peut ajouter les Oracles sibyllins, dont les remaniements chrétiens semblent être terminés à cette même époque. Or un passage paraît suggérer, Atzberger, op. cit., p. 501, que le jugement suit immédiatement la mort.

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Orac. sibyll., ii, 93-94, édition Alexandre, Paris, 1869, p. 56. Ce deuxième livre est regardé par l’auteur, Introd., p. xlvi-xlvii, comme provenant presque tout entier d’une main chrétienne.

Les autres parties des Oracles abondent en descriptions très colorées du jugement général : par exemple n, 21-1-215. p. 64-66 : viii, 81-93 et 217-235, p. 218 et 230. Contrairement à la tradition commune et à ses propres affirmations, l’auteur fait un moment, viii, 256-257, p. 232, apparaître le Christ, non dans sa gloire, mais dans l’humilité d’une chair semblable à la

îôtre. A ce détail près, il y a chance que ces livres traduisent sous ses divers aspects, et jusque dans la

omplexité de leur indécision, les croyances eschato-Jogiques du christianisme primitif.

3. Documents archéologiques.

On aimerait pouvoir alléguer ici les inscriptions et peintures des -ataconibes : mais elles sont rares et de date plutôt récente. Cependant il n’est pas interdit de voir dans les documents du ive siècle, ou même au delà, le reflet des croyances antérieures.

Sous le bénéfice de cette réserve, on peut invoquer l’image de la balance, tant de fois peinte ou gravée sur les tombeaux, et qui doit être souvent, sinon toujours, un symbole. Voir art. Balance, dans le DM. d’Archéologie, t. ii, col. 133-137. Une fresque du

imetière de Cyriaque à VAgro Verano (fin du m’siècle ou commencement du IVe), deux autres postérieures trouvées dans la catacombe de Saint-Hermès à Rome et dans celle de Santa Maria di Gesù. à Syracuse, une lalle mutilée des catacombes romaines représentent

e jugement de l’âme. Reproduction et commentaire, ibid., art. Ame, t. i, col. 1502-1511. Et comme celle-ci y figure seule devant son juge, c’est l’indice que la scène doit signifier le jugement particulier. On peut sans doute interpréter dans le même sens les textes et gravures où le Christ est donné comme l’agono : hète qui, en tenue de combat, distribue les couronnes aux athlètes victorieux. Voir Kraus, Realency lopùdic der christ. Allerliimcr. art. Corona, 1. 1. p. 333336 et Kampf.. t. ii, p. 91.

Les représentations expresses du jugement général -ont plus tardives. Une des plus célèbres est une terre

uite conservée à la bibliothèque Barberini, qui semble remonter au vie ou viie siècle. Kraus, ibid., j). 985. Mais les archéologues s’accordent généralement

i le voir symbolisé sous l’image, beaucoup plus fréquente

et beaucoup plus ancienne, connue sous le

.um d’étimasie. On y voit un trône vide surmonté du monogramme du Christ, figure discrète pour rappeler la fonction de juge qu’il doit remplir au dernier jour. Voir DM. d’archéologie, art. Élimasie, t. v, col. 671 Au total, si l’on excepte le témoignage des inscrip"kms chrétiennes et le texte des Oracles sibyllins, i’un et l’autre d’ailleurs trop tardifs ou trop imprécis pour faire absolument foi, il semble que, dans la primitive Église, chaque fois qu’il est question des destinées individuelles, les sanctions soient toujours au premier plan. Elles sont immédiates ou retardées, ’ransitoires ou définitives ; mais le rapport ionda mental est toujours le même de cette eschatologie avec la doctrine du jugement. Car il ne saurait y avoir de sanctions sans un acte de la justice qui les détermine suivant les mérites de chacun. Et ce principe reste vrai, bien que moins accusé, dans le schème de sanctions incomplètes et provisoires que les premiers théologiens crurent pouvoir importer du judaïsme. Aussi peut-on appliquer déjà aux Pères du second siècle l’appréciation portée par M. Tixeront sur ceux du troisième. « Les âmes, à la sortie du corps, subissent toutes un premier jugement. Bien qu’aucun de nos auteurs ne le signale expressément, il est cependant la condition nécessaire de la différence du sort qui est fait, après la mort, aux âmes des impies et à celles des justes, et que tous admettent. > Histoire des dogmes, 1. 1, p. 455.

Il n’en est pas moins vrai que ce premier acte de la justice divine reste sous-entendu, (/est dire que le principal de l’attention se porte encore sur le jugement final : le retour si marqué de la théologie du n c siècle à la notion juive du Scheol et de ses rétributions imparfaites n’a précisément d’autre signification que de maintenir à cet aspect de la foi traditionnelle tout son relief. Ainsi paraissait l’exiger la gloire du Christ et la nature corporelle de l’homme. Il semble résulter de Tertullien qu’à cette vérité d’aucuns n’eussent pas craint de sacrifier les sanctions immédiates, cependant que les hérétiques ne savaient affirmer celles-ci qu’en niant celle-là. Entre ces deux tendances adverses la théologie catholique ne connaissait encore d’autres ressources, pour dessiner une via media, que le vieux fond du judaïsme. D’où ces premières systématisations, oùles sanctions immédiates et le jugement particulier qui les détermine ne pouvaient que rester à i arrière-plan. Un effort restait à faire pour harmoniser la conception du dogme chrétien, en précisant d’une manière plus exacte ses contours et cherchant à équilibrer sur de meilleures bases ses divers éléments.

/II. PÉRIODE DE DISCUSSION ET DE CRITIQUE : IIIe siècle. —

Cette eschatologie archaïsante n’allait pas tarder à subir l’épreuve de la critique. En Orient, l’école d’Alexandrie lui porta des coups redoutai les et, sur bien des points, décisifs, quitte à pencher elle-même vers l’extrême opposé. L’Occident, au contraire, lui reste fidèle dans l’ensemble, non sans l’amender par des retouches discrètes. Tendances parallèles qui traversent le in siècle et qui. en accusant le déficit de la théologie antérieure, préparent les voies, non encore sans quelque confusion, à l’avènement d’une doetrine plus satisfaisante.

En Orient.

Du grand mouvement théologique,

puissant mais désordonné, que créèrent les docteurs alexandrins la doctrine du jugement allait recevoir le contre-coup.

1. Clément d’Alexandrie.

Philosophe et apologiste, Clément s’applique à présenter un christianisme rationnel. Un spiritualisme très élevé, fait., : < [ois d’inspirations platoniciennes et chrétiennes, anime son œuvre entière. Tout pour lui se ramène à montrer comment l’âme trouve dans la connaissance du i, ogos et la pratique de ses lois le principe de la vie étei ai .Mais, « quant à l’appropriation du salut, il en disl ing si peu les divers stades qu’on voit mal plus d’une s’il la situe avant ou après la mort corporelle. I coup moins encore distingue-t-il d’une manière i et précise l’état des justes dans l’au-delà avant et après le jugement. » Atzberger, op. cit., p. 356.

De cette continuité dans la vie spirituelle, il resul’.' évidemment que son système est incompatible, non seulement avec le millénarisme — Clément l’a ecai"d’une manière implicite plutôt que directement combattu - mais avec cel i tat intermédiaire sur lequel se fondai ! l’ancienne est h ; i logie. Le corps ne a