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    1. JUGEMENT##


JUGEMENT. TRADITION PATRISTIQUE : PKRIODE PRIMITIM.

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il tient que le démon ne subira la peine du feu qu’après le jugement général. V, xxvi. 2, col. 1194-1195.

Son eschatologie porte donc « une note archaïque prononcée », Tixeront. Hist. des dogmes, t. i, p. 278, n. 2, et la perspective des fins dernières, qu’il se représente suivant les conceptions judaïques, lui fait ne de vue l’importance des fins immédiates. Non |ue celles-ci soient aucunement niées, mais elles semblent pour lui sans intérêt à côté de celles-là. Eum ab hoc errorc purgare nixus est Flellarminus, lib. I, De sanct. beatitud, 4, sed prorsus infeliciter, dit Massuet. Dissert., III, x, 121, P. G., t. vii, col. 379. Voir Ihkm’i. t. vii, col. 2498-2505.

3. Tcrtullien.

En dehors de ses attaches montanistes, Tcrtullien occupe, dans les premières années’lu ine siècle, la même position historique et doctrinale que saint Irénée à la fin du second. Comme d’ailleurs il a connu et utilisé le Contra hæreses, il est tout nature] de trouver chez lui les doctrines d’Irénée.

a) Existence du jugement. — Pour Tcrtullien, l’existence du jugement est une de ces vérités religieuses fondamentales que le témoignage spontané de l’âme suffît à établir. De test, animæ, 2 et 6, P. L., t. i, col. 684-685 et 692, contre les sophismes des philosophes ; (lue la raison démontre comme une conséquence de la toute-science divine, De spect., 20, ibid., col. 727, et que les païens eux-mêmes ont connue. Apol., 47, ibid., sol, 587. Mais la révélation divine l’éclairé d’une lumière plus nette. Ibid., 18, col. 434-435.

Ge jugement a lieu dans la vie future, et ceci explique la longanimité divine au cours de la vie présente : Qui enim semel seiernum judicium destinavit post sseculi finem non preecipilat discretionem, quæ est condilio judicii, anle seeculi finem. Ibid., 41, col. 553. Plus tard Tertullien devait reprendre l’argumentation théologique de saint Irénée et démontrer contre Marcion que justice et bonté sont deux attributs inséparables du Dieu législateur. Atzberger, op. cit., p. 330. Voir Ado. Marc, i, 26, P. L., t. ii, col. 303 : Cur prohibet admitli (Deus) quod non défendit admissum’.'… Stupidissimus qui non ofjendiiur facto quod nonumul fieri… Aut si ofjendiiur, débet irasci ; si irascitur, dc’bct ulcisci. Cf. i, 27 et ii, 14 ; iv, 17, col. 328 et 429-430.

Parce qu’il est le Fils de Dieu, c’est au Chris I qu’appartient ce jugement : car il n’y a pas de distinction entre lui et ce Fils de l’homme dont sont remplis les paraboles évangéliques : Ergo si ipse est Filins hominis, judieem teneo et in judice ercalorem défendu. Adn. Marc, iv. 29. col. 464 ; cꝟ. 39, col. 488-190 et v, 4, col. 507. Suivant une exégèse assez courante à l’époque, Tertullien lui attribue déjà tous les actes de la justice divine qui sont racontés dans l’Ancien Testament. Adv. Prax., 16, col. 198-199. Mais il attind surtout sa manifestation solennelle à la fin des temps. Apol., 23, t. i, col. 474-475. Splendide et redoutable « spectacle » dont la perspective doit détourner les chrétiens des spectacles d’ici-bas. De spect., 30, ibid., col. 735-738. Et parce que ce jugemenl, étant définitif, doit être complet et parfaitement juste, il convient que le corps y participe par la résurrection. De resur. carnis, 11, t. ii, col. 859.

b) Nation du jugement. — Cette foi chrétienne, pour Tertullien comme pour saint Irénée, s’insère dans le radie de l’eschatologie judaïque II avait composé un petit traité De paradiso, aujourd’hui perdu, dans lequel il établissait : omnem animant upiul inferos sequeslrarl in diem Domini. Cette thèse est par lui reprise dans son grand traité De anima, à qui nous devons ce renseignement, et appuyée, comme chez l’évêque de Lyon, sur la donnée traditionnelle « le la descente du’.lirisl aux enfers. De anima, .">.">, P. I.. t. ii, col. 7887’.Kl. Il n’y a d’exccpl ion quc pour les mail vis.

Dans cette prison commune des âmes, les justes cependant sont déjà consolés par l’attente de la résurrection, ibid., et les pécheurs reçoivent « un acompte du jugement », fuluri judicii præjudicia sentienles. En un mot, les enfers comportent un certain exercice de la justice : supplicia jam illic et refrigeria. Ibid., 58, col. 795-796. Cf. Adv. Marc, iv, 34, col. 474475. Tertullien fonde cette distinction sur ce que l’Évangile dit du mauvais riche et du pauvre Lazare. Il établit au surplus que ces premières sanctions sont possibles, car l’âme a ses facultés propres pour souffrir comme pour jouir ; nécessaires, sinon l’inégalité d’ici-bas durerait ou bien il ne resterait plus qu’à dormir aux enfers et l’âme ne dort pas : convenables, du moment que l’âme, en dehors de la chair, a commis bien des péchés dont elle est seule responsable et produit de bons mouvements dont le mérite lui revient tout entier. Aussi Tertullien s’élève-t-il contre ceux qui ne partagent pas son sentiment. « Pourquoi ne pensez-vous pas que l’âme soit punie et récompensée dans les enfers, en attendant le jugement et par anticipation de son résultat ?… Voulez-vous que la mort soit le point de départ d’un ajournement ? »

Ainsi la question des sanctions immédiates est formellement posée et. dans le cadre juif, nettement résolue par l’affirmative. Or cette doctrine ne se comprendrait pas sans l’intervention d’un premier jugement. Mais n’est-il pas significatif qu’il faille longuement la justifier, presque la défendre, de manière à montrer que le jugement divin n’est pas compromis par cette prælibatio sententi.r ? La position archaïque de Tertullien est encore en avance sur une partie de l’opinion de son temps. Ici comme sur tant d’autres points où le montanisme n’est pas en cause, le grand polémiste africain reflète bien la tradition de l’Église, mais servie par une théologie trop imparfait ! encore pour l’exprimer adéquatement.

Eschatologie non systématisée.

Ces premier ! s

systématisations, d’inspiration notoirement judaïque, ne représentent pourtant pas, quelle que soit leur importance, toute la théologie ou du moins toute la pensée chrétienne de l’époque. A côté d’elles on trouve place pour des conceptions moins savantes, et qu’on peut supposer d’autant plus populaires, où s’affirme ce sentiment chrétien spontané que les sanctions totales sont acquises dès la mort.

1. Apocalypse de Pierre.

Tel est le cas pour l’Apocalypse de Pierre, ouvrage qui « a dû être composé au plus tard au milieu du n c siècle » et qui « avait joui, dans certaines Églises, d’un très grand crédit. » .). Tixeront, Précis de Palroloyic. Paris. 1918, p. 93.

Pierre y raconte les suprêmes révélations qu’il aurait revues du Maître. « Nous allâmes, les douze disciples, avec le Seigneur et le priâmes de bien vouloir nous montrer un de nos frères justes qui ont quitté ce monde, afin que nous puissions voir quel aspect ils ont, de manière à nous consoler et à consoler également ceux qui en entendraient de nous le récit. » Suit la brillante description de deux élus qui leur apparaissent aussitôt, puis du paradis merveilleux où ils résident au milieu des anges, en louant le Seigneur. A côté, l’auteur donne un terrible tableau de l’enfer et des supplices que des anges au costume sombre y infligent aux pécheurs. Texte dans Atzberger, p. 182-184. Et comme tout cela se passe sous les yeux de Pierre, on est en droit de conclure qu’il s’agit de sanctions déjà réalisées.

On a supposé que cette conception serait dut A l’influence de l’orphisme grec. Pourquoi n’y pas voir une interprétation plus simple de l’Evangile, sai>' mélange avec les catégories de l’eschatologie judaïque, où à côté du monde présent il n’y a plus que celui de l’éternité ? Mais l’auteur nc dit pas, au moins dans