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    1. JUGEMENT##


JUGEMENT, TRADITION PATRISTIQ1 i. : PÉRIODE PMIMITIVK

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Polycarpe, Ad PhiL, ii, 1, p. 298. Nous sommes dès maintenant devant ses yeux, et nous devons comparaître un jour à son tribunal pour lui rendre nos comptes. Ibid., vi, 2, p. 302. Dieu l’a envoyé d’abord en sauveur ; mais t il l’enverra aussi comme juge, et qui pourra soutenir sa parousie ? » Ep. adDiognet., vii, 5-6, p. 402. C’est lui qu’Hermas décrit évidemment sous la figure de cet homme de grande taille, qui vient, au milieu d’une multitude d’autres, pour contrôler les matériaux de la tour mystique. Sim., IX. v, 2. p. 586588. Cf. Vis, , III, ix, 5, p. -452.

La II 3 Clementis retrouve, pour peindre cet avènement, les couleurs des prophètes. « Sachez qu’il vient déjà le jour du jugement comme une fournaise ardente. Les cieux se dissécheront, toute la terre se fondra comme du plomb sur le feu, et alors apparaîtront les oeuvres, tant cachées que secrètes, des hommes… Car le Seigneur a dit : « Voici que je viens pour rassembler toutes les nations, tribus et langues. Ce qui désigne le jour de sa manifestation, lorsqu’il viendra nous racheter chacun selon nos œuvres. Témoins de sa gloire et de sa puissance, les incrédules s’étonneront de voir l’empire du monde aux mains de Jésus… » xvi, 3xvii, 7, p. 204-206.

Échéance du jugement.

Il est évident que ces

traits ne conviennent qu’au jugement final et que la doctrine de tous nos Pères apostoliques se résume bien dans ce mot du pseudo-Barnabe : « Après avoir fait la résurrection, il jugera. » v, 7, p. 50.

Cependant la pensée d’une rétribution immédiate ne leur est pas absolument étrangère. « Deux choses nous sont simultanément proposées, d’après saint Ignace, la mort et la vie, et chacun doit aller au lieu qui lui est propre, ëxoco-roç eîç tov ÏStov tôtcov [iiXAsi /wpeïv. Magn., v, 1, p. 234. Ce « lieu », les glorieux apôtres Pierre et Paul l’ont déjà atteint d’après saint Clément. i a Clem., v, 4-7, p. 104-106. Avec eux se trouve une grande multitude de martyrs, vi, 1, ibid., et d’autres fidèles « consommés dans la charité ». l, 3, p. 164 ; cf. xliv, 5, p. 156. Saint Ignace a soif du martyre pour aller à Dieu, Rom., iv, 1, p. 265, et les presbytres de Smyrne savent que leur saint évêque Polycarpe a déjà reçu « la couronne d’immortalité ». Mari. Polyc, xvii, 1, p. 334. D’où il ressort que, pour les martyrs surtout mais aussi pour les autres saints, la mort est déjà le commencement de la récompense. Voir Atzberger, p. 79-86.

La logique ne demande-t-elle pas qu’elle soit aussi pour les méchants le commencement de leurs peines ? Saint Clément se souvient de I athan et Abiron, qui’urent jetés vivants dans l’Hadès. iv, 12, p. 101 et U, 4, p. 164. Il n’y a pas de raison pour que ce cas soit isolé et ce n’est peut-être pas pur hasard si le texte de Matth., x, 28 est cité avec cette glose significative : « Craignez celui qui, après voire morl, ixeTà tô à71 : o6aveîv û[i.âç, a pouvoir sur l’âme et le corps pour les envoyer au feu de l’enfer. » / a Clem., v, 4, p. 190.

Ces divers indices sont suffisants pour trouver, chez ces premiers témoins du christianisme, une certaine intuition des sanctions qui suivent la mort et, par conséquent, le germe réel de la doctrine du jugement particulier. « Seulement cette doctrine ne semble pas avoir été nettement aperçue par les premières générations chrétiennes. » Labauche, op. cit., p. 391. Témoins les Pères apostoliques dont la pensée principale est tournée vers la parousie, qui demeure pour eux la manifestation par excellence du jugement divin.

En quoi ils sont restés fidèles à renseignement de l’Écriture, sans y apporter encore, ni en bien ni en mal, de notables précisions. Ce qui importe à leurs yeux, c’est avant tout de se préparer à cette redoutable reddition de comptes et, pour cela, de se la

remettre en mémoire nuit et jour ►. Barn., xix, 10, p. 92 ; cf. xxi, (i. p. %. La doctrine du jugement est pour eux un thème d’exhortations et méditations morales plutôt qu’un objet de recherches théologiques. Celles-ci vont commencer avec l’âge suivant.

II. PÉRIODE DE PREMIÈRE SYSTÉMATISATION : II » siècle. — A partir du iie siècle, le christianisme entre en contact de plus en plus étroit avec l’hellénisme. La foi eschatologique y rencontra des adversaires. (Vêtaient, d’une part, les philosophies rationaliste ^, le stoïcisme en particulier, qui niaient la justice divine et, par conséquent, les sanctions. D’autre part, certain syncrétisme religieux réduisait volontiers la destinée humaine à un drame psychologique, où le salut consistait à se dégager du mal et de la matière et résultait quasi automatiquement de cet effort. Spéculations plus ou moins confuses auxquelles la gnose, sous prétexte de doctrine plus éclairée, s’abandonnait jusqu’à supprimer le rôle du Christ Rédempteur et la menace de sa justice. Tixeront, Histoire des dogmes, t. i, 7e édit., p. 202.

Contre ces adversaires du dedans et du dehors, l’Église dut défendre sa doctrine sur les fins dernières : ce qui devait forcément amener ses docteurs à en préciser les traits. Le judaïsme, avec sa conception du scheol, des rétributions provisoires et du jugement futur, fournissait un cadre tout trouvé. Rien ne paraissait plus indiqué, puisqu’il était traditionnel et semblait appuyé sur les Écritures, que de l’opposer au modernisme de la Gnose. Cette tendance trouva sa suprême expression dans le millénarisme, où l’on concevait une première résurrection et un premier jugement, qui consistait à briser les ennemis de Dieu et à réaliser au profit de ses fidèles son royaume terrestre, en attendant la parousie et les sanctions suprêmes. Voir L. Gry, Le millénarisme dans son origine et son développement, Paris, 1904, p. 62-87. Sans parler de cette déviation extrême, qui n’exista jamais dans l’Église qu’à l’état d’opinion populaire, voir Tixeront, op. cit., p. 222-226, une doctrine commune se forma au iie siècle, dont les auteurs « sont surtout préoccupés de reproduire l’ancienne eschatologie biblique. » Labauche, op. cit., p. 379. Elle entraîne d’inévitables répercussions sur la conception du jugement.

1° Eschatologie systématique. — De ce système archaïque il est aisé de retrouver la trace chez tous les théologiens de l’époque.

1. Saint Justin et les Pères apologistes.

Bien que voués par leur éducation philosophique et par leur ministère à l’hellénisation du christianisme, il est reconnu que ces auteurs se tiennent sur la base de la foi commune : leur apologétique suppose le Credo de l’Église. Voir J. Rivière, Saint Justin et les Apologistes du second siècle, Paris, 1907, introduction par Mgr Batiffol, p. xix-xxv. Ils y trouvent, en particulier, et en retiennent de la manière la plus ferme la croyance au jugement.

a) Réalité du jugement. — Saint Justin l’affirme devant le tribunal du préfet Rusticus. Martyr.. 4, P. G., t. vi, col. 1572. Toute sa vie il l’avait professée : devant les païens, surtout comme une conséquence du libre arbitre de l’homme et de la justice de Dieu, Apol., i, 43-45 ; devant les Juifs, comme une fonction du Christ établi « juge des vivants et des morts ». .DiaZ., 118, col. 749. Cf. ibid., 36, 47, 124 et Apol.. i, 53. Dualisme de pure apparence et qui s’harmonise dans le dogme de l’incarnation : car, si le jugement est un acte proprement divin, Dial., 96, Dieu doit l’accomplir par Jésus-Christ notre Seigneur. Ibid., 58.

La nouveauté des Apologistes est d’avoir fait appel, pour justifier cet article de la foi chrétienne devant les résistances de leur milieu, à l’autorité des païens