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JUGEMENT, TRADITION PATRISTIQUE : PÉRIODE PRIMITIVE


j-urtout ne pas tenir suffisamment compte des mots qui précèdent : « Voici que je viens promptement, » ibid, , 12 et 7, qui ne peuvent guère s’entendre que de la parousic.

Conclusion générale. — Au total, les perspectives ne sont pas encore nettement séparées, pas plus dans l’Apocalypse que dans les autres écrits du Nouveau Testament, et à cet égard non plus ce livre n’apporte « aucun enrichissement substantiel au Credo de l’Église primitive ». Allô, p. xcvn. « Quand les Apôtres enseignent aux hommes le jugement de Dieu, la différence entre le jugement particulier et le jugement général n’apparaît pas tellement claire et distincte ; leur pensée passe de l’un à l’autre. » Weinhart, art. Gericht ( gottliches), dans Kirchenlexikon, t. v, col. 397. Et il faut ajouter que, si elle se fixe plus volontiers sur le jugement général, tous les principes sont posés par eux qui mèneront bientôt à la distinction formelle du jugement particulier. On n’oubliera d’ailleurs pas que la doctrine des fins dernières relève de la prophétie, Atzberger, p. 195, et que l’obscurité est une règle du genre.

Il reste que la révélation chrétienne, telle qu’elle résulte de l’Évangile et des écrits apostoliques, a marqué pour toujours la doctrine des fins dernières de son empreinte propre. De l’Ancien Testament elle a retenu le dogme de la justice divine comme un postulat de la loi morale et la foi en sa manifestation publique comme une nécessité du plan providentiel. Mais le jugement attendu devient ici un acte d’ordre spirituel et transcendant, qui, pour la plus grande gloire de Dieu et de son Christ, doit un jour fixer les destinées éternelles de tous les hommes suivant la valeur morale qu’ils ont acquise au cours de l’épreuve terrestre. N’est-ce pas là tout l’essentiel ? « L’horizon peut paraître plus ou moins lointain, la crise suprême plus ou moins proche ; mais c’est là un point accessoire et l’eschatologie chrétienne acquiert une netteté de contours, une fermeté relative de lignes que n’eut jamais l’eschatologie judaïque. » Prat, op. cit., p. 489. Cf. Labauche, op. cit., p. 378 et Atzberger, op. cit., p. 356-357. C’est sur ces points accessoires, où planait encore quelque indécision, qu’allait désormais porter le développement.


V. Tradition patristique. —

Étant donnée la variété et la complexité des matériaux fournis par l’Écriture, il n’y a pas lieu d’être surpris qu’il ait fallu beaucoup de temps pour en réaliser la complète élaboration. D’une part, les Pères ont eu pour rôle de conserver, à l’usage de la foi et de la piété chrétiennes, les vérités déjà claires. Tâche d’autant plus facile que cette partie du dogme chrétien ne rencontra pas sur son chemin d’adversaire sérieux, moins encore d’hérésie caractérisée. Mais ils s’appliquèrent aussi à préciser ce qui était resté un peu vague jusque-là, de manière à obtenir une eschatologie systématique. Œuvre déjà délicate par elle-même et qui était rendue plus difficile encore par les conditions où elle se produisit.

Pour réaliser ce travail, en effet, les Pères n’avaient pas d’autre ressource que d’utiliser les catégories, soit juives, soit grecques, qui étaient à leur disposition. Ce qui les exposait à contaminer la foi avec des éléments étrangers ou dangereux. L’échéance des sanctions individuelles était particulièrement restée dans l’ombre et le problème était de les accorder avec les exigences, en apparence contraires, de la destinée personnelle et de la rédemption messianique. Voir Atzberger, Geschichle der christlichen Eschatologie, Fribourg, 1896, p. 6-7. Il ne pouvait y avoir d’hésitation sur le jugement général, énoncé d’une manière formelle par l’Ancien et le Nouveau Testament. Mais qu’advenait-il des âmes jusque-là ? Cette ques tion devait surgir tôt ou tard, et elle surgit en effet ; mais il ne fallait pour la résoudre rien de moins que construire le système entier de l’eschatologie chrétienne. Il est aisé de prévoir que les tâtonnements ne manqueraient pas avant d’aboutir aux constructions définitives. Dans l’attention que provoque ce problème et dans les solutions qu’il reçoit se trouve la clé du développement eschatologique chez les Pères. Tout le monde en reconnaît l’existence : il reste à en caractériser les principales étapes autour de quelques points de repère bien connus.

I. PÉRIODE DE SIMPLE AFFUIMATIOX : LES PÈSES

apostoliques. — De la génération qui suivit les Apôtres il reste seulement quelques rares écrits d’ordre parénétique. Il n’y faut donc pas chercher de longues spéculations ; mais ils n’en reflètent que mieux, en dehors de tout système, la foi commune de l’Église naissante en matière de jugement.

Existence du jugement.

 Parmi les « trois

dogmes du Seigneur », le pscudo-Barnabé compte, avec « l’espoir de la vie » (éternelle), « la justice du jugement » comme étant « le commencement et la fin de notre foi. » i, 6, Funk, Paires apostolici, Tubingue, 1901, p. 40. C’est un des points par où les chrétiens se distinguent des païens, « qui ignorent le jugement du Seigneur, » dit saint Polycarpe. Ad PMI., xi, 2, p. 308. Cf. Mart. Polyc, xi, 2, p. 326.

Néanmoins il est curieux que le même saint Polycarpe, vu, 1, p. 304, et auparavant l’homélie dite 7/ a démentis, ix, 1, p. 194, mettent en garde les fidèles contre la tentation de nier la résurrection et le jugement. C’est sans doute une allusion aux premiers gnostiques ; mais le danger ne semble pas avoir pris de proportions inquiétantes. Aussi nos auteurs se contentent-ils d’utiliser la croyance au jugement comme une vérité admise par tous.

Raison d’être du jugement.

Elle se fonde sur les

attributs de Dieu, « qui est fidèle à ses promesses et juste en ses jugements ». /" Clem., xxvii, 1, p. 131. « Il voit et entend toutes choses. Craignons-le doue et renonçons aux mauvaises œuvres de la concupiscence impure, afin que sa miséricorde nous garde des condamnations futures. Qui de nous, en effet, peut échapper à sa main puissante ? Où est le monde qui recevra celui qui voudrait le fuir ? » Ibid., xxviii, 1-2.

Cette justice se manifeste dès ici-bas, au moins dans une certaine mesure, par l’économie providentielle des biens et des maux, Hermas, Sim., VI, iii, 6, p. 548 ; mais elle est surtout réservée à la vie future, qui fera éclater au grand jour la valeur de chacun, comme l’été distingue les arbres qui semblent tous être secs pendant l’hiver. Sim., IV, p. 526-528. Il faut donc craindre le « jugement à venir » ; s’il tarde, c’est pour que notre vertu ne soit pas un marchandage : « nous luttons dans la vie présente pour être couronnés dans l’autre ». « Ne nous laissons donc pas troubler si nous voyons les pécheurs s’enrichir et les serviteurs de Dieu dans la misère. » 7/ a Clem., xviii, 2-xx, 4, p. 208-210. « Car il est fidèle celui qui a promis de rendre à chacun le salaire de ses œuvres. » Ibid., xi, 6, p. 196. » « Le Seigneur jugera le monde sans acception de pe ; sonnes. Chacun recevra selon ce qu’il aura fait : s’il a été bon, la justice le précédera ; s’il a été mauvais, le salaire de sa méchanceté sera devant lui. » Barn. Episl., iv, 12, p. 48. La justice de Dieu, d’après saint Ignace, s’étendra aux anges eux-mêmes, s’ils ne croient pas au sang du Christ. Smyrn., vi, 1, p. 280.

Auteur du jugement.

Ce jugement divin est

réservé au Christ, qui, suivant la formule du symbole souvent répétée, doit venir juger les vivants et les morts. Barn. Episl., vii, 2, p. 58 ; II* Clem., i. l, p. 181 ;