Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/175

Cette page n’a pas encore été corrigée

1759 JUGEMENT, DONNÉES DE L’ÉCRITl RK : NOl VEAU TESTAMENT 1760

3-5 ; cf. Hebr., x, 27-31 ; pour les autres, une invitation pressante à fuir le péché, I Thess., iv, 3-6 ; cf. Hebr., xiii, 4 et I Cor., vi, 9-10 ; pour l’Apôtre lui-même, un motif de se dépenser dans les labeurs de l’apostolat,

I Cor., ix, 16-27 ; pour tous, en un mot, une raison de s’adonner avec persévérance « à l’œuvre du Seigneur, en sachant que notre effort n’est pas vain dans le Seigneur. » 1 Cor., xv, 58. Moyennant quoi, pour tout chrétien fidèle à sa foi comme pour saint Paul lui-même, elle peut devenir une source d’inébranlable confiance. II Tim., i, 12 etiv, 6-8.

4. Sujets du jugement.

Ce jugement sera absolument universel. « Tous nous devons comparaître » devant le tribunal divin, Rom., xiv, 10 et II Cor., v, 10, cf. Hebr., xii, 23, tant les vivants que les morts,

II Tim., iv, 1, c’est-à-dire les morts ressuscites aussi bien que les témoins de la parousie. I Thess., iv, 14. Les Gentils y figureront comme les Juifs, à cette seule diflérence que ceux-ci seront jugés d’après la Loi mosaïque, ceux-là d’après la loi naturelle gravée dans leur conscience. Rom., ii, 12-16.

Avec les hommes, le jugement atteindra d’une certaine façon les esprits angéliques. « Ne savez-vous pas que nous jugerons les anges ? » I Cor., vi, 3. Mais l’Apôtre n’explique pas comment. S’il est vrai surtout, comme l’estime le P. Prat, op. cit., p. 513, que nous devions juger « non pas seulement les anges déchus, mais les anges restés fidèles, » ceci ne peut guère s’entendre que d’une comparaison ou d’un contraste entre notre conduite et la leur. « Pour conclure, continue le même auteur — et c’est tout ce qui importe ici — le jugement aura la même extension que le mérite et le démérite. Anges ou hommes, tous ceux qui ont été soumis à l’épreuve, qu’ils en soient ou non sortis vainqueurs, auront à comparaître devant le tribunal de Dieu. »

Jugement particulier.

Autant la doctrine de

saint Paul est explicite sur la rétribution finale, autant elle l’est peu sur la rétribution immédiate.

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle n’est pas contraire à l’existence du jugement particulier. Elle le serait si l’Apôtre avait conçu l’état de l’âme après la mort, à la manière des anciens Juifs, comme une sorte d’engourdissement. Cette théorie lui est attribuée par un certain nombre de théologiens protestants modernes, voir Atzberger, op. cit., p. 212, sous prétexte qu’il applique volontiers aux morts le nom de dormants ». I Thess., iv, 12-15 ; I Cor., xv, 18-20. Métaphore traditionnelle, cf. Mattli., xxvii, 52 ; Joa., xi, 11 ; A et., vii, 60 et xiii, 36, largement justifiée par la ressemblance du sommeil et de la mort, et dénuée, par conséquent, de toute signification doctrinale.

Mais « que devient l’âme séparée du corps ? Quels sont ses rapports avec Dieu, avec les vivants, avec les autres défunts ? Sur tous ces problèmes, saint Paul nous donne peu d’indications et moins encore d’enseignements. » Prat, op. cit., p. 496.

Ce « peu d’indications » est fourni par son expérience personnelle, que l’on doit sans nul doute étendre pareillement à tous les justes. Au moment de son martyre, le diacre Etienne priait le Seigneur Jésus de « recevoir son esprit ». Act., vii, 59. Poussé par son amour, saint Paul, lui aussi, a « le désir de se dissoudre et d’être avec le Clirist : » sort qui lui paraît bien meilleur que de continuer ici-bas un ministère apostolique pourtant nécessaire. Philipp., 1, 23-24, C’est que, tant que nous sommes dans le corps, nous sommes éloignes du Seigneur : » d’où la sainte nostalgie qui )e hante de < s’éloigner du corps et de demeurer auprès du Seigneur. » Il Cor., v, 6-8. Toutes paroles qui supposent évidemment que l’union au Christ coïncide avec la dissolution corporelle. Elles s’accordent avec

la doctrine générale de l’Apôtre, d’après laquelle la

mort elle-même ne saurait éteindre en nous la divine charité, Rom., viii, 38-39 ; car « vivants ou morts, nous sommes au Seigneur. » Ibid., xiv, 8 ; cf. I Thess., v, 10. Cependant il faut bien reconnaître que, même à la fin de sa vie, saint Paul parle encore de la récompense qu’il attend èv èxeîvT) tyj "fpépa, II Tim., iv, 8 ; cf. i, 12 : expression qui ne signifie pas le jour de sa mort, comme parfois on l’a cru, par exemple Simar, Die Théologie des hl. Paulus, p. 252. mais le jour du suprême jugement. Atzberger, op. cit., p. 206. Preuve que, malgré son mysticisme, c’est le jugement général qui domine toujours son esprit et son cœur.

Au total, il est incontestable que saint Paul entrevoit pour les justes la possession immédiate de la béatitude céleste dès le moment de leur mort. Cela étant, < il est naturel que les pécheurs subissent leur châtiment dès la fin de l’épreuve. » L’induction est certainement autorisée par la logique et l’on peut se rappeler que les Actes parlent de Judas, en termes voilés mais significatifs, comme s’en étant allé par son suicide e’.ç tôv tôhtov tôv ÏSiov. Act., i, 25. « Toutefois l’Apôtre ne dit rien à ce sujet. » Prat, op. cit., p. 497. Ce qu’il ne dit pas, peut-être pourrait-on croire qu’il l’insinue, si, dans II Cor., v, 10 : ïvaxopûarjTai ëxaaToç xà Sià toG o-o>u.aToç, les derniers mots devaient être pris assez strictement pour indiquer un moment où l’âme est séparée du corps. Mais cette exégèse est encore trop problématique pour s’imposer. On voit que saint Paul n’apporte aucun éclaircissement à la doctrine évangélique sur l’échéance des sanctions. Dans la mesure où il la confirme, il témoigne à son tour indirectement en faveur d’un premier acte de la justice divine destiné à les répartir aussitôt après la mort. Voir Labauche, op. cit., p. 375-376.

Peut-on trouver chez lui des témoignages directs ? Beaucoup de théologiens invoquent dans ce sens le texte déjà cité, II Cor., v, 10, dont le contexte, tout entier relatif à la destinée individuelle, autoriserait à dire que cette manifestation de tous « devant le tribunal du Christ » signifie notre jugement particulier. Mais les meilleurs exégètes catholiques entendent ce passage du jugement dernier, voir Cornely, In II Cor., Paris, 1892, p. 153-154, et cette interprétation s’harmonise mieux avec la doctrine générale de l’Apôtre.

Tout aussi classique et sans doute moins fragile est l’argument établi sur la célèbre incise de Hebr., ix, 27 : àuoxeÏTat toïç àvOpwiroiç aracÇ à7roGaV£Îv, ptexà 8è toûto xptaiç, où le jugement semble présenté comme immédiatement consécutif à la mort. Cependant l’expression |i.£Ta toûto ne signifie pas autre chose, par elle-même, que la succession chronologique des deux événements, sans postuler nécessairement qu’elle soit sans aucun intervalle. Par ailleurs tout ce verset n’est qu’une comparaison entre la destinée humaine et la mission rédemptrice du Christ. De même que l’homme meurt une fois, Sl-kolE, àTCoGavsîv, et est ensuite jugé, ꝟ. 27, ainsi le Christ, ꝟ. 28, s’est immolé une fois, garai ; TrpoævexŒtç, et il apparaîtra une seconde fois, ex Seuxépou… tocpOy)asTai, en vue de sauver ceux qui l’attendent. Si le sacrifice du Christ est mis en parallèle avec la mort de l’homme, la même symétrie doit présider au second membre de la comparaison et le jugement de l’homme coïncide avec l’apparition glorieuse du Clirist. C’est pourquoi beaucoup d’exégètés ne veulent trouver ici encore que le jugement général, par exemple, FTllion, l.n suinte Bible commentée, t. viii, p.492. Et ceci interdit au théologien prudent de faire une confiance absolue sur un texte de sens aussi contesté.

Aussi ceux là même qui s’attachent avec le plus d’énergie È trouver dans saint Paul la nient ion directe du jugement particulier, comme I.. Atzberger, op. cit.. p. 208-209, doivent-ils convenir qu’il n’existe pas de