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JUGEMENT. DONNÉES DE L’ECRITURE : NOUVEAU TESTAMENT

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Testament. Ce jugement est un acte divin qui commence dès cette vie pour se consommer dans L’autre, d’après la réponse que chaque conscience d’homme fait à l’appel du Fils de Dieu. Une forme plus saillante s’affiche au premier plan : celle qui clôturera l’ère présente du monde et marquera l’avènement définitif du royaume de Dieu par le triomphe du Christ. Mais, dans cette perspective lointaine qui intéresse les destinées générales du monde, on aperçoit tout au moins l’indice d’une économie providentielle du même ordre, à la publicité près, et d’exercice permanent, qui arrête d’une manière absolue la destinée de chacun suivant la direction morale de sa vie. La tradition catholique ne fera qu’expliciter le contenu réel de l’Évangile en distinguant un jugement général et un jugement particulier.

II. doctrine de SAINT PA vl.- — S’il est des doctrines que le génie de saint Paul a marquées de son empreinte, ce n’est pas le cas pour l’eschatologie. II ne fait guère sur ce point que refléter les conceptions communes du christianisme naissant.

Jugement général.

Comme dans l’Evangile, c’est

ici la pensée du jugement général qui domine. « On sait, écrit le P. Prat, que l’enseignement eschatologique de saint Paul suivit une marche nettement décroissante, <> La théologie de saint Paul, t. ii, Paris, 1912, p. 485 ; cf. p. 512, et l’on voit dès lors des historiens qui le distribuent bravement « en ses quatre étapes ». Charles, op. cit., p. 379. Quoi qu’il en soit de cette évolution, elle n’affecte pas la doctrine du jugement, qui se présente sensiblement sous la même forme dans ses divers écrits et qu’on peut dès lors synthétiser sans lui faire tort. Voici les points principaux oit semble s’affirmer davantage l’originalité de l’apôtre.

1. Raison d’être du jugement.

Il n’est pas besoin de démontrer que la notion chrétienne de Dieu entraînait la foi au jugement. Aussi voit-on que cette vérité entrait habituellement dans la prédication de saint Paul, Act., xvii, 31 et xxiv, 25, et il semble résulter de Hebr., vi, 2 qu’elle appartenait à la primitive catéchèse apostolique.

L’apôtre en dégage le principe quand il rappelle que le Dieu saint ne saurait être qu’un « Dieu vengeur du péché », I Thess., iv, 6, et, par conséquent, redresseur des injustices dont le monde est témoin. « Car il est juste aux yeux de Dieu de renvoyer raflliction à ceux qui nous affligent et de vous accorder à vous, les affligés, le repos avec nous. » II Thess., i, 6-7. Et comme cette justice n’apparaît pas dans le cours ordinaire du monde, le croyant en attend la manifestation avec certitude dans la vie future : il y aura « un joui - de colère, » qui sera « la révélation de la justice de Dieu en ses jugements, » Rom., ii, 5 — Sixaioxptaîa toù 0eoû, expression intraduisible qui désigne « plus encore le caractère du juge que celui du jugement, » P. Lagrange, L’Épîlre aux Romains, Paris, 1916, p. 45 — et rétablira l’ordre violé en remettant chacun à sa place. Ibid., 7-8 et II Thess., i, 9-10. Le dogme du jugement est étroitement associé à celui de la justice, c’est-à-dire incorporé à la notion de la Providence.

2. Auteur du jugement.

A la suite de l’Évangile,

où le jugement est donné comme une fonction messianique, l’Église naissante, en prêchant Jésus Messie, le proclamait « juge des vivants et des morts ». Act., x, 42. Cette formule est passée dans saint Paul, II Tim., iv, 1, qui rapproche nettement le jugement de la parousie, II Thess., i, 7-8 ; cf. Hebr., ix, 28, et aime appeler le grand jour attendu yjfxépa toû xupîou, I Cor., v, 5 ; cf. i, 8 ; II Cor., i, 14 ; I Thess., v, 2, ou encore 7j[xépx XpiaToij’Iïjaoù. Philipp., i, 6, 10 etu. 16. « Le jugement est si intimement lié à la parousie qu’il est impossible de séparer ces deux scènes d’un même

drame réunies par l’Église sous un même article du symbole. » Prat, op. cit., p. 512.

De ce drame l’Apôtre a recueilli l’affabulation traditionnelle. « La parousie emprunte largement la mise en scène et le coloris du jour de Jéhovah dont elle est la réalisation typique. » Mais ces images ne doivent pas pour autant être confondues avec la réalité qu’elles expriment. « Dans toute prophétie et toute apocalypse, la part du type, du symbole et de l’allusion aux prophéties antérieures est difficile à démêler. Ni la prophétie ne devrait s’expliquer comme un récit historique, ni l’apocalypse comme une prophétie ordinaire. Ce genre littéraire comporte des symboles traditionnels qu’il serait dangereux de prendre à la lettre et dont le sens, conditionné par une série de prédictions plus anciennes, reste toujours mystérieux et flottant. » Prat, ibid., p. 510. On est sûr de rester dans la pensée profonde de saint Paul en retenant que ce « jour du Seigneur » a pour but de faire éclater sa gloire, II Thess., i, 10. et d’établir ce règne triomphal, I Cor., xv, 25, qui doit aboutir à ce que Dieu soit tout en tous. Ibid., 28.

Mais le Christ peut-il accomplir cette œuvre sinon à titre d’agent divin ? C’est pourquoi l’on a vu plu^ haut que le jugement était rapporté par l’Apôtre à Dieu lui-même. Cf. Rom., ii, 6-7 et Hebr., x, 30-31 ; xii. 23. Rien d’ailleurs n’est plus facile que d’accorder ces deux vérités et saint Paul a très heureusement indiqué la ligne de leur conciliation. « Dieu, disait-K aux Athéniens, a fixé le jour où il jugera la terre selor. la justice dans l’homme qu’il a choisi. » Act., xvii, 31. Cf. Rom., ii, 16 : ’Ev fj T)(iépa xpîvet, ô ©eôç xi xpvnzv. tcôv àv8po>TUi>v… Stà Xpiaroû’Itjctoû. Sous le bénéfice de cette précision théologique, il peut situer indifféremment le jugement, soit devant le « tribunal de Dieu, » Rom., xiv, 10 — c’est la leçon authentique contre celle de quelques manuscrits, suivis par la Vulgate, qui portent : tm (3y)(i.aTt, toû XpiaToû par symétrie avec le texte suivant : voir Lagrange, op. cit., p. 327 et Cornely, In Rom., Paris, 1896, p. 705-706,

— soit devant le « tribunal du Christ ». II Cor., v, 10. A côté du juge principal, l’Apôtre fait aux « saints », dans l’acte du jugement, une place mal définie, I Cor., vi, 2-3.

3. Objet du jugement.

- Quel qu’en soit l’auteur, le jugement sera toujours une œuvre de justice, c’est-à-dire la suprême réalisation de l’ordre moral.

Chacun y devra « rendre compte pour lui-même, » Rom., xiv, 12, et s’y présentera avec tout ce qu’il a fait en sa vie, soit de bien, soit de mal. II Cor., v, 10. Une implacable lumière éclairera nos actes les plus cachés, Rom., ii, 16, et jusqu’aux secrètes intentions des cœurs. I Cor., iv, 5. A cette enquête rigoureuse correspondra une sentence proportionnée. Comme Jésus, l’Apôtre reprend l’antique formule de la justice intégrale : « Dieu rendra à chacun selon ses œuvres. » Rom., ii, 6 ; cf. II Cor., xi, 15 ; II Tim., iv, 14 ; I Cor., m, 8. Et de même qu’il n’y a pas « acception de personnes » dans la distribution des dons divins, Act., x, 34, il n’y en aura pas non plus dans la rétribution. Rom., ii, Il et Col., iii, 25. Le mal n’y sera pas oublié, ibid., mais pas davantage le bien, Eph., vi, 8, de sorte que chacun recevra 7rpôç à ër : pa :  ; ev. II Cor., v, 10. Économie de justice qui est aussi bien une loi de nature ; < « car ce que sèmera l’homme, il le moissonnera. » Gal., vi, 8. A condition de ne pas méconnaître le principe religieux qui en est l’âme, on ne peut que rendre hommage, avec H. C. Charles, op. cit., p. 399, au caractère « parfaitement philosophique » de l’idée de jugement dans saint Paul.

Son efficacité moralisatrice n’en est que mieux assurée. La perspective du jugement divin est une terrible menace pour le pécheur endurci, Rom., n..