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JUGEMENT, DONNÉES DE L’ÉCRITURE : ANCIEN TESTAMENT


dans la littérature apocalyptique. C’est à elle également que s’est rallié dans l’ensemble le rabbinisme postérieur. Lagrange, op. cit., p. 176 ; pour la preuve détaillée, voir F. Weber, Jûdische Théologie, 2e édit.on, Leipzig, 1897, p. 348-398 et Volz, op. cit., p. 257-258. Elle avait l’avantage d’offrir un semblant de conciliation entre les espérances nationales toujours vivaces et l’universalisme moral qu’imposait la tradition des grands prophètes ; mais celui-ci devait fatalement souffrir du voisinage de celles-là. Suivant cette divergence fondamentale, le jugement prenait la forme, tantôt d’une lutte victorieuse, tantôt d’une procédure judiciaire. Volz, op. cit., p. 89-90 ; cf. p. 264-267.

Au total, si le judaïsme avait conservé l’idée d’un jugement général, il était loin d’en réaliser adéquatement la signification et il arrivait à plusieurs de la compromettre en la ramenant à la mesure étroite de leurs préjugés nationaux.

2. Rétribution individuelle.

En revanche, l’indécision qui planait encore sur les destinées individuelles tendait à se dissiper. La croyance s’imposait à tous, sur la foi de Daniel, d’une résurrection des bons et des méchants au jour des grandes justices, et le livre des Paraboles d’Hénoch enseigne que cette résurrection sera absolument universelle, ii, 1, p. 103. Cependant, chez les rabbins, s’accrédita l’idée que la résurrection est un privilège d’Israël, les païens restant dans la mort qui est leur châtiment. Weber, op. cit., p. 390. Mais on veut savoir aussi ce que deviennent les âmes en attendant. Ce problème jusque-là si obscur et à peine soupçonné est résolu dans le sens d’une rétribution immédiate. Voir P. Volz, op. cit., p. 133-146.

Dans les écrits de provenance ou d’inspiration alexandrine s’affirme naturellement, ainsi qu’au livre de la Sagesse, l’immortalité de l’âme, qui entraîne comme conséquence la sanction individuelle au moment de la mort. Il n’est pas question d’autre chose au IVe livre des.Macchabées, qui raconte et commente dans un sens stoïcien le martyre de ces héros de la foi juive. Ceux qui meurent pour Dieu vivent en Dieu, comme Abraham, Isaac et Jacob », xvi, 25 ; cf. xiii, 17 ; xvii, 5 et 18 ; xviii, 23, tandis que les méchants sont voués au tourment du feu x, 11, 15 ; xii, 12 ; xiii, 15. Il n’est plus question de cette résurrection corporelle, qu’en des circonstances analogues soulignait si fortement l’auteur du livre canonique. Voir Charles, op. cit., p. 268. Au rapport de Josèphe, les Pharisiens auraient enseigné que 4 l’âme reçoit sous la terre des châtiments ou des récompenses suivant le bien ou le mal pratiqué pendant la vie, » Anliq., XVIII, i, 3. Demêmelesesséniens, convaincus que le corps est une prison, auraient souffert la mort volontiers, parce que « les âmes aussitôt affranchies de ces liens charnels qui les retiennent comme dans une longue servitude, s’élèvent dans l’air et s’envolent avec joie. > De bello jud., II, viii, 11. « En quoi, ajoute l’historien juif, ils s’accordent avec les Grecs. » Ce qui donne à penser qu’il n’a pas résisté à la tentation de moderniser leur doctrine, aussi bien que celle des Pharisiens. Quoi qu’il en soit de sa valeur historique, le témoignage de Josèphe montre tout au moins quelle était la tendance du judaïsme hellénisé au cours du I er siècle. Elle allait, chez Philon, jusqu’à taire ou ignorer le jugement général. Charles, op. cit., p. 260. textes réunis par Atzberger, op. cit., p. 143-150 et Volz, op. cit., p. 142-145.

Fidèle à cet élément de la foi traditionnelle, le judaïsme palestinien n’en concevait pas moins un exercice préalable de la justice. Dossier très complet dans Atzberger, p. 137-143 et Volz, p. 135-140. Le livre d’Hénoch témoignerait à cet égard d’une véritable « révolution dans la pensée juive, i Charles, p. 187. « Ce qui est nouveau ici, écrit de son côté le

P. Lagrange, op. cit., p. 61, c’est la description de ce schéol, où les rangs sont marqués comme si un premier jugement était déjà prononcé. » Dans le flanc d’une vaste montagne, Hénoch voit, en effet, quatre grottes spacieuses où se rassemblent les âmes’des morts jusqu’au jour du jugement. Les deux premières sont pour les justes : l’une pour les justes ordinaires, avec une belle source d’eau ; l’autre pour ceux qui ont souffert persécution depuis Abel. Il y a de même deux compartiments pour les pécheurs, selon qu’ils sont plus ou moins coupables, qu’ils ont plus ou moins connu la justice divine ici-bas. Hénoch, xxii, 1-13, p. 5862. Tous sont dès maintenant dans un état de souffrance ; mais les uns y resteront simplement, tandis que les autres la verront s’accroître au dernier jour. Au total, « le grand jugement ne fera donc que confirmer une sentence déjà rendue. » Lagrange, loc. cit. C’est dire qu’à cette première répartition des défunts est sous-jacente la notion du jugement particulier.

Le IVe livre d’Esdras pose nettement la question de l’état des âmes dans l’intervalle qui précède le jugement. « Après la mort, quand nous devons rendre notre âme, sommes-nous conservés dans la paix, demande l’auteur, jusqu’à ce que viennent les temps où tu renouvelleras la création, ou sommes-nous déjà soumis à la peine ? » vii, 75. Et Dieu répond à cette question en lui révélant que les pécheurs sont déjà dans les tourments de sept manières, qui se ramènent au remords cuisant de leur infidélité, à la vue de la paix dont jouissent les bons et à la perspective des supplices plus grands qui leur sont réservés. Les saints, au contraire, sont dès maintenant dans la joie pour sept motifs inverses des précédents : savoir la satisfaction d’être restés fidèles à Dieu, la paix qui leur est désormais assurée sous la garde des anges à la différence de l’angoisse où gémissent les méchants, la connaissance anticipée de la gloire qui les attend, vn, 76-100, dans E. Kautzsch, Die Apocruphen und Pseudepigraphen des Altaï Testaments, Tubingue, 1900, t. ii, p. 374-376.

Dans l’Apocalypse de Baruch, il est aussi question des diverses « chambres » où sont gardées les âmes, xxx ; les méchants y reçoivent un avant-goût des châtiments qu’ils ont mérités, xxx, 5 et xxxvi, 11 ; ibid., p. 423-425.

Chez les rabbins, les païens, qui ne doivent pas bénéficier de la résurrection, sont envoyés à la géhenne dès leur mort. Weber, op. cit., p. 391-392. Quant aux justes, ils descendent au schéol, mais ils y triomphent de leurs adversaires et ont déjà le sentiment d’être avec Dieu ou y subissent, quand c’est nécessaire, l’épreuve d’un feu purificateur, ibid., p. 341-342. Diversité de situation qui suppose, au moins vaguement entrevu, un premier discernement des âmes. Mais, comme ce dernier se fait surtout d’après la race, il ne saurait donner lieu ni à de longues procédures ni à de vives préoccupations. Cependant quelques rabbins ont fait des allusions assez explicites à un jugement particulier. R. Jehuda assure à Antonin que le corps et l’âme comparaîtront aussitôt après la mort. La fille de R. Jannée est jugée aussitôt après son décès. A l’heure où l’homme descend au sépulcre, on lui présente (R. Samuel b. Nahman) ses actions qu’il reconnaît ; l’impie reçoit sa condamnation (àra$ça<nç). Aussi R. Johanan b. Zakkai mourant tremble-t-il à la pensée du jugement qu’il va subir. Voir Volz, p. 141-142.

Conclusion générale. — On peut maintenant mesurer le chemin parcouru par la pensée juive depuis les origines. Elle fut toujours dominée par une foi profonde en la justice de Dieu. Mais de terrestre la conception du jugement divin est devenue peu à pej eschatologique et transcendante, de collective indi-