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    1. JUGEMENT##


JUGEMENT, DONNÉES DE L’ÉCRITURE : ANCIEN TESTAMENT

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prophètes serait ici le germe ; « Dès lors que la participation au règne de Dieu devenait, d’une certaine nanière, la récompense de la vertu individuelle, aucun juste d’Israël ne devait en être exclu ; et dès lors le problème se posait du sort réservé aux défunts. » J. Touzard, loc. ciL, p. 228-229. a Avant l’exil, on ne songe guère qu’à la rémunération ou à la punition de eux qui seront les témoins de l’avènement du royaume. Comme cet avènement est toujours imminent, chacun vit ou est invité à vivre dans l’espoir d’être récompensé ou dans la crainte d’être puni… A partir des derniers temps de la captivité, la pensée juive continue de vivre dans la méditation de l’avenir : elle revient aussi sur ie passé. Dans ce retour en arrière, elle est amenée à se demander ce qui en adviendra de toutes ces générations qui ont vécu dans l’espérance de la promesse. » Et l’on se représente ainsi par quelle voie « l’Esprit de Dieu lui révèle ( au judaïsme) que toutes ces générations ressusciteront pour être les témoins des choses finales et pour être admises à la récompense ou au châtiment. » L. Lahauctie, op. cit., p. 365.

Tout au plus pourrait-on admettre que ce développement a pu être favorisé par les influences perses, mais a condition de ne pas oublier qu’il avait dans la foi juive la plus authentique ses principes essentiels.

2° Littérature canonique : Judaïsme alexandrin. — Chez les juifs alexandrins, au contact de la pensée grecque, on voit apparaître avec plus de précision la doctrine de l’immortalité de l’âme et celle de la rétribution immédiate après la mort. Le livre de la Sagesse contient nettement cette double affirmation.

1. Principes théologiques.

Tandis que le judaïsme s’attachait à l’homme comme être concret, l’âme est ici considérée comme un principe indépendant du corps et plutôt entravée par lui dans l’exercice de ses fonctions propres. Sap., xx, 15. En conséquence, elle est faite pour l’immortalité, ii, 23, et le culte de la sagesse a justement pour but de lui en assurer le bénéfice, vi, 18-19 et viii, 13, 17. Cette vie future répare les anomalies de celle-ci. Si les justes sont frappés d’une mort précoce, c’est que Dieu les appelle à la récompense, iv, 13-14 ; les insensés qui ne regardent qu’à la terre ont pu y voir un châtiment, mais, en réalité, c’est pour eux le commencement d’une vie éternelle, iii, 1-5 ; v, 15-lC.

Quant aux méchants, l’auteur ne parle jamais qu’en termes voilés des déboires que Dieu leur réserve, iii, 10-19 ; iv, 18-20 ; xvii, 21. Mais, comme son but manifeste est d’établir le contraste de leurs destinées avec celles des justes, tout porte à croire que pour eux également la rétribution se passe dans une autre vie. Voir Touzard, loc. cit.. p. 236.

2. Application.

Cette sanction a un caractère strictement individuel et commence dès le jour de la mort, l.e juste qui meurt avant l’âge est dès lors in refrigerio, èv àvarrooTS’., iv, 7. et il est transporté du milieu des pécheurs, iv, 10 et l l. évidemment dans une vie meilleure, en termes qui rappellent le mystérieux enlèvement d’Enoch. Gen., v, 21 et Eccli., xliv, 10. Noir Cornely-Zorcll, Comment, in lib. Sapientiee, Paris, 1910, p. L55 158.

Néanmoins l’auteur insiste plutôt sur un moment solennel, où les justes se dresseront pleins de confiance contre leurs oppresseurs d’un jour, v, 1, où ceux-ci trembleront au souvenir de leurs péchés, iv, 20 et v, 2. et proclameront à haute voix l’erreur de leur Jugement et de leur conduite, v, 8-15. Ailleurs, il affirme que « les justes jugeront les nations et domineront sur les peuples et que leur Dieu régnera a jamais, ni, S (le sont des allusions évidentes à l’avènement du royaume eschatologique, encore que la résurrection n’y soit pas mentionne*, et la tradition catholique y reconnaît à bon droit h : jugement général. Gomelj Zorell, "/ » uil., p. 175-106.

Mais il est remarquable que cette description est dépouillée de toute image apocalyptique et par là rejoint ce suprême triomphe de l’ordre moral qu’Isaïc identifiait parfois avec le jour de JahvéA’oir plus haut, eol. 17-12. Le prophète insiste davantage sur le côté qui regarde Dieu ; le sage sur celui qui intéresse l’homme : tous deux dépassent l’horizon national pour envisager une manifestation éclatante et décisive de la justice divine devant le monde. C’est sans contredit la plus haute cime que la lumière de la révélation ait découverte aux écrivains inspirés de l’Ancien Testament et qui fait déjà pressentir le Nouveau. Voir Atzberger, op. cit., p. 109.

Littérature extra-canonique.

En dehors du

canon, la vaste littérature des apocryphes nous renseigne sur la manière dont le judaïsme postérieur conservait et comprenait le lot varié d’espérances religieuses qu’il avait hérité de ses pères.

1. Rétribution nationale.

C’est ici, comme toujours en Israël, le souci de l’avenir national qui domine, et, avec lui, l’espérance du grand jugement qui doit assurer au peuple la réalisation des promesses divines. Liée au messianisme, dont elle est une conséquence ou un aspect, cette doctrine a subi le contrecoup de l’évolution complexe de celui-ci ; mais elle s’affirme à travers toutes ses formes. « Dans la série des systèmes eschatologiques, l’extrême variété des détails est toujours dominée par quelques idées principales. Le jugement est la plus stable et la plus impérieuse de ces conceptions… L’idée évolue moins en elle-même que d’après son objet, d’abord Israël et les nations, puis les justes et les pécheurs. s> M. J. Lagrange, Le messianisme chez les Juifs, Paris, 1909, p. 132. Cf. Volz, op. cit., p. 83-103.

Tantôt ce jugement est attribué à Dieu lui-même, comme dans la première partie d’Hénoch, Lagrange, op. cit., p. 60-65 ; tantôt il est l’œuvre du Messie, comme dans la deuxième partie du même livre. Résumé dans Fr. Martin, Le livre d’Hénoch, Paris, 1900, Introd., p. xli-xlii. Seulement il y a des nuances dans la procédure. Dans le dernier cas, c’est souvent l’aspect national qui domine : le jugement n’est plus que le drame historique, comme dans le IIIe livre des Oracles sibi/llins, Lagrange, p. 82-83, ou la manifestation transcendante, comme dans l’Assomption du Moïse, ibid., p. 85-86, qui réalisera la délivrance d’Israël et la confusion de ses ennemis. Assez curieuse à cet égard est la variante fournie par Hénoch, qui place l’épée du jugement aux mains des justes et les charge de faire eux-mêmes justice de leurs oppresseurs. Martin, Intr. p. xliii. Voir surtout Hénoch, xc, 19, p. 230 ; xci, 12, p. 246 et xcv, 3, p. 250. Quand c’est Dieu, au contraire, qui intervient directement

— et même, pour Hénoch, quand intervient le Messie — le jugement prend un caractère universel : il est précédé de la résurrection et s’adresse à tous les hommes ; Hénoch y fait même comparaître les anges. Voir i.v, 4, p. 112 ; xc, 20-20, p. 230-231 ; xci, 15, p, 217. Les œuvres des saints y sont pesées à la balance, jusqu’à leurs plus secrètes pensées, lxi, 8-9, p. 127-128 ; les méchants n’y trouveront que terreur et implacable condamnation, rxii, 3-13, p. 131-133.

D’autres fois, ces deux éléments sont combinés suivant une « eschatologie synthétique t. Lagrange, p.’. ! >. Un premier acte est destiné à introduire Israël dans le bonheur plantureux du royaume messianique, Atzberger. op. cit., p. 162-104 ; le second à repartir des sanctions définitives aux bons et -aux méchants. Atzberger, p. 178-181. Dans cette perspective, lo

jugement s, , pince au terme du règne messianique et souvent s ; ms rapport avec lui : il semble résulter des textes longuement analyses par Charles, op. cit., p. 201-261, quc cette conception était la plus repanduo