Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/168

Cette page n’a pas encore été corrigée

174E

JUGEMENT, DONNÉES DE L’ECRITURE : ANCIEN TESTAMENT

1746

temps »..J Touzard, Revue biblique, 1898, p. 228. Sans doute, Daniel ne parle encore que des Juifs ; mais le rapprochement de cette eschatologie avec l’universalisme des autres prophètes devait conduire à l’idée d’une résurrection de tous les hommes en vue du jugement général.

Quant à vouloir que cette séparation future des bons et des méchants crée entre eux une différence immédiate, « au moins objective », Atzberger, p. 92-95, outre que ce n’est pas beaucoup dire, c’est prêter à Daniel une curiosité qu’il n’a pas. eue et un raisonnement qu’il n’a pas exprimé.

2. Livres postérieurs : Ecclésiastique, Tobie. — Malgré les redoutables questions posées par Job et les solutions entrevues par Daniel, beaucoup restaient encore fidèles à l’ancien idéal de rétribution terrestre.

a) En particulier, l’Ecclésiastique se rattache nettement à la tradition des Proverbes. « L’homme est libre : Dieu lui a laissé le pouvoir de garder les commandements ou de les transgresser. Eccli., xv, 14-17. Mais les actions de toute chair sont devant Dieu : aucune n’est cachée à ses yeux, xxxix, 19. Il traite les hommes selon leurs œuvres ; les choses utiles à la vie sont un bien pour les bons, mais un mal pour les méchants. Ibid., 25-27. Si la vie de l’homme a des peines pour tous, elle en a sept fois pour les pécheurs, xl, 1-8 : pour eux les pestes et les fléaux qui désolent l’humanité. Ibid., 9-10. Le méchant peut avoir un instant de triomphe ; mais il périt soudain et pour jamais. Ibid., 13-16 ; il ne se survit que dans une race maudite, xli, 5, et ses enfants eux-mêmes, couverts de honte à cause de leur père, l’accablent de mépris. Ibid., 7. Quant au juste, sa bonté demeure à jamais, sa justice est stable pour toujours, xl, 17. Celui qui aime la sagesse et craint le Seigneur aura la joie, le contentement et une longue vie ; sa fin sera heureuse et à son dernier jour il trouvera faveur, i, 12-13. » J. Touzard, loc. cit., p. 231.

On voit couramment le jugement particulier, sur la oi de la Vulgate, dans Eccli., xi, 28 : Facile est coram Det> in die obitus reddere unicuique secundum vias suas. Mais en réalité, in die obitus, qui traduit èv Y)(i.épa xeXeuTÎjç, a une portée moins précise et signifie seulement : « sur la fin de la vie », N. Peters, Das Buch Iesus Sirach, Munster, 1913, p. 101. Toute la justice divine „"St projetée sur le plan terrestre et nulle part l’Ecclésiastique n’insinue que cette économie providentielle puisse souffrir des difficultés ou appeler des compensations. Pour prétendre le contraire, Atzberger, op. cit., p. 101-103, n’a d’autre ressource que d’allégoriser fortement ce que le Siracide dit de la vie et de la mort.

b) Il en est de même pour Tobie, qui recommande à son fils la fidélité au Seigneur ; car celui-ci ne manque pas de payer de retour ceux qui s’attachent à son service. Si donc le jeune homme agit selon la vérité, comme tous ceux qui pratiquent la justice, il verra ses œuvres lui réussir. Tob., iv, 5-19.

Ces deux livres montrent combien, sauf de rares exceptions, la mentalité commune en Israël restait refi aclaire aux préoccupations de l’au-delà.

3. Macchabées.

Pourtant l’espoir de cette résurrection qu’avait annoncée Daniel finit à son tour par s’imposer. Comme tous les autres, le second livre des Macchabées insiste beaucoup sur les rétributions terrestres, et il ne semble guère en connaître d’autres pour les méchants. II Mac., iv, 38 ; v, 9-10 ; ix, 5-6 ; xiii, 4-8 ; xv, 32-35. Mais les justes comptent énergiquement sur une vie meilleure : les jeunes martyrs affirment leur loi en la résurrection et cette espérance soutient leur courage devant les supplices qui leur sont infligés, vu, 9-38. « Il ne paraît pas qu’à propos des impies l’auteur soit allé plus loin que ses devanciers, ni même que son langage ait atteint en progrès celui de Daniel. »

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

J. Touzard, loc. cit., p. 233. Du moins promet-il aux justes éprouvés les compensations de l’autre vie et cette foi est assez répandue pour jaillir spontanément sur les lèvres des martyrs en présence de leurs bourreaux.

En attendant les rétributions du dernier jour, l’état intermédiaire des justes comporte-t-il une sanction préalable qui supposerait un premier jugement ? Rien ne permet de le conclure avec certitude. Si le célèbre passage où est recommandée la prière pour les morts, xii, 43-45, indique la notion d’un état où les suffrages des vivants peuvent servir aux morts, il n’en ressort pas un discernement entre ceux-ci. Au contraire, la faveur divine et le sacrifice expiatoire pour les péchés semblent s’appliquer sans distinction à « ceux qui meurent bien ». A peine Éléazar paraît-il suggérer, vi t 23, que le châtiment du pécheur pourrait bien commencer dès la mort. En somme, le livre des Macchabées témoigne que la perspective des rémunérations futures ouverte par Daniel avait fini par prendre consistance, au moins dans les meilleures âmes du judaïsme ; mais, comme chez le prophète, l’échéance en est associée à la résurrection corporelle et, pour ce motif, reculée jusqu’à la fin des temps.

4. Origine de la croyance juive.

Pour expliquer l’apparition tardive de cette foi à la résurrection et au jugement, il est classique, chez tous les historiens qui font consister la critique à dépouiller Israël au profit des peuples voisins, de recourir à l’influence de la religion perse. Le parsisme, en effet, se présente avec un ensemble de doctrines eschatologiques très développées et qui rappellent sur bien des points la tradition judéo-chrétienne. Voir plus haut, col. 1729. D’autre part, n’est-il pas frappant que la pensée de la vie future et de ses sanctions se manifeste dans l’histoire la plus tardive d’Israël, c’est-à-dire juste au moment où celui-ci prend contact avec la civilisation persane ? Avec des nuances diverses, la thèse de l’emprunt au parsisme s’affirme chez les tenants modernes di la méthode comparative (religionsgeschich’liche Méthode). Voir les matériaux dans E. Stave, Ueber de Einflus : des Parsimus auf das Judentum, Haarlem, 1898, p. 145-204 et E. Bôklen, Die Verivandtscha/t der jiïdisch-christlichen und der parsischen Eschatologie, Gœttingue, 1902, p. 50-56, 115-125. Cf. Touzard, loc. cit., p. 229-230 et ici-même art. Judaïsme, col. 1659 sq.

A cette hypothèse s’oppose le fait général que le judaïsme d’après l’exil était plutôt fermé aux influences étrangères. Sinon on s’expliquerait mal pourquoi le développement de son eschatologie s’est produit si tard et répandu si lentement. D’ailleurs, pour quelques ressemblances très générales, le mazdéisme offre avec le judaïsme bien des différences : celles-ci entre autres qu’on y distingue avec précision le jugement individuel du jugement général et que le salut final y est regardé comme accessible à tous. Il n’y a, somme toute, de commun entre les deux religions que l’idée de sanctions ultra-terrestres. Dès lors, la remarque de N. Sôderblom, op. cit., p. 150, demeure typique : « Puisque la croyance en la rétribution dans la vie future est née en tant de lieux différents, pourquoi Israël eût-il été incapable de l’enfanter ? » C’est d’ailleurs une question fort débattue que de savoir à quelle époque remonte l’eschatologie classique de l’Avesta. Le P. Lagrange a pu soutenir, après J. Darmesteter, qu’elle est d’origine récente et que c’est elle plutôt qui aurait subi l’influence d.i judaïsme. Voir La religion des Perses, dans Revue biblique, t : xiii, 1904, p. 203-212. Seule une foi aveugle au dogme de la méthode comparative peut franchir ces difficultés.

On peut, au contraire, fort bien s’expliquer l’évolution du judaïsme par un développement de ses propres principes religieux. L’individualisme des derniers

VIII.

56