Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/167

Cette page n’a pas encore été corrigée
1743
1744
JUGEMENT, DONNÉES DE L’ÉCRITURE : ANCIEN TESTAMENT


p. 61-62, que le séjour des morts ait chez eux un caractère pénal.

L’eschatologie des prophètes offre donc une incontestable lacune sur le point de la rétribution individuelle. Pourtant, « comme cette révolution (finale) était toujours présentée comme imminente, il se faisait que tous les individus de chacune des générations qui >e succédaient pouvaient se demander si le châtiment prédit ne tomberait pas sur eux. L’eschatologie nationale devenait ainsi l’eschatologie possible de tous les individus de chaque génération, une sorte d’eschatologie individuelle. » L. Labauche, Leçons de théolotjic dogmatique, t. ii, p. 355. En tout cas, à raison de leur haute inspiration religieuse et morale, les prophètes contribuèrent à développer dans les âmes, malgré les traverses de la vie, un profond sentiment de confiance personnelle en Dieu. Is., iii, 10-11 ; viii, 17 : xxv, 8-9 ; xxvi, 7-14 : Mich., vii, 7-10. Sur le roc de cette foi religieuse s’élèveront les révélations plus complètes de l’avenir.

^2. Ches les hagiographes. — Il ne s’agit plus ici de prédicateurs absorbés par leur mission publique, mais de poètes dont les œuvres « sont avant tout l’écho de sentiments individuels, » J. Touzard, loc. cit., p. 219, ou de moralistes préoccupés d’établir pour eux et pour leurs lecteurs une doctrine de vie. Aussi le problème de la destinée nationale est-il éclipsé chez eux par la préoccupation de la destinée personnelle.

Le plus clair résultat de ces réflexions fut d’ébranler l’ancienne conception de la Providence. « Il y a des justes auxquels il arrive selon l’œuvre des méchants et des méchants auxquels il arrive selon l’œuvre des justes, » constatait l’Ecclésiaste, viii, 14, cf. ibid., 10 et ii, 14-17. Beaucoup devaient sans doute faire la même observation. Voir E. Podechard, L’Ecclésiaste, Paris, 1912, p. 176-180 ; cf. p. 160-161. Atteint par une épreuve qu’il ne comprend pas, Job ne se contente pas de clamer son innocence, VI, 24, jusqu’à poser à Dieu même un sorte de défi, xiii, 3-26 et xxjii, 3-12 ; il souligne, en termes violents, qui rappellent le pessimisme de l’Ecclésiaste, le déficit du plan providentiel : < Pourquoi le Tout-Puissant ne met-il pas des temps en réserve et pourquoi ceux qui le connaissent ne voient-ils pas ses jours ? » xxiv, 1. « Au jour du malheur, le méchant est épargné ; au jour de la colère, il échappe. » xxi, 30 ; cf., ix, 22.

Devant un problème si douloureusement posé ne semble-t-il pas que la pensée de la vie future devait surgir comme la solution nécessaire ? On a cru souvent en trouver une première indication dans Job., i, 25-27. Voir Job, ci-dessus, col. 1473. Mais, au jugement de M. Touzard, « le sens de ce texte est trop douteux dans la Massore, les versions les plus anciennes présentent des idées trop différentes, les commentateurs modernes une trop grande variété, pour que nous puissions tirer de ces quelques versets une donnée certaine. » Loc. cit., p. 223. Ce texte est pareillement abandonné par A. Durand, Études, t. lxxxiii, p. 38, mais conservé par Atzberger à titre d’éclair momentané. Op. cit., u. 57-58. Au total, Job ne sait que se plaindre devani l’énigme de son sort et.lahvé lui reproche sa présomption sans lui fournir de réponse. xxxviii, 2 sq. La dernière impression du livre est « pi’il faut faire crédit à ses jugements contre tous les démentis de l’expérience. « Bien que tu dises que lu ne le vois pas, ta cause est devant lui : attends-le. Mais parce que sa colère ne sévit point encore, ce n’est pas a (lire qu’il ait peu souci du crime. » xxxv, 14-15.

Celle solution de la foi proposée par le sage ÉHu est lUSSi celle qui rallie le psalniistc. « .Ma chair et mon

cœur peuvent se consumer : Dieu sera toujours le rocher de mon cœur et mon partage. Car, voici, ceux qui s’éloignent de loi périssent… ; pour moi, m’approche]

de Dieu, c’est mon bien. » Ps., lxxid, 26-28. On a cru parfois trouver une espérance de vie future au ꝟ. 24 : « Tu me conduiras par ton conseil, puis tu me recevras dans la gloire. » Ainsi Charles, op. cit., p. 75-77, appuyé sur Delitzsch, Davidson, Bàthgen, Duhm et Cheyne (première manière) : chez nous, Alfred Durand, Éludes, t. i.xxxi, 1899, p. 328-349 et t. lxxxiii, 1900, p. 22-49. Voir aussi Condamin, Rame biblique, 1899, p. 499, et Atzberger, p. 51-54. Mais ces termes sont trop vagues et trop isolés pour emporter la conviction. Ils n’expriment guère autre chose que la confiance du juste en Jahvé, cf. Ps., xvi, 8-11 ; xvii, 14-15 ; xxxiv, 20-23 ; xxxvii, 5-37 ; xlix, 15-16, et la ferme certitude que tôt ou tard cet espoir ne sera point déçu. Affirmation touchante de foi religieuse, mais qui laisse en suspens le problème posé. « En définitive, ni les Psaumes ni le livre de Job ne font autre chose que nous amener à toucher du doigt l’insuffisance de la solution antique : ils ne la remplacent pas. » J. Touzard, loc. cit., p. 223. Cf. La religion d’Israël, dans J. Bricout, Où en est l’histoire des religions, t. ii, p. 140-141. Aussi continue-t-elle à s’affirmer sans hésitation chez les sages d’Israël ; « Voici, le juste reçoit sur la lerre une rétribution ; combien plus le méchant et le pécheur 1° Prov., xi, 31 ; cf. xiii, 21. Sauf quelques intuitions incertaines et fugitives, la foi commune d’Israël n’est pas allée plus loin,

/II. période RÉCENTE. — C’est seulement dans les derniers siècles du judaïsme que la révélation divine devait éclairer les âmes sur la rétribution future des mérites individuels, sans détriment d’ailleurs pour la rétribution nationale toujours attendue. Le progrès de la première idée est dû principalement à la littérature canonique, tandis que la littérature apocryphe s’attache de préférence à développer la seconde. Toute cette période est bien étudiée dans l’ouvrage capital de P. Volz, Jùdische Eschatologie von Daniel bis Akiba, Tubingue, 1903.

1° Littérature canonique : Judaïsme palestinien. — Deux groupes de livres, différents pour la langue et l’origine, terminent le canon de l’Ancien Testament. Chacun d’eux apporte sa solution au problème des sanctions individuelles. A cette fin, le judaïsme palestinien eut pour rôle de mettre en relief la foi à la résurrection universelle en vue du grand jugement.

1. Exposé de la croyance juive : Daniel. — Elle s’affirme pour la première fois chez le dernier en date des grands prophètes. Voir Daniel, t. iv, col. 71-74. I a partie protocanonique du livre de Daniel s’achève sur une vision eschatologique. « Ce sera un temps d’angoisse tel qu’il n’en fut jamais depuis qu’il y a tics peuples jusqu’à ce jour. Et en ce temps-là sera sauvé parmi ton peuple quiconque sera trouvé écrit dans le livre. Et beaucoup de ceux qui donnent dans la poussière se réveilleront, ceux-ci pour une vie sans fin, ceux-là pour l’opprobre et la honte éternelle. » xii, 1-2.

Il est ici question du sort final réservé au peuple ; mais il se doit résoudre en mesures individuelles, puisque, pour être sauvé, il faut avoir son nom inscrit au registre de vie. Aussi la solution sera-t-elle différente suivant les mérites de chacun : aux uns la gloire éternelle, aux autres l’opprobre éternel. Et ces sanctions seront universelles, puisque les défunts ressusciteront au préalable pour en recevoir leur part. Mais comment admettre des sanctions ainsi proportionnées et définitives sans un jugement qui les répartisse ? En affirmant le sort qui attend les hommes dans l’autre vie, le prophète postule nécessairement un acte de la justice divine propre à le déterminer. Ce texte nous présente donc bien, non si ulrment i la première idée nette et pré cise de la rétribution d’outre-tombe, mais < l’idée de la résurrection et de jugement individuels à la fin des