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JUGEMENT, DONNÉES DE L’ÉCRITURE : ANCIEN TESTAMENT


nommément désigné comme l’exécuteur des hautes œuvres divines. Os., xi, 5 ; Is., v, 26-30 ; viii, 7-10 ; x, 5-6 ; Jer., iv. 5-18. Quant aux bénédictions qui consoleront Israël de ses épreuves, elles ont toutes pour centre la fin de l’exil et la restauration du peuple en Chanaan : Jer., xii, 15 ; xxx, 18-20 ; xxxi, 70 ; Ez., xxxvi, 8-15 ; xxxvii, 15 sq. ; Is., xlv, 13-14 ; xlix, 8-26 ; li, 3 ; lx, 1-22. De même le châtiment des autres peuples se manifestera par les destructions et les ruines. Am., i, 4-5, 7-8 sq. ; Is., x, 5 sq. ; xiii-xiv ; Jer., xlvi, 10. Avant l’exil, du reste, il ne s’agit guère que des peuples qui sont en rapport avec Israël. Charles, op. cit., p. 91. C’est pourquoi les prophètes aiment contempler le châtiment du peuple, puis sa délivrance et la destruction de ses ennemis dans les perspectives prochaines de leur temps. Am., iv, 12 ; Is., iii, 1 ; viii, 4 ; xiii, 6 ; Soph., i, 7 et 14 ; Ez., vii, 12. Tous ces traits suggèrent que le jour de Jahvé est un acte de sa Providence ici-bas.

Mais à cet événement le style des prophètes donne volontiers des couleurs grandioses. A l’avènement de Jahvé, les montagnes se fondent comme la cire devant le feu, Mich. i, 4 ; la terre tremble sur ses bases et le soleil est troublé, Hab., iii, 6-12 : les astres s’éteignent et une terrible épouvante s’empare des humains, Is., xiii, 7-13, qui dans leur frayeur diront aux montagnes : « Couvrez-nous et aux collines : Tombez sur nous. » Os., x, S. Il ne faut voir là sans doute que des figures poétiques pour dépeindre « la fureur de Jahvé ». Ce n’en est pas moins déjà la tradition littéraire des Apocalypses qui commence et qui prépare les esprits à faire coïncider le jugement divin avec la grande catastrophe qui doit marquer la fin des temps.

b) On ne peut affirmer avec certitude que cette perspective eschatologique se découvre nettement avant l’exil. Il semble bien qu’elle apparaisse dans certains oracles d’Isaïe, xxiv, 14-23 ; xxx, 27 sq., encore qu’elle y soit plus ou moins confondue avec l’action historique de la Providence. Ces passages, il est vrai, sont unanimement regardés par la critique indépendante comme des interpolations postexiliennes, Charles, p. 91 sq., et, au jugement de M. Touzard, « on ne saurait nier a priori que certaines prophéties renfermées dans les écrits d’Isaïe, celles par exemple qui ont un caractère très apocalyptique (xxiv-xxvii, xxxiv, xxxv) aient pu être introduites après coup dans son livre. » Dict. apologétique .art. Juif déjà cité, col. 1617. Mais il serait non moins gratuit de nier a priori qu’à travers l’économie terrestre de la Providence l’esprit du prophète ait pu avoir l’intuition, au moins vague, d’une nouvelle et plus solennelle manifestation à la fin des jours. Le caractère très mélangé de ces oracles ne serait-il pas à cet égard une présomption d’authenticité ? Voir Isaïe, ci-dessus, col. 32 sq.

Cette dissociation des perspectives est mieux réalisée dans Ézéchiel. « Il découvre dans l’avenir comme deux horizons, » J. Touzard, loc. cit., col. 1623 : savoir tout d’abord la restauration nationale d’Israël avec le châtiment de ses ennemis qui en est inséparable, Ez., xxxm-xxxvii, puis « après beaucoup de jours », xxxviii, 8, une nouvelle lutte contre les nations conduites par Gog, « chef au nom symbolique » d’après J. Touzard, ibid., et le triomphe définitif de Jahvé. Ez., xxxviii-xxxix. Mais cette eschatologie elle-même s’enveloppe encore souvent de couleurs terrestres. Voir Ézéchiel, t. v, col. 2041.

A mesure qu’il se projette dans le lointain, le jugement prend aussi plus d’ampleur et finit par embrasser toutes les nations. Isaïe présente déjà Jahvé comme « debout pour juger les peuples, » iii, 13, et son triomphe sur Babylone devient un événement mondial, xiv, 9-10. Jérémie le voit « en dispute avec les nations » et « en jugement contre toute chair. » xxv, 31, cf. Soph.,

m, 8. Mais c’est surtout Joël qui, après avoir décrit les formes historiques du jour de Jahvé, i, 15 sq., ii, 2-11, le montre rassemblant toutes les nations dans la vallée de Josaphat, iii, 2 et 12, avec un accompagnement de phénomènes cosmiques formidables, iii, 15, pour « entrer en jugement avec elles. » Il est vrai que ce jugement est tout entier relatif à l’attitude des goïm envers le peuple élu ; mais, sous cet angle spécial, le jour de Jahvé n’en comporte pas moins ici la forme de ces grandes assises de l’humanité dont la tradition ne se perdra plus. Voir Joël, col. 1 193.

c) En même temps qu’elle se développait en étendue, sous l’action des prophètes, la doctrine des jugements s’affinait aussi en qualité. Si elle reste, en général, associée à des contingences politiques et nationales, il est des moments où elle s’en dépouille pour apparaître dans la majestueuse simplicité d’un acte tout spirituel. Jahvé étant le Dieu juste et saint qui poursuit le mal, le « jour de Jahvé » ne doit-il pas être essentiellement celui où s’affirmera son triomphe sur les méchants ? C’est ainsi que le présente un très bel oracle d’Isaïe, où il n’est plus question que de la destruction des idoles et de l’abaissement des orgueilleux. Is., ni, 9-22. Par où le jugement rejoint ce que le prophète dit ailleurs de règne spirituel de Dieu en Israël et dans le monde entier, ii, 2-5.

Au total, les idées des prophètes sur le jugement, comme d’ailleurs sur tout l’avenir messianique dont il doit marquer l’ouverture, s’échelonnent en perspectives diverses et quelque peu flottant -s ; mais toutes signifient une manifestation solennelle de Dieu, au profit de sa gloire et au service de sa just’ce, qui sera la justification éclatante de sa Providence aux yeux de l’humanité.

Le problème de la rétribution individuelle.


Étant donné l’esprit solidariste qui fut toujours dominant en Israël, il n’y a pas lieu de s’étonner que le problème de la destinée personnelle attirât moins l’attention et que la solution en fût, dès lors, moins avancée.

1. Chez les Prophètes.

A l’encontre de la conception populaire qui tendait à effacer la responsabilité des générations actuelles derrière celle de leurs ascendants, les prophètes de l’exil ont affirmé des préoccupations nettement individualistes. « Chacun mourra pour sa propre iniquité ; tout homme qui mangera des raisins verts ses dents en seront agacées, » proclame Jérémie, xxxi, 30. Doctrine qui trouve un large écho dans Ézéchiel : « L’âme qui pèche, c’est celle-là qui mourra. » xviii, 4. En conséquence, il peut arriver qu’un juste ait un fils coupable qui soit condamné et, au contraire, que les crimes du père servent par réaction à convertir le fils. « La fils ne portera pas l’iniquité de son père et le père ne portera pas l’iniquité de son fils : la justice du juste sera sur lui et la méchanceté du méchant sera sur lui. » Ez., xviii, 20, cf. xxxiii, 18. Aussi, au moment du désastre, chacun reconnaîtra-t-il sa propre responsabilité, vii, 16.

Mais l’application de ce principe est limitée aux rapports de chacun avec les destinées nationales. Il y aura un discernement au moment de la ruine de Jérusalem et ceux qui porteront la marque des fidèles seront épargnés. Ez., ix, 3-6. De même le bienfait de la restauration ne sera accordé qu’à la partie sainte du peuple, xi, 17-21 ; xx, 38. « Avec Ézéchiel le jugement de national devient individuel. Mais il restait terrestre, ayant pour terme la participation des individus trouvés justes à la résurrection d’Israël, » J. Touzard, Revue biblique, 1898, p. 227, et ne pouvait évidemment convenir qu’à ceux qui seraient vivants au jour de Jahvé. Quant aux défunts, leur sort ne semble pas encore provoquer la moindre préoccupation, et quelques métaphores sur le fond ou le milieu du schéol ne suffisent pas à montrer, malgré Atzberger, op. cit.,